L’Encyclopédie/1re édition/CONGRUISME

◄  CONGRUENCE

CONGRUISME, s. m. (Théol.) (N. B. l’Anglois porte congruitz, que j’ai cru devoir rendre par congruisme ; terme très-usité dans nos Théologiens, pour exprimer le système dont il s’agit ici) système sur l’efficacité de la grace, imaginé par Suarez, Vasquez, & autres, qui ont voulu adoucir le système de Molina. Voyez Molinisme.

Voici l’ordre que ces théologiens mettent dans les decrets de Dieu, & en même tems toute la suite de leur système : 1°. Dieu, de tous les ordres possibles des choses, a choisi librement celui qui existe maintenant, & dans lequel nous nous trouvons : 2°. dans cet ordre Dieu veut, d’une volonté antécédente, le salut de toutes ses créatures libres, mais à condition qu’elles le voudront elles-mêmes : 3°. il a résolu de leur donner des secours suffisans pour acquérir la béatitude éternelle : 4°. il connoît, par la science moyenne, ce que chacune de ces créatures fera dans toutes & chacune des circonstances où elle se rencontrera, s’il lui donne telle ou telle grace : 5°. supposé cette prévision, il en choisit quelques-unes par une volonté de bon plaisir, & par un decret absolu & efficace : 6°. il donne à celles qu’il a choisies de la sorte, & non aux autres, une suite de graces qui ont un rapport de convenance ou une congruité, avec la disposition de leur libre-arbitre & de leur volonté : 7°. il connoît par sa science de vision, qui sont celles qui doivent être sauvées, qui sont celles au contraire qui seront reprouvées : 8°. en conséquence de leurs mérites ou démérites, il leur décerne des peines ou des châtimens éternels. Tout ce système, par rapport à l’efficacité de la grace, se réduit donc à dire que Dieu qui connoît parfaitement la nature de la grace, & les dispositions futures de la volonté de l’homme dans les circonstances où il se trouvera, lui donne des graces par lesquelles, en vertu de leur congruité ou convenance avec sa volonté considérée dans ces circonstances, il fera toûjours infailliblement, quoique sans être nécessité, ce que Dieu voudra qu’il fasse ; parce que la volonté, selon le langage des congruistes, choisit toûjours infailliblement, quoique librement, ce qui paroît le meilleur, dès qu’elle est aidée de ces sortes de graces. (G)