L’Encyclopédie/1re édition/CONFORMATION

CONFORMATION, f. f. (Physiq.) se dit de la contexture & consistance particuliere des parties d’un corps quelconque, & de leur disposition pour former un tout. Voyez Configuration.

Les Newtoniens disent que les corps, suivant leur différente conformation, réfléchissent les différentes couleurs de la lumiere. Voyez Couleur. Chambers.

Conformation se dit aussi principalement en parlant du corps humain ; ce qui fait que ce mot est principalement d’usage en Medecine & en Anatomie. Une bosse est un défaut de conformation. Voyez Bosse, & l’article suivant. (O)

Conformation, (Medecine.) structure, forme, arrangement des diverses parties qui composent le corps humain dans l’un & dans l’autre sexe.

Cette structure est bonne ou mauvaise : elle est bonne quand elle se rapporte à l’ordre général de la nature, & qu’elle ne produit aucun mal ; elle est mauvaise quand elle procure quelque fâcheuse difformité, quelqu’inconvénient considérable, quand elle peche en grandeur, eu figure, en nombre, en situation, &c. & c’est ce qu’on appelle vice de conformation.

Ces vices de conformation sont de naissance ou accidentels ; quelles que soient leurs causes, ils produisent plusieurs maladies organiques, que les Medecins ont assez commodément divisées en quatre classes.

La premiere classe contient les maladies qui naissent de la grandeur disproportionnée de quelque partie ; telles sont les tumeurs contre nature, soit de naissance, soit par accident : ou bien ces maladies émanent de la petitesse disproportionnée d’une partie, qui par cette raison tombe en atrophie ; ou encore lorsqu’un bras ou une jambe sont plus courts d’un côté que de l’autre. On voit bien qu’il ne s’agit pas ici d’un vice de proportion arbitraire des parties du corps considérées séparément, & formant par leur structure ce qu’on appelle laideur ; mais qu’il s’agit d’un défaut de proportion en grandeur ou en petitesse, tel qu’il en résulte une maladie réelle.

La seconde classe comprend les maladies qui procedent de la mauvaise figure d’une partie. Cette mauvaise figure peut exister de naissance, comme le bec-de-lievre, un doigt fait comme une raie, le crâne extraordinairement allongé, applati, saillant, enfoncé, le sternum creusé en-dedans, & l’épine du dos tortueuse, &c. comme dans le célebre Malebranche ; ou être causée par accident, comme par le déplacement des pieces d’une partie fracturée.

La troisieme classe rassemble les maladies qui consistent dans le nombre extraordinaire de certaines parties, comme dans celui de quatre ou cinq lobes de poumon, de quatre ou de six doigts, d’un seul rein, d’une double matrice, &c.

La quatrieme classe renferme les maladies qui ont leur source dans la situation déplacée des parties ; telles sont de naissance le nombril qui ne se rencontre pas à sa place ordinaire, le dérangement, la transposition de quelque viscere ; ou accidentellement, les luxations, les hernies, &c.

Mais il y a plusieurs maladies particulieres de conformation, qu’on ne peut guere rapporter à aucune des classes précédentes : telles sont, par exemple, 1°. les maladies qui tirent leur origine d’un défaut d’articulation, ou d’un manque de quelqu’organe, comme du manque des yeux, de la langue, &c. ou de l’obstruction naturelle de quelqu’autre organe, comme du nez, des oreilles, &c. 2°. Les maladies qui de naissance ou par accident proviennent de la cohérence des parties qui doivent Être séparées ; par exemple, des doigts, des paupieres, des levres unies, du conduit de la pudeur, &c. 3°. On connoît des maladies de conformation qui résultent de l’imperforation d’un canal destiné à être ouvert, d’une ouverture de ce canal percée ailleurs que dans l’endroit ordinaire, ou de deux ouvertures au lieu d’une ; le rectum & l’urethre fournissent quelquefois ces trois exemples. 4°. Des maladies qui dérivent de constriction ou d’allongement contre nature d’une partie membraneuse ; le prépuce présente quelquefois ces deux cas. 5°. On apporte encore en naissant des vices de conformation, qui consistent en excroissances de diverse figure, couleur, grandeur, consistance, & qui paroissent sur plusieurs parties du corps : ce sont-là ces maladies de premiere formation, dont les uns pensent qu’on doit entreprendre la cure, & d’autres qu’il n’y faut pas songer : opinions également fausses, puisque s’il y a de ces sortes d’indispositions qu’on ne peut détruire sans récidive & sans péril, l’expérience prouve qu’il y en a d’autres qu’on traite sans retour avec le plus grand succès. 6°. Enfin on a vû des maladies compliquées avoir pour principe plusieurs vices de conformation réunis dans un même sujet, à divers égards, tant intérieurement qu’extérieurement.

La cure palliative ou radicale de ce grand nombre de maladies mentionnées jusqu’ici, requiert les lumieres combinées les plus étendues de la Medecine, de la Chirurgie, & de l’Anatomie : tout nous apprend que l’art est long, la vie courte, le corps sujet à mille infirmités, même dès sa premiere origine ; & que pour comble de maux, l’esprit partage souvent sans remede les vices de conformation du corps. Cet article est de M. le Chevalier de Jaucourt.

Conformation, (Chirurg.) l’art de rapprocher dans les fractures les bouts des os rompus, en embrassant le membre avec les mains, & en cas d’esquilles adhérentes aux autres parties, & qui ne nuisent point à la cure, en les poussant doucement dans leur place avec les doigts.

Les Chirurgiens après avoir fait l’extension & la contre-extension nécessaire pour remettre en place les os fracturés, doivent procéder à la conformation. On peut la faire, soit avec la paume des mains, le gras des pouces, ou les doigts ; soit même dans certains cas avec les instruments, comme le tire-fond, l’élévatoire, & autres. De quelque façon qu’on fasse cette conformation, il faut, autant qu’il est possible, que la force qui tend à replacer les pieces fracturées soit dirigée de maniere à ne point pousser les chairs contre des pointes d’os ou des esquilles ; on évitera par cette précaution des solutions de continuité, & des divulsions qui pourroient causer de fâcheux accidents.

A l’égard du degré de force qu’on employe pour agencer & replacer les os, il doit être proportionné 1°. à la solidité & à l’épaisseur des os, qui résistent d’autant plus qu’ils sont plus épais & plus solides : 2°. à l’épaisseur des chairs, puisque cette épaisseur diminue l’effet de la pression sur les os : enfin la force de cette pression doit être proportionnée à la quantité du déplacement suivant l’épaisseur. Pour finir la cure, quand la conformation est faite, on maintient l’os réduit par l’appareil & la situation. Tout cela s’écrit & se conçoit a merveille ; mais on ne sait pas assez combien l’exécution requiert quelquefois, pour le succès, des lumieres réunies, d’adresse, & d’habitude. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.