L’Encyclopédie/1re édition/COMMANDERIE

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COMMANDERIE, s. f. (Hist. mod.) espece de bénéfice destiné pour récompenser les services de quelque membre d’un ordre militaire. V. Chevalier.

Il y a des commanderies regulieres obtenues par l’ancienneté & par le mérite ; il y en a d’autres de grace accordées par la volonté du grand-maître. V. Commanderie, (Jurisprud.)

Il y en a aussi pour les religieux des ordres de S. Bernard & de S. Antoine. Les rois de France ont converti plusieurs hôpitaux de lépreux en commanderies de l’ordre de S. Lazare. Voyez Lépreux, S. Lazare.

Je ne compare point les commanderies avec les prieurés, parce que ces derniers se peuvent résigner, à moins que ce ne soient des prieurés de nomination royale ; mais de quelque nature que soit une commanderie, elle ne sauroit être résignée. Ce sont donc des biens affectés pour l’entretien du chevalier & pour le service de l’ordre.

Il y a des commanderies dans l’ordre de Malte de différentes especes ; les unes pour les chevaliers, les autres pour les chapelains, d’autres enfin pour les freres servans.

Le nom de commandeur donné à ceux qui possedent les bénéfices appellés commanderies, répond assez bien au nom de præpositus, donné à ceux qui avoient inspection sur les moines des lieux éloignés du monastere principal, & dont l’administration étoit appellée obedientia, parce qu’elles dépendoient entierement de l’abbé qui leur avoit donné la commission. Les commanderies simples de Malte sont de même plûtôt des fermes de l’ordre que des bénéfices. Ils payent une rente ou tribut appellé responsion, au trésor commun de l’ordre. Dans l’ordre du S. Esprit, les prélats qui en sont revêtus sont nommés commandeurs de l’ordre du S. Esprit, & les grands officiers sont qualifiés de commandeurs des ordres du Roi, comme les chevaliers sont nommés simplement chevaliers des ordres du Roi : mais ce titre de commandeur n’emporte avec soi nul bénéfice. Henri III. avoit dessein d’assigner un titre de bénéfice ou commanderie à chaque chevalier ; mais les affaires dont il fut accablé après l’institution de cet ordre, & sa mort fatale arrivée en 1589, empêcherent la réussite de ce dessein. Par provision il affecta une somme pour chaque chevalier ou commandeur, & aujourd’hui l’on taxe aussi à quelque somme la plûpart des charges du royaume pour le même sujet, & ces sommes particulieres se portent chez les trésoriers du marc d’or, qui font les fonctions de trésoriers pour les ordres du Roi. Il n’en est pas de même dans les ordres militaires en Espagne, où les commandeurs joüissent réellement d’un revenu plus ou moins fort, attaché aux commanderies dont le Roi en qualité de grand-maître les a gratifiés.

Les commanderies des trois ordres d’Espagne sont des conquêtes que les chevaliers de ces ordres ont faites sur les infideles, & ces commanderies sont différentes selon la nature & la valeur du terrein qui fut conquis par ces chevaliers. (G) (a)

Commanderie, (Jurisprudence.) dans l’origine n’étoit qu’une simple administration des revenus d’un bénefice que l’on donnoit en commende ou dépôt.

Présentement il y en a de deux sortes ; les unes, qu’on appelle régulieres ; d’autres, qu’on appelle séculieres. Les commanderies régulieres sont celles qui sont établies dans certains ordres religieux en faveur, pour être conférées à des religieux du même ordre. Il y en a dans l’ordre régulier & hospitalier du S. Esprit de Montpellier ; ces commanderies sont de vrais titres de bénéfices perpétuels & non révocables par le grand-maître ni par les autres supérieurs majeurs ; elles ne peuvent être conférées en commende, c’est-à-dire à des séculiers, pas même à des cardinaux, mais doivent être remplies par les religieux profès du même ordre. Arrêt du grand-conseil, du 14 Mai 1720. Ces bénéfices exigent une administration personnelle, une résidence actuelle & un vœu particulier dans la personne du pourvû, qu’on appelle le vœu d’hospitalité, & qui est le quatrieme que les religieux de cet ordre sont obligés de professer. Ceux qui sont pourvûs de ces commanderies sont obligés de faire les fonctions curiales dans leurs hôpitaux, & d’administrer le spirituel comme le temporel : ils ne gagnent point tous les fruits comme les autres commandeurs & commendataires, mais ne prennent que victum & vestitum, & appliquent le surplus au soulagement des pauvres.

Il y a aussi des commanderies régulieres dans l’ordre de S. Antoine de Viennois, qui sont électives, confirmatives, & ne sont pas sujettes à la nomination du Roi. Arrêt du conseil du 9 Septembre 1585.

Les commanderies séculieres sont celles qui sont établies en faveur de certains ordres militaires, dont quelques-uns sont en même tems réguliers & hospitaliers, tels que celui de S. Lazare, celui de Malte, & autres ; ces commanderies ne sont point de vrais bénéfices, mais seulement le droit de jouir des revenus d’un bénéfice que l’on confere à des laïcs qui sont chevaliers profés du même ordre. Il y a des commanderies de rigueur que les plus anciens chevaliers obtiennent à leur rang ; & d’autres de grace, que le grand-maître confere. Dans l’ordre de Malte il y a plusieurs sortes de commanderies ; il y en a d’affectées à des religieux du même ordre, d’autres aux chapelains, d’autres aux chevaliers, d’autres aux freres servans.

Dans les ordres du S. Esprit & de S. Louis, les grands officiers appellés commandeurs ne le sont que de nom, n’y ayant aucune commanderie attachée à leur dignité, mais seulement des pensions. (A)