L’Encyclopédie/1re édition/CONGRUENCE

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CONGRUENCE, s. f. (Métaph.) égalité & similitude de deux choses. Par exemple, deux triangles semblables & égaux sont congruens. Supposez pareillement deux corps humains, où se trouvent les mêmes qualités & les mêmes dimensions, un tout correspondra exactement à l’autre, & chaque partie à la partie semblable. La congruence consiste donc dans l’identité des quantités & des qualités. Prenons les deux triangles congruens ; chaque ligne de la circonférence de l’un est égale à la pareille de l’autre, les quantités des angles sont les mêmes, & la grandeur d’une aire couvre exactement celle de l’autre. Voilà pour les quantités. Il en est de même pour les qualités, savoir de l’espece, de signes, de la proportion des angles, &c. de-là résulte la possibilité de leur substitution. Vous démontriez quelque chose sur l’un, mettez l’autre à sa place, votre démonstration procédera toûjours de même. C’est ce qu’on fait souvent en Géométrie, où la congruence & l’égalité des bornes des figures sert dans plusieurs théorèmes. On appelle borne ou limite, ce au-delà dequoi on ne conçoit plus rien qui appartienne au sujet. Par exemple, on ne suppose dans la ligne qu’une étendue en longueur. Ses bornes sont donc ses deux derniers points ; l’un à une extrémité, l’autre à l’autre, au-delà desquels on n’en sauroit assigner d’autres qui appartiennent à la ligne. En largeur, elle n’a point de bornes concevables, puisqu’on exclut de la ligne l’idée de cette dimension. Voyez Coincidence.

Cette notion de la congruence s’accorde avec l’usage ordinaire & avec la signification reçûe par les Mathématiciens. Euclide se bornant à la notion confuse de la congruence, s’est contenté de mettre entre les axiomes cette proposition : Quæ sibi mutuo congruunt, ea inter se æqualia sunt. Or il paroît par l’application de cet axiome, qu’une grandeur appliquée à l’autre lui est congruente, lorsque leurs bornes sont les mêmes : ainsi, suivant la pensée d’Euclide, une ligne droite congrue à une autre, si étant posée sur elle, les points de ses extrémités, & tous ceux qui sont placés entre deux, couvrent exactement les points qui y répondent dans la ligne posée dessous. Les Géometres donc qui définissent la congruence par la coïncidence des bornes, suivent l’idée d’Euclide. Quoique cet ancien ne se serve de la congruence que pour prouver l’égalité des grandeurs, il suppose pourtant dans sa notion la ressemblance jointe à l’égalité, car il ne démontre l’égalité par la congruence que dans les grandeurs semblables, & il est même impossible de la démontrer dans d’autres grandeurs. Mais il s’en est tenu à la notion de la congruence, qui répondoit à son axiome susdit, sans l’approfondir davantage. C’est ce qui arrive pour l’ordinaire dans nos idées confuses. Nous ne tournons notre attention que sur ce dont nous avons besoin ; & négligeant le reste, il semble qu’il n’existe point. Mais des yeux philosophiques qui se proposent d’épuiser la connoissance des sujets, cherchent dans une notion non seulement ce qu’elle a d’utile pour un certain but, mais en général tout ce qui lui convient & la caractérise. C’est là le moyen, d’arriver aux notions distinctes & completes. Article de M. Formey.