L’Encyclopédie/1re édition/CITATION

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CITATION, s. f. (Gramm.) c’est l’usage & l’application que l’on fait en parlant ou en écrivant, d’une pensée ou d’une expression employée ailleurs : le tout pour confirmer son raisonnement par une autorité respectable, ou pour répandre plus d’agrément dans son discours ou dans sa composition.

Dans les ouvrages écrits à la main, on soûligne les citations pour les distinguer du corps de l’ouvrage. Dans les livres on les distingue, soit par un autre caractere, soit par des guillemets. Voyez Guillemets.

Les citations doivent être employées avec jugement : elles indisposent, quand elles ne sont qu’ostentation : elles sont blâmables, quand elles sont fausses. Il faut mettre le lecteur à portée de les vérifier. En matiere grave, il est à propos de citer l’édition du livre dont on s’est servi.

Quelques modernes se sont fait beaucoup d’honneur en citant à propos les plus beaux morceaux des anciens, & par-là ils ont trouvé l’art d’embellir leurs écrits à peu de frais. Nos prédicateurs citent perpétuellement l’Ecriture & les Peres, moins cependant qu’on ne faisoit dans les siecles passés. Les Protestans ne citent guere que l’Ecriture. Quoi qu’il en soit, s’il est d’heureuses citations, s’il est des citations exactes, il en est aussi beaucoup d’ennuyeuses, de fausses, & d’altérées ou par l’ignorance, ou par la mauvaise foi des écrivains ; souvent aussi par la négligence de ceux qui citent de mémoire. La mauvaise foi dans les citations est universellement reprouvée ; mais le défaut d’exactitude & d’intelligence n’y sont guere moins repréhensibles, & peuvent être même de conséquence suivant l’importance des sujets.

Le projicit ampullas & sesquipedalia verba d’Horace, de même que le scire tuum nihil est de Perse, sont cités communément dans un sens tout contraire à celui qu’ils ont dans l’auteur. Cette application détournée qui n’est pas dangereuse en des sujets profanes, peut devenir abusive, quand il s’agit des passages de l’Ecriture, & il en peut résulter des erreurs considérables. En voici entr’autres un exemple frappant, & qui mérite bien d’être observé.

C’est le multi vocati, pauci vero electi (Mat. ch. xx.), passage qu’on nous cite à tous propos comme une preuve décisive du grand nombre des damnés & du petit nombre des élûs ; mais rien, à mon avis, de plus mal entendu ni de plus mal appliqué. En effet, à quelle occasion Jesus-Christ dit-il, beaucoup d’appellés, mais peu d’élûs ? C’est particulierement dans la parabole du pere de famille qui occupe plusieurs ouvriers à sa vigne, où l’on voit que ceux qui n’avoient travaillé que peu d’heures dans la journée, gagnerent tout autant que ceux qui avoient porté le poids de la chaleur & du jour ; ce qui occasionna les murmures de ces derniers, lesquels se plaignirent de ce qu’après avoir beaucoup fatigué, on ne leur donnoit pas plus qu’à ceux qui n’avoient presque rien fait. Sur quoi le pere de famille s’adressant à l’un d’eux, lui répond : Mon ami, je ne vous fais point de tort ; n’êtes-vous pas convenu avec moi d’un denier pour votre journée ? Prenez ce qui vous appartient, & vous-en allez. Pour moi je veux donner à ce dernier autant qu’à vous. Ne m’est-il pas permis de faire des libéralités de mon bien, & faut-il que votre œil soit mauvais, parce que je suis bon ? C’est ainsi, continue le Sauveur, que les derniers seront les premiers, & les premiers les derniers, parce qu’il y en a beaucoup d’appellés, mais peu d’élûs.

J’observe d’abord sur ces propositions du texte, Sic erunt novissimi primi & primi novissimi, multi enim sunt vocati, pauci vero electi ; j’observe, dis-je, qu’elles sont absolument relatives à la parabole ; & c’est ce que l’on voit avec une pleine évidence par ces conjonctions connues sic, enim, qui montrent si bien le rapport nécessaire de ces propositions avec ce qui précede : elles sont comme le résultat & le sommaire de la parabole ; & si elles ont quelque obscurité, c’est dans la parabole même qu’il en faut chercher l’éclaircissement.

Je dis donc que les élûs dont il s’agit ici, ce sont les ouvriers que le pere de famille trouva sur le soir sans occupation, & qu’il envoya, quoique fort tard, à sa vigne : ouvriers fortunés, qui n’ayant travaillé qu’une heure, furent payés néanmoins pour la journée entiere. Voilà, dis-je, les élûs, les favoris, les prédestinés.

Les simples appellés que la parabole nous présente, ce sont tous ces mercenaires que le pere de famille envoya dès le matin à sa vigne, & qui après avoir porté toute la fatigue du jour furent payés néanmoins les derniers, & ne reçûrent que le salaire convenu, le même en un mot que ceux qui avoient peu travaillé. Ce sont tous ceux-là qui, suivant la commune opinion, nous figurent les non-élus, les prétendus réprouvés.

Mais que voit-on dans tout cela qui suppose une réprobation ? Le traitement du pere de famille à l’égard des ouvriers mécontens, a-t-il quelque chose de cruel ou d’odieux, & trouve-t-on rien de trop dur dans le discours sage & modéré qu’il leur adresse ? Mon ami, je ne vous fais point de tort ; je vous donne tout ce que je vous ai promis : je veux faire quelque gratification à un autre, pourquoi le trouvez-vous mauvais ?

On ne voit rien là qui doive nous faire sécher de crainte, rien qui sente les horreurs d’une réprobation anticipée. J’y vois bien de la prédilection pour quelques-uns ; mais je n’y apperçois ni injustice ni dureté pour les autres : nul n’éprouve un sort funeste ; ceux même qui ne sont qu’appellés sans être élus, doivent être satisfaits du maître qui les employe, puisqu’il les récompense tous, & qu’il les traite avec humanité. Mon ami, dit-il, je ne vous fais point de tort ; appellé au travail de ma vigne, vous avez reçû le salaire de vos peines ; & quoique vous ne soyez pas du nombre des élus ou des favoris, vous n’avez pourtant pas sujet de vous plaindre. Paroles raisonnables, paroles même affectueuses, qui me donnent de l’espoir, & nullement de l’épouvante.

Je conclus de ces réflexions si simples, que le multi vocati, pauci vero electi, dont il s’agit, est cité mal-à-propos dans un sens sinistre, & qu’on a tort d’en tirer des inductions desespérantes ; puisqu’enfin ce passage bien entendu, & déterminé comme il convient par les circonstances de notre parabole, inspirera toûjours moins d’effroi que de confiance en la divine bonté, & qu’il indique tout au plus les divers degrés de béatitude que Dieu prépare dans le ciel à ses serviteurs : erunt novissimi primi, & primi novissimi. Ibid.

Le multi vocati, pauci vero electi, se trouve encore une autre fois dans l’Ecriture ; c’est au xxij. chap. de S. Matthieu ; mais il n’a rien là de plus sinistre & de plus concluant que ce qu’on a vû ci-dessus.

J’ai aussi un mot à dire sur le fameux ô altitudo de S. Paul, & je montrerai sans peine que l’on abuse encore de ce passage dans les applications qu’on en fait : on le cite presque toûjours en parlant du jugement de Dieu, & il semble que ce soit pour couvrir ce qui paroît trop dur dans le mystere de la prédestination, ou pour calmer les fideles effrayés des célestes vengeances. Mais ce passage au sens qu’il est cité, loin d’éclairer ou de calmer les esprits, inspire au contraire une frayeur ténébreuse, & nous montre un Dieu plus terrible qu’aimable.

Néanmoins admirez ici le mal-entendu de cette citation : ce passage si peu satisfaisant de la maniere qu’on le présente, est véritablement dans le texte sacré un sujet d’espérance & de consolation, puisqu’il exprime le ravissement où est l’apôtre à la vûe des thrésors de sagesse & de miséricorde que Dieu reserve pour tous les hommes.

Dieu, dit S. Paul aux Romains, a permis que tous fussent enveloppés dans l’incrédulité, pour avoir occasion d’exercer sa miséricorde envers tous. Conclusit enim Deus omnia in incredulitate, ut omnium misereatur. Sur quoi l’apôtre s’écrie transporté d’admiration : « O profondeur des thrésors de la sagesse & de la science de Dieu ; que ses jugemens sont impénétrables, & ses voies incompréhensibles » ! S. Paul par conséquent, loin de nous annoncer ici la rigueur des jugemens de Dieu, nous rappelle au contraire les effets ineffables de sa bonté : O altitudo divitiarum sapientia & scientia Dei ! Le dogme de la prédestination n’a donc rien d’effrayant dans ce passage de S. Paul.

Quoi qu’il en soit, certains prédicateurs abusant de ces expressions, & outrant les vérités évangéliques, n’ont que trop souvent allarmé les consciences, & jetté la terreur, le desespoir, où ils devoient inspirer au contraire les plus tendres sentimens de la reconnoissance pour le Dieu des miséricordes. Mais hélas que ce prétendu zele, que ce zele outré a causé de maux !

Les auditeurs épouvantés, méconnoissant leur créateur & leur pere dans le Dieu foudroyant qu’on leur prêchoit, ont secoué pour la plûpart le joug de la foi, & se sont livrés à l’incrédulité ; disposition funeste qui sape le fondement des vertus, & qui assûre le triomphe des vices. Art. de M. Faiguet, maître de pension à Paris.

Citation, (Théolog.) Les citations sont la base de la Théologie. Les citations de l’ancien Testament qu’on trouve dans le nouveau, ont donné lieu à des doutes, des disputes, & des objections spécieuses de la part des ennemis de la religion Chrétienne. Julien, Porphyre, les Juifs, & les esprits forts modernes, reprochent aux Chrétiens que les apôtres citent souvent des passages de l’ancien Testament, & des prophéties, comme accomplies dans la personne de Jesus-Christ ; que cependant il arrive fréquemment, ou que ces passages ainsi cités ne se trouvent point dans l’ancien testament, ou ne sont point employés dans le sens littéral & naturel qu’ils semblent présenter dans l’ancien Testament : ce qui paroît évidemment, ajoûte-t-on, par ce passage de S. Matthieu, chap. xj. vers. 15. Ex Ægypto vocavi filium meum, qui pris à la lettre se rapporte à la sortie des Israélites d’Egypte.

Cette difficulté a paru insurmontable à quelques auteurs ; d’autres pour la résoudre ont pris différentes routes. Quelques-uns ont recours à un double accomplissement, & prétendent que quoique les prophéties ayent été accomplies une premiere fois dans certains événemens, elles peuvent l’être encore une fois dans la personne du Messie. Mais d’autres rejettent ce double accomplissement, à moins que le prophete lui-même ne le déclare, rendant par ce moyen toute la prophétie inutile.

Entre ces deux extrémités presque également vicieuses, quelques-uns ont embrassé une opinion fort raisonnable, & qui paroît fondée ; c’est de dire qu’il y a des prophéties typiques sur le Messie, lesquelles ont deux objets ; l’un prochain & immédiat, qui est comme l’ombre ou la figure du Messie contenue dans l’ancienne loi, & qui a eu un accomplissement imparfait & commencé ; l’autre éloigné, mais principal, savoir le Messie, en qui ces prophéties ont eu leur plein & entier accomplissement : le premier n’étoit que le type du second, & par conséquent celui-ci étoit le principal ; & de ce genre est le passage cité dans l’objection, qui pour avoir été accompli en figure par la sortie des Israélites d’Egypte, n’en a pas moins été une prophétie bien appliquée & pleinement accomplie dans le retour de J. C. d’Egypte après la mort d’Hérode.

Pour lever le reste de la difficulté, on observe que les Juifs rabbins prennent beaucoup de libertés en citant ou en interprétant les Ecritures, & l’on suppose que les apôtres ont suivi la même méthode dans leurs citations ; mais cette supposition n’est pas fondée : en effet, les apôtres instruits immédiatement par J. C. & inspirés par le S. Esprit, n’avoient aucun besoin de recourir aux regles des docteurs Juifs dans leurs citations.

Néanmoins en conséquence de cette supposition, M. Surenhusius professeur en Hébreu à Amsterdam, a tâché de retrouver ces regles perdues depuis si long-tems, & a donné à cet effet un savant traité intitulé sepberhamechawe, ou ΒΙΒΛΟΣ ΚΑΤΑΛΛΑΤΗΣ, in quo secundùm veterem theologorum Hebræorum formulam allegandi & modos interpretandi, conciliantur loca ex veteri in novo testamento allegata. Il y remarque d’abord quantité de différences qui se trouvent dans les différentes manieres de citer usitées dans les Ecritures ; comme il a été dit ; il est écrit, afin que ce qu’ont dit les prophetes fût accompli, l’Ecriture dit, voyez ce qui est dit, l’Ecriture a prédit, il n’est point dit, &c. Il ajoûte que les livres de l’ancien Testament ayant été arrangés différemment en divers tems & sous différens noms, c’est pour cela qu’un livre ou un auteur sont souvent confondus avec un autre.

Pour ce qui regarde les regles de citation & d’interprétation pratiquées par les rabbins, il en rapporte dix, qu’il a recueillies après une étude profonde du talmud & des anciens docteurs Juifs, dont il donne des exemples tirés des écrits des apôtres ; & par ces regles il tâche d’expliquer & de justifier toutes les citations de l’ancien Testament employées dans le nouveau. Ces regles sont 1°. de lire les mots, non pas suivant les points qui sont placés au-dessous, mais suivant d’autres qu’on leur substitue, comme ont fait S. Pierre, act. ch. iij. vers. 3. S. Etienne, act. ch. vij. vers. 47. & S. Paul, 1. Corinth. ch. xv. vers. 54. & 2. Corinth. ch. viij. vers. xv. La seconde est de changer les lettres, comme a fait S. Paul, Rom. ch. jx. vers. 33. I. Corinth. ch. xj. vers. 9. & ch. x. vers. 5. & S. Etienne, act. vij. vers. 43. La troisieme est de changer les lettres & les points, comme a fait S. Paul, act. ch. xiij. vers. 41. & II. Corinth. ch. viij. vers. 15. La quatrieme est d’ajoûter quelques lettres & d’en retrancher d’autres. La cinquieme est de transposer les mots & les lettres. La sixieme est de partager un mot en deux. La septieme, d’ajoûter d’autres mots pour rendre le sens plus clair. La huitieme, de changer l’ordre des mots. La neuvieme, de changer l’ordre des mots & d’en ajoûter d’autres : c’est ce qu’ont fait les apôtres, dit M. Surenhusius, par rapport aux deux dernieres regles. Et la dixieme enfin, c’est de changer l’ordre des mots, d’en ajoûter quelques-uns, & d’en retrancher d’autres ; & c’est selon le même auteur la méthode que S. Paul a suivie fort souvent.

D’autres auteurs, comme l’évêque Kidder, M. Leclerc, & M. Sike, levent la difficulté d’une maniere satisfaisante à certains égards, mais dangereuse à d’autres. Selon eux, cette forme ordinaire de citation dont se servent les évangélistes, afin que ce que les prophetes ont annoncé fût accompli, ne signifie rien de plus qu’une maniere d’adapter les passages des prophetes au cas présent par un sens d’accommodation : principe trop général, & qui demande des exceptions ; on en verra un exemple ci-dessous. Le mot πληρωθὴ, accompli, ne nous détermine pas, ajoûtent-ils, à un tel sens, comme si les évangélistes avoient dessein de dire que la prédiction des évenemens futurs est accomplie ; mais il exprime seulement qu’on a ajusté les termes qu’on a cités. Si cette raison avoit lieu, il n’y a point de prophétie qu’on ne pût nier avoir été accomplie à la lettre dans Jesus-Christ. Mais pour la faire passer, l’évêque Kidder remarque qu’on peut dire que l’Ecriture est accomplie en deux manieres ; proprement, comme quand la chose prédite arrive ; & improprement, dans un sens d’accommodation, comme quand il arrive dans quelque lieu à quelqu’un quelque chose qui est déjà arrivé quelque tems auparavant, ailleurs & à une autre personne. C’est ainsi, ajoûte-t-il, que S. Matthieu dit à l’occasion du massacre des Innocens, qu’alors fut accompli ce qui avoit été dit par le prophete Jéremie : Une voix se fit entendre dans Rama, &c. L’exemple est bien choisi, mais le principe est trop vague, & n’est pas applicable aux prophéties littéralement accomplies dans Jesus-Christ ; & il s’en trouve un très-grand nombre de cette espece dans l’Evangile.

Cette interprétation de l’évêque Kidder est confirmée par M. Leclerc, qui remarque que les Juifs ont coûtume de dire dans leur langue qu’un passage de l’Ecriture est accompli, toutes les fois qu’il arrive une chose à laquelle on peut l’appliquer ; de sorte que S. Matthieu qui étoit Hébreu, & qui écrivit (comme on le suppose communément) en cette langue, ne vouloit dire autre chose dans le passage qu’on vient de citer, sinon qu’il étoit arrivé une chose à laquelle on pouvoit appliquer ce que Jéremie avoit dit dans une autre occasion. M. Sike abusant du principe de M. Leclerc, avance qu’en citant ce passage d’Isaïe, une Vierge enfantera, &c. les évangélistes ne se proposent que de rapporter ces mots du prophete, qui conviennent fort bien à la naissance de J. C. mais non comme une prophétie de sa naissance. Ce sentiment de M. Sike n’est pas nouveau ; Grotius l’avoit imaginé, & M. Richard Simon l’a soûtenu : mais M. Bossuet en a pleinement démontré la fausseté, aussi-bien que le P. Balthus Jésuite, dans le savant ouvrage intitulé défense des prophéties, qui parut en 1738, & auquel nous renvoyons le lecteur. On peut encore consulter à ce sujet Maldonat, dans son commentaire sur le ij. ch. de S. Matthieu, où il donne quatre regles pour juger des citations, & discerner les prophéties accomplies littéralement dans Jesus-Christ, d’avec celles qui n’y ont été accomplies que dans un sens d’accommodation : regles simples, beaucoup plus sûres, & moins équivoques que celles des trois derniers auteurs Protestans dont nous venons de parler. (G)

Il ne sera pas inutile de rapporter ici quelques usages en matiere de citations, soit théologiques, soit de jurisprudence.

Parmi les livres sapientiaux de l’Ecriture sainte, il y en a un qui a pour titre l’ecclésiaste, ἐκκλησιαστὴς, concionator, & un autre appellé l’ecclésiastique, ἐκκλησιαστικὸς, ecclesiasticus, concionalis : quand on cite le premier, on met en abregé eccle. au lieu que quand on rapporte un passage du second, on met eccli. ensuite on ajoûte le chap. & le vers.

Comme la somme de S. Thomas est souvent citée par les Théologiens, il faut observer que cette somme contient trois parties, & que la deuxieme partie est divisée en deux parties, dont la premiere est appellée la premiere de la deuxieme, & la deuxieme s’appelle la deuxieme de la deuxieme. Chaque partie est divisée en questions, chaque question en articles ; chaque article commence par les objections, ensuite vient le corps de l’article, qui contient les preuves de l’assertion ou conclusion ; après quoi viennent les réponses aux objections, & cela par ordre, une réponse à la premiere objection, &c. Il est facile maintenant de comprendre la maniere de citer S. Thomas : s’il s’agit d’un passage de la premiere partie, après avoir rapporté le passage, on met par ex. I. p. q. 1. a. j. c’est-à-dire, primâ parte, quæstione prima, articulo primo. Si le passage est tiré du corps de l’article où sont contenues les preuves, on ajoûte in c. ce qui signifie in corpore articuli.

Si le passage est pris de la réponse aux objections, on cite ad 1. c’est-à-dire à la réponse à la premiere objection ; ainsi de la deuxieme objection, de la troisieme, &c.

A l’égard de la deuxieme partie de la somme de S. Thomas, comme elle est divisée en deux parties, si le passage est tiré de la premiere partie, on met un I, & un 2. c’est-à-dire, in primâ parte secundæ partis.

Si le passage est tiré de la seconde partie de cette seconde partie, on met II. 2. c’est-à-dire, secundâ secunda, dans la soû-division ou deuxieme partie de la deuxieme partie de la somme de S. Thomas. (F)

Citations de Droit, (Jurisprud.) sont les textes de droit que l’on indique pour appuyer ce qui est avancé.

Les citations fréquentes en plaidant furent introduites sous le président de Thou. Pasquier, en parlant des avocats de ce tems, dit que erubescebant sine lege loqui : ils citoient non-seulement des textes de droit, mais aussi les historiens, les orateurs, les poëtes, & la plûpart de ces citations étoient souvent inutiles & déplacées.

Les jurisconsultes du xvj. siecle sont tombés dans le même excès par rapport aux citations ; leurs écrits en sont tellement chargés, que l’on y perd de vûe le fil du discours, & l’on y trouve beaucoup plus de citations que de raisonnement.

Quelques-uns tombent présentement dans un autre excès, soit en plaidant, soit en écrivant ; ils ont honte de citer, & sur-tout des textes Latins, qui semblent être aujourd’hui moins familiers qu’autrefois. Ce genre d’érudition est regardé par certaines gens comme un bagage d’antiquité dont on ne doit plus se charger : c’est une opinion que l’ignorance a enfantée, & que la paresse nourrit. On ne doit pas recourir à des citations peu convenables au sujet, ni s’arrêter à prouver ce qui n’est pas contesté ; mais il est toûjours du devoir de l’avocat & du jurisconsulte de citer les lois & autres textes qui établissent une proposition controversée ; il doit seulement user modérément des citations, ne pas en surcharger son discours, & faire choix de celles qui sont les plus précises & les plus frappantes.

Comme les citations de Droit sont ordinairement écrites en abregé, nous les allons exposer ici pour en donner l’intelligence.

Citations du Droit civil.
Ap. Justin. ou institut., signifie aux institutes.
D. ou ff. aux digestes.
Code ou c. au code.
Cod. Théod. au code Théodosien.
Cod. repet. prælect. repetitæ prælectiones.
Authent. ou auth. dans l’authentique.
Leg. ou l. dans la loi.
§. ou parag. au paragraphe.
Novel. dans la novelle.
Novel. Leon. novelles de l’empereur Léon.
Argum. leg. par argument de la loi.
Glos. dans la glose.
H. t. en ce titre.
Eod. tit. au même titre.
In p. ou in princ. au commencement.
In f. à la fin.
Citations du Droit canon.
C. ou can. au canon.
Cap. au chapitre.
Caus. dans une cause de la seconde partie du decret de Gratien.
De cons. dans la troisieme partie du decret qui traite de la consécration.
De pan. au traité de la pénitence qui est dans la seconde partie du decret.
Dist. dans une distinction du decret de Gratien.
Ex. ou extra. c’est dans les decrétales de Grégoire IX.
Ap. Greg. IX. dans les mêmes decrétales.
Extrav. Joan. dans une des extravagantes, ou constitutions de Jean XXII.
Extrav. comm. dans les extravagantes communes.
In sexto ou in 6. dans la collection de Boniface VIII. appellée le sexte.
Ap. Bon. ou appendix Bonifacii, dans le sexte.
Q. qu. ou quæst. question.
℣. ou vers. au verset. (A)

Citation en jugement, (Jurisp.) que l’on appelloit chez les Romains in jus vocatio, revenoit à-peu-près à ce que l’on appelle parmi nous ajournement ou assignation. On ne voit point de quelle maniere se faisoient ces sortes de citations du tems des rois & des premiers consuls ; mais on voit que par la loi des douze tables il étoit ordonné au défendeur de suivre le demandeur lorsqu’il vouloit le conduire devant le juge. Dans la suite cette procédure changea de forme ; car long-tems avant Justinien il n’étoit plus permis de citer verbalement son adversaire en jugement : il falloit dès-lors que l’assignation fût libellée, comme cela s’observe parmi nous, & l’on convenoit du jour auquel on devoit se présenter devant le juge.

Il n’étoit pas permis de citer en jugement toutes sortes de personnes ; on en exceptoit les magistrats de Rome, sur-tout les consuls, les préteurs, le préfet de la ville, & autres qui étoient qualifiés magistratus urbani. Il en étoit de même des magistrats de province tant qu’ils étoient en charge, d’un pontife, & des juges pedanées, pendant qu’ils exerçoient leurs fonctions ; de ceux qui gardoient quelque lieu consacré par la religion : ceux qui recevoient les honneurs du triomphe, ceux qui se marioient, ceux qui faisoient les honneurs d’une pompe funebre, ne pouvoient être inquiétés pendant la cérémonie ; enfin ceux qui étoient sous la puissance d’autrui, ne pouvoient être cités en jugement qu’ils ne fussent jouissans de leurs droits.

Les peres, les patrons, les peres & les enfans des patrons, ne pouvoient, suivant le droit naturel, être cités en jugement par leurs enfans ou leurs affranchis sans une permission du juge, autrement le demandeur étoit condamné à payer cinquante sesterces.

Il falloit même, suivant le droit civil, une semblable permission du préteur pour citer en jugement quelque personne que ce fût, sans quoi le défendeur avoit action à ce sujet contre le demandeur ; mais si le préteur autorisoit dans la suite la citation, il n’y avoit plus d’action contre le demandeur.

La citation en jugement étoit quelque chose de plus fort qu’une simple action. Voyez le titre du digeste de in jus vocando. Le thrésor de Brederode au mot citare. L’hist. de la jurisprud. Rom. par M. Terraison, p. 94. & 95.

Citation, (Jurisprud.) est aussi un ajournement qui se donne par un appariteur, pour comparoître devant un juge d’église.

Les citations générales sont abusives ; elles doivent être libellées, & les causes exprimées.

Un laïc cité devant un juge d’église, pour une cause qui n’est pas de sa compétence, peut interjetter appel comme d’abus de la citation. Voyez Appariteur, & Tournet, let. c. n. 75. Stokmans, décis. 116. Bibliot de Bouchel, aux mots appellations, citations, violences, & roi des ribauds. Bibliotheque canonique, tome I. p. 250. col. 1. & 263. col. 2. Dufail, liv. I. ch. clxxxxvj. Basset, tome I. liv. I. tit. viij. chap. j. & iij. Filleau, jv. part. quæst. 49. Le dixieme plaidoyer de Gautier, tome II.

Les sujets du Roi ne peuvent être cités en cour de Rome. Mémoires du clergé, premier édit. tome I. part. I. p. 908. Bouchel, au mot citation. Tournet, let. c. n. 74. tome I. des preuves des libertés, chap. jx. n. 8. (A)