L’Encyclopédie/1re édition/BRACELET

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 390).

* BRACELET, s. m. (Antiq.) ornement fort ancien que les Grecs & les Romains portoient au bras, comme le mot le fait assez entendre, & dont l’usage s’est conservé parmi-nous. Le bracelet ancien a eu différentes formes ; on en voit un à trois tours sur une statue de Lucille, femme de l’empereur Lucius-Verus. Ils étoient la plûpart ou d’or ou de fer, ou dorés ou-argentés ; on entend ici par dorés & argentés, autre chose que ce que nous faisons signifier à ces mots, c’est-à-dire qu’ils étoient couverts de lames d’or ou d’argent : on plaçoit quelquefois dans les bracelets, ou un anneau ou une médaille. Ils étoient pour toutes sortes de conditions. Les hommes en portoient ainsi que les femmes. Les Sabins, dit Tite-Live, en avoient d’or, & de fort pesans au bras gauche ; c’étoit une marque arbitraire d’honneur ou d’esclavage : on en récompensoit la valeur des gens de guerre. On trouve dans Gruter la figure de deux bracelets, avec cette inscription : Lucius Antonius Fabius Quadratus, fils de Lucius, a été deux fois honoré par Tibere-César, de colliers & de bracelets. Quand l’empereur faisoit ce présent, il disoit : l’empereur te donne ces bracelets. Il y avoit des bracelets d’ivoire : il est à croire que ceux de cuivre & de fer ne servoient qu’aux esclaves & aux gens de bas état. Le nom d’armilla vient d’armus, la partie supérieure du bras ; parce qu’anciennement le bracelet se mettoit au haut du bras. Capitolin dans la vie d’Alexandre Severe, se sert du terme dextrocherium, au lieu d’armilla : il raconte que cet empereur avoit huit piés un pouce de hauteur ; que sa force répondoit à sa taille ; que ses membres y étoient proportionnés ; qu’il traînoit seul un chariot chargé ; qu’il faisoit sauter toutes les dents à un cheval d’un seul coup de poing ; qu’il lui cassoit la jambe d’un coup de pié ; & qu’il donna d’autres preuves de sa vigueur extraordinaire, qu’on peut voir dans l’histoire : mais ce qui fait à notre sujet, c’est qu’il avoit le pouce si gros, que le bracelet ou le dextrocherium de sa femme lui servoit de bague : d’où le pere Montfaucon conclut qu’on portoit des bagues au pouce, comme aux autres doigts.

Le bracelet n’est plus parmi nous qu’à l’usage des femmes. C’est quelquefois un ornement fort précieux par les perles & les diamans dont il est enrichi. Il se place vers l’extrémité du bras ; le portrait du mari y est assez ordinairement enchâssé : on en fait de rubans, de cheveux, de crin, &c. Ils sont également portés par les peuples policés & par les nations barbares. Ceux-ci les font ou de grains enfilés, ou de coquilles, ou de verrerie, &c. Ils faisoient jadis si grand cas de ces ornemens, qu’ils abandonnoient leurs plus riches marchandises, & même sacrifioient quelquefois la liberté de leurs peres, de leurs femmes & de leurs enfans, pour s’en procurer la possession.

* Bracelet, s. m. chez les Doreurs, Argenteurs, & autres ouvriers, est un instrument ou de cuir simple, ou de cuir rembouré, d’étoffe, ou de plusieurs peaux mises les unes sur les autres, dont ils se couvrent le bras gauche au-dessus du poignet, afin de pouvoir l’appuyer fortement contre la partie inférieure du brunissoir, sans le blesser, quand ils polissent leurs ouvrages.

Bracelet, voyez Carpe.