L’Encyclopédie/1re édition/CITADELLE

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CITADELLE, s. f. on appelle ainsi dans la Fortification, un lieu particulier d’une place, fortifié du côté de la ville & de la campagne, qui est principalement destiné à mettre des soldats, pour contenir dans le devoir les habitans de la place.

Les citadelles ont ordinairement quatre ou cinq bastions, & au plus six ; elles sont presque toûjours de figure réguliere, à moins qu’elles ne soient construites sur des lieux qui ont peu d’espace, ou qui soient fortifiés par des situations inaccessibles, comme la citadelle de Besançon : elles sont placées sur l’enceinte de maniere qu’une partie est dans la ville, & l’autre dans la campagne.

La ville n’est point fortifiée du côté de la citadelle, afin que les habitans n’ayent rien qui les mette à couvert de son canon, & qu’elle puisse commander par-tout dans la ville : c’est pourquoi elle doit être encore fortifiée avec plus de soin ; parce que si elle étoit plus foible, l’ennemi commenceroit par l’attaquer ; & lorsqu’il en seroit le maître, il le seroit aussi de la ville : au lieu qu’étant obligé de commencer son attaque par celle-ci, il faut après sa prise faire un second siége pour s’emparer de la citadelle.

Entre la ville & la citadelle, on laisse un grand espace vuide de maisons dans l’étendue de la portée du fusil, que l’on nomme l’esplanade. Cet espace sert à empêcher qu’on ne s’approche de la citadelle sans en être découvert.

On ne fait point de citadelle au milieu des villes, parce qu’elles ne pourroient être secourues dans les cas de rébellion. On en construit quelquefois entierement hors des villes ; mais elles y sont jointes par quelques lignes ou quelque ouvrage de communication.

La citadelle doit être placée dans le terrein le plus élevé de la ville, afin qu’elle en commande toutes les fortifications. On la place aussi de maniere qu’elle puisse disposer des eaux de la ville, de sorte que l’ennemi après s’être emparé de la ville, ne puisse les lui ôter.

Pour donner une idée de la maniere dont on peut tracer le dessein d’une citadelle, soient (Planc. IV. de Fortificat. fig. 6.) les bastions L, E, M, le côté ou la partie de l’enceinte où l’on veut placer la citadelle. Ces bastions ne seront point mis au trait dans le plan, mais au crayon ; parce qu’il faudra en détruire un pour faire entrer la citadelle dans la place. Soit le bastion E qu’on se propose de détruire.

On prolongera la capitale indéfiniment vers la campagne & vers la ville. On choisira un point D sur cette capitale plus ou moins avancé vers la ville, selon la position qu’on voudra donner à la citadelle ; on élevera sur ce point D une perpendiculaire AB, sur laquelle on prendra DA & DB chacune de 90 toises, afin d’avoir le côté AB de 180.

Présentement si l’on veut que la citadelle soit un pentagone régulier, on cherchera par la trigonométrie ou autrement le rayon du pentagone, dont le côté est de 180 toises, on le trouvera de 152. On prendra avec le compas ce même nombre de toises sur l’échelle ; puis des points A & B pris pour centre & de cet intervalle, on décrira deux arcs qui se couperont dans un point C qui sera le centre de la citadelle.

Du point C on décrira un cercle du rayon CB, on portera le côté AB cinq fois sur sa circonférence, & l’on aura le pentagone que doit former la citadelle, & qu’on fortifiera comme on l’a enseigné dans les constructions de M. de Vauban. Voy. l’article Fortification. Elémens de Fortification, par M. Leblond.

Les citadelles ne doivent avoir que deux portes, l’une pour aller de la citadelle dans la ville, & réciproquement de celle-ci dans la citadelle ; l’autre pour entrer de la campagne dans la citadelle ; cette porte ne s’ouvre que pour recevoir du secours du dehors, & pour cet effet on la nomme porte du secours.

Les citadelles sont jointes aux villes de plusieurs manieres, suivant la disposition de la ville & de la citadelle ; mais celle-ci doit être toûjours placée de maniere que la ville n’ait aucun ouvrage ou aucun flanc qui puisse battre la citadelle, ni aucun ouvrage qui la commande. On joint l’enceinte de la place à la citadelle par des especes de murs qui aboutissent sur les capitales des bastions de la citadelle, sur celles des demi-lunes, ou enfin sur le milieu des courtines. Cette derniere disposition est la meilleure. Ces murs ont un rempart jusqu’à la distance de 40 ou 50 toises de la citadelle ; on les nomme lignes de communication : elles ne sont autre chose dans cet espace, qu’un mur de maçonnerie de quatre ou cinq piés d’épaisseur, & de même hauteur que le rempart de la place. Sur la partie supérieure de ce mur, on éleve un garde-fou de deux piés d’épaisseur & de six piés de hauteur ; on le perce de creneaux pour découvrir dans la campagne.

Quand on construit des citadelles aux villes maritimes, on les dispose de maniere qu’elles commandent la ville, le port, & la campagne. Celle du Havre-de-Grace est placée de cette maniere : elle peut servir de modele pour la position de ces sortes de citadelles.

Les villes maritimes, outre les citadelles, sont encore quelquefois défendues par des châteaux qui commandent au port. Dans ces sortes de villes, on construit ordinairement des jettées, qui sont des especes de digues, de fortes murailles, ou chaussées, qu’on bâtit aussi avant qu’on le peut dans la mer, en y jettant une très-grande quantité de gros quartiers de pierres. A leur extrémité, on établit des forts dont le canon empêche que les vaisseaux ennemis ne s’approchent du port, & par conséquent de la ville. La figure de ces forts n’a rien de déterminé : on leur donne la plus propre à leur faire commander tous les côtés par où l’ennemi peut se présenter.

On construit aussi quelquefois des réduits dans les villes, qui ont le même objet que la citadelle. Voyez Réduit. (Q)