L’Encyclopédie/1re édition/COLLIQUATION

COLLISION  ►

COLLIQUATION, s. f. ἔϰτηξις, colliquatio, (Medecine.) ce terme est employé pour signifier l’espece d’intempérie des humeurs animales, qui consiste dans une grande dissolution & une décomposition presque totale de leurs parties intégrantes ; ensorte que la masse qu’elles composent, paroît avoir entierement perdu la consistance & la tenacité qui lui est nécessaire, pour être retenue dans le corps, & n’être mise en mouvement que conformément aux lois de l’œconomie de la vie saine.

La colliquation est différente, selon la différente nature du vice dominant des humeurs qui tombent en fonte : ainsi on appelle colliquation acide, celle dans laquelle il se fait un mêlange informe de quelques grumeaux de sang, avec une lymphe devenue aqueuse & acescente : on nomme colliquation alkalescente putride, celle qui est le produit de certaines fievres malignes ; colliquation âcre, muriatique, celle qui s’observe dans l’hydropisie, le scorbut ; colliquation âcre, huileuse, bilieuse, celle qui résulte des fievres ardentes, &c.

Les causes diverses de la colliquation des humeurs sont, 1° le mouvement animal excessif, les exercices violens, qui ne sont pas immédiatement suivis de sueurs : 2°. l’effet trop long tems continué des remedes apéritifs, fondans ; tels que les martiaux, les mercuriels : 3°. les poisons qui ont une qualité puissamment dissolvante ; tels que la morsure du serpent des Indes appellé hæmorrous, le virus scorbutique, la putréfaction produite par le sphacele, & par certaines maladies malignes, pestilentielles. Sauvage, pathologia methodica.

La colliquation des humeurs produit les effets suivans. Si les forces de la vie sont encore assez considérables, elle rend très-abondante & excessive l’excrétion de la transpiration de la sueur, des urines, & de tous les excrémens liquides ; d’où suivent la foiblesse, la soif, la sécheresse de tout le corps, la maigreur, le marasme : si les forces de la vie sont considérablement diminuées dans le tems que se fait la fonte des humeurs, toutes ces évacuations ne peuvent pas avoir lieu ; la matiere reste dans le corps, il s’en forme des amas, des extravasations, des hydropisies de toutes les especes. Ainsi la colliquation peut être suivie de cachexie seche & de cachexie humide.

La consomption si commune parmi les Anglois, dit M. Vanswieten, est l’effet d’une véritable colliquation causée par la nature de l’air & des alimens dont ils usent, & par le tempérament ; d’où résultent des humeurs trop fluides, dissoutes, susceptibles de sortir aisément de leurs conduits ; des corps rendus délicats, foibles, qui, s’ils ne s’affermissent pas par l’exercice, se fondent entierement en sueurs nocturnes sur-tout, ou se résolvent en salivation & en crachats. Ces malades ne peuvent pas être guéris, que leur sang ne soit condensé ; ce qui ne peut être fait que par le mouvement du corps, c’est-à-dire par l’exercice reglé ; sans ce moyen, l’usage du lait, la diete blanche incrassante, ne produisent aucun bon effet : mais c’est le comble de l’erreur que d’employer dans ce cas des remedes dissolvans.

Lorsqu’il se filtre une grande quantité de bile qui est portée & se mêle dans le sang, ou qu’elle y reflue du foie, comme dans la jaunisse, si la maladie dure long-tems, il en résulte une dissolution totale, une vraie colliquation des humeurs par l’effet de ce récrément, qui en est le dissolvant naturel & nécessaire, en tant qu’il s’oppose seulement à leur cohésion par sa qualité pénétrante ; mais qui divise & dissout leurs molécules, les dispose à la putréfaction, comme un poison, dès qu’il est trop abondant ou qu’il devient trop actif : l’ictere est presque toûjours suivi de l’hydropisie.

Dans le scorbut putride, le sang est aussi tellement dissous par l’effet de l’acrimonie muriatique dominante, qu’il ne peut pas être retenu dans les vaisseaux qui lui sont propres ; ensorte qu’il s’extravase aisément, passe dans d’autres vaisseaux d’un genre différent, produit des taches, des ecchymoses, ou des hémorrhagies considérables.

Le sang de ceux qui étoient infectés de la peste qui regnoit dans la ville de Breda, pendant qu’elle étoit assiégée, paroissoit livide, étoit de mauvaise odeur, & n’avoit point de consistance. Vandermye, de morbis Bredanis. La dissolution du sang étoit aussi très-marquée dans la peste de Marseille, par les évacuations fréquentes & abondantes qui se faisoient de ce fluide, par toutes les voies naturelles, & par l’ouverture des bubons, &c. que l’on avoit peine à arrêter. Recueil de mémoires sur cette peste, imprimé en 1744 ; à la tête duquel est un savant discours de M. Senac, premier medecin du Roi.

Voyez sur la colliquation, ses différentes especes, leurs signes diagnostics & prognostics, & leurs caracteres ; le nouveau traité des fievres continues de M. Quesnay, premier medecin ordinaire du Roi en survivance. Voyez Humeur, Sang, Bile, Fievre hectique, colliquative, maligne, Peste, Diarrhée, Sueur, Diabetes, Consomption, &c. Ces deux articles sont de M. d’Aumont.