L’Encyclopédie/1re édition/BRODEQUIN

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BRODEQUIN, s. m. (Hist. anc.) sorte de chaussure en usage parmi les anciens, qui couvroit le pié & la moitié de la jambe, & qu’on pourroit comparer pour la forme aux bottines des housards ou des heiduques, quoiqu’elle en différât pour la matiere : car si le calceus, ou la partie inférieure du brodequin étoit de cuir ou de bois, la partie supérieure ou le caliga étoit d’une étoffe souvent précieuse ; tels étoient surtout ceux dont se servoient les princes, & les acteurs dans les tragédies.

On attribue l’invention du brodequin à Eschyle qui, dit-on, l’introduisit sur le théatre pour donner plus de majesté à ses acteurs. Le brodequin étoit quadrangulaire par en-bas ; & l’espece de bottine qui le surmontoit, s’attachoit plus ou moins haut sur la jambe. Le calceus étoit si épais, qu’un homme de médiocre taille, chaussé du brodequin, paroissoit de la taille des héros. Cette chaussure étoit absolument différente du soc, espece de soulier beaucoup plus bas, & affecté à la comédie. De là vient que dans les auteurs classiques, & sur-tout les poëtes, le mot de brodequin ou de cothurne désigne spécialement la tragédie ; & qu’encore aujourd’hui l’on dit d’un poëte qui compose des tragédies, qu’il chausse le cothurne.

Au reste, les brodequins n’étoient pas tellement relégués au théatre, que les personnes d’une autre condition ne s’en servissent. Les jeunes filles en mettoient pour se donner une taille plus avantageuse ; les voyageurs & les chasseurs, pour se garantir des boues. On trouvera le brodequin dans nos Planches d’Antiquités. Voyez leur explication. (G)

Brodequins, (Jurispr.) sorte de torture dont on se sert pour faire tirer des criminels l’aveu de leurs forfaits : elle consiste en quelques endroits en une sorte de boîte ou de bas de parchemin, que l’on mouille & que l’on applique ainsi à la jambe du patient ; ensuite on approche cette jambe proche du feu, qui occasionnant un violent rétrécissement au parchemin, serre la jambe vivement, & cause une douleur insupportable.

Il y a aussi une autre sorte de question appellée les brodequins, qui consiste en quatre fortes planches liées avec des cordes tout autour. Deux de ces planches sont placées entre les jambes du criminel, & les deux autres sur les côtés extérieurs des jambes, que l’on serre aussi avec des cordes l’une contre l’autre : on passe ensuite un coin entre les deux planches qui sont entre les deux jambes ; ce qui tendant à faire écarter les planches & les cordes qui les resserrent, l’effort du coup tombe sur les os des jambes & les brise, ou occasionne une luxation qui fait souffrir au criminel des douleurs horribles. Cette question n’est plus usitée en Angleterre : mais elle subsiste encore en France, en Ecosse, & en quelques autres pays. (H)