L’Encyclopédie/1re édition/CAPUT MORTUUM

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 641-642).

Caput mortuum, (Chimie.) Les Chimistes ont désigné par cette expression le produit le plus fixe des analyses ordinaires, faites par le moyen de la distillation, ou la partie du corps analysé qui a été épuisée par le feu (poussé au plus haut degré auquel ils avoient coûtume de l’élever dans les distillations) & qui reste encore, après l’opération, au fond du vaisseau dans lequel les matieres à distiller ont été exposées au feu.

Le caput mortuum étoit un des cinq principes prétendus des anciens Chimistes, ou plûtôt un des cinq produits des anciennes analyses chimiques. Ces cinq produits étoient l’esprit ou mercure, le phlegme, l’huile ou soufre, le sel, & la terre damnée ou caput mortuum. Voyez Principe.

C’est avec raison qu’on commence à bannir l’expression caput mortuum du langage chimique, & de lui substituer le mot générique & indéterminé de résidu. La premiere dénomination est absolument fausse ; car on pourroit regarder, sur la foi du nom, les matieres qu’elle désigne, comme dépouillées de tout principe actif, comme indestructibles, ou ne donnant prise à aucun agent naturel ; en un mot comme une pure terre exactement simple, & par conséquent connue autant qu’il est possible par l’art, ou du moins peu digne d’un examen ultérieur ; & c’est là l’idée que plusieurs Chimistes s’en étoient faite.

Mais ces matieres ne sont rien moins que simples & inaltérables ; elles contiennent le plus souvent des substances salines, soit neutres, soit alkalines, qu’on en sépare très-facilement. Voyez Lixiviation. Les résidus charboneux contiennent au moins du phlogistique, qui en est très-séparable aussi : Voyez Incinération & Charbon.

D’ailleurs l’examen ultérieur du résidu des distillations que j’appellerai analytiques (de celles qu’on pousse à grand feu, car ce n’est que de celles-là dont il s’agit dans cet article) entre nécessairement dans la suite des opérations d’un procédé régulier. Il est même telle de ces distillations qu’on n’exécute que pour ce produit, pour le résidu ; comme si on distilloit, par exemple, une huile minérale avec de l’alkali fixe, ou un savon de Starckey préparé avec une huile essentielle dans laquelle on soupçonne l’acide vitriolique ou le marin, pour vérifier ce soupçon.

La nouvelle analyse, ou l’analyse par combinaisons, exige sans contredit cet examen ; & c’est même sans doute, la méthode de cette analyse étendue aux distillations des substances regardées comme uniques ou homogenes, comme celle d’une plante, d’une gomme, d’une graisse, &c. qui a réveillé l’attention sur l’abus de négliger les résidus de ces dernieres opérations. Mais on sera bien plus fondé à n’en négliger aucun, & à généraliser la loi de les étudier avec soin, si on fait réflexion que la plûpart des sujets des distillations analytiques ordinaires sont des composés ou des mêlanges naturels, qui portent en eux-mêmes des principes de réaction, qui n’ont besoin que d’être mis en jeu par le feu pour produire de nouvelles combinaisons ; & que ce n’est qu’à la faveur de ces nouvelles combinaisons, dont on retrouve les produits dans les résidus, qu’on obtient les produits plus mobiles, les substances qui passent ou qui s’élevent dans la distillation. V. Distillation & Analyse végétale à l’art. Végétal. Cet article est de M. Venel.