L’Encyclopédie/1re édition/CONGRE

◄  CONGO

CONGRE, conger, s. m. (Hist. nat. Ichthiologie.) poisson de mer fort allongé ; il a ordinairement quatre ou cinq coudées de longueur, & il est souvent de la grosseur de la cuisse d’un homme. Sa peau est lisse & glissante comme celle de l’anguille, à laquelle il ressemble beaucoup. L’extrémité du bec est charnue ; on voit au-dessus deux petits prolongemens de même substance. Les dents sont petites & les yeux grands ; la couverture des oüies n’est pas osseuse, c’est une peau qui ne laisse que deux petits trous sous les nageoires qui sont de chaque côté. Il y en a une qui s’étend depuis la fin du cou jusqu’à la queue, & une autre depuis l’anus aussi jusqu’à la queue, qui est terminée en pointe. Ces deux nageoires sont d’une consistance ferme, leur bord est noir : les narines sont petites, rondes, & placées près des yeux. Il y a une bande blanchâtre, formée par un double rang de points, qui s’étend sur chacun des côtés de ce poisson depuis la tête jusqu’à la queue. Le ventre est blanc, & le dos noir dans les congres qui restent contre les rivages ; ceux qui sont dans la haute mer ont le dos blanc comme le ventre. La chair de ce poisson est dure, & on n’en fait pas grand cas en France. Rondelet, XIV. liv. des poissons. Willughby, Hist. pisc. Voyez Anguille, Poisson. (I)

* Congre, (Pêche du) La pêche du congre est assez considérable ; elle se fait dans de grand bateaux qui ne sont alors montés que de quatre hommes ; elle commence ordinairement vers la saint Jean, & dure jusqu’après la saint Michel. Pendant les trois premiers mois de l’été, les vents d’ouest y sont fort contraires, parce qu’ils empêchent les pêcheurs de sortir des ports & petites bayes qui sont le long de la côte de l’amirauté de Quimper en Bretagne, où se fait la pêche que nous allons décrire.

Les congres se prennent entre les roches ; chaque matelot a trois lignes ; elles sont longues de cent cinquante brasses chacune, & de la grosseur des lignes des pêcheurs de Terre-neuve ; elles sont chargées par le bout d’un plomb du poids de dix livres pour les faire caler ; depuis le plomb jusqu’à cinquante brasses, il y a vingt-cinq à trente piles d’une brasse de long, éloignées chacune d’une brasse & demie, garnies d’un claveau, amorcé d’un morceau de la chair du premier poisson qu’ils prennent quand il commencent leur pêche, soit seche, orphie, maquereau, &c.

Il faut pour la faire avec succès, une mer basse & sans agitation, & que le bateau soit à l’ancre. Les pêcheurs d’Audierne, après leur pêche finie, reviennent de tems à autre à la maison ; au lieu que ceux de l’isle des Saints, qui partent de chez eux le lundi, n’y reviennent ordinairement que le samedi. Le nombre des équipages d’un bateau pour faire cette pêche n’est point limité ; ils sont tantôt plus, tantôt moins, & le plus souvent jusqu’à sept à huit hommes.

Quand ils font leur pêche, ils relevent leurs lignes de deux heures en deux heures, pour en ôter le poisson qui s’y trouve arrêté.

Les pêcheurs sont à la part ; le maître & le bateau ont chacun une part & demie, & les autres matelots de l’équipage chacun une part seulement.

Ceux qui achettent des congres pour les faire sécher, les ouvrent par le ventre depuis la tête jusqu’au bout de la queue ; on leur laisse la tête, on ne les sale point ; on fait des taillades dans les chairs qui sont épaisses, pour faciliter à l’air le moyen de les dessécher plus aisément ; on passe un bâton d’une extrémité du corps du poisson à l’autre pour le tenir ouvert, & on le pend à l’air. Quand ils sont bien secs, on en fait des paquets de deux cents livres pesant, qu’on envoye à leur destination ; ils passent ordinairement à Bourdeaux pour le tems de la foire.

Le produit de cette pêche est fort diminué ; elle monte cependant année commune à mille quintaux ; autrefois le congre ne se vendoit que douze à quinze livres au plus ; le quintal, aujourd’hui, passe vingt livres, & le cent va quelquefois jusqu’à dix écus : ce poisson sec déchoit considérablement du poids dans la garde & dans le transport.