L’Encyclopédie/1re édition/BOHITIS

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 295).

* BOHITIS, s. m. pl. (Hist. mod.) prêtres de l’île Espagnole en Amérique. Les Espagnols les trouverent en grande vénération dans le pays, quand ils y arriverent. Leurs fonctions principales étoient de prédire l’avenir & de faire la medecine. Ils employoient à l’une & à l’autre une plante appellée cohoba ; la fumée du cohoba respirée par le nez leur causoit un délire qu’on prenoit pour une fureur divine ; dans cette fureur ils débitoient avec enthousiasme un galimathias, moitié inintelligible, moitié sublime, que le peuple recevoit comme des inspirations. La maniere dont ils traitoient les maladies étoit plus singuliere. Quand ils étoient appellés auprès d’un malade, ils s’enfermoient avec lui, faisoient le tour de son lit trois ou quatre fois, lui mettoient de leur salive dans la bouche ; & après plusieurs mouvemens de tête & autres contorsions, souffloient sur lui & lui suçoient le cou du côté droit. Ils avoient grand soin auparavant de mettre dans leur bouche un os, une pierre, ou un morceau de chair ; car ils en tiroient après l’opération quelque chose de semblable, qu’ils donnoient pour la cause de la maladie, & que les parentes du malade gardoient avec soin afin d’accoucher heureusement. Pour soulager le malade fatigué de ces cérémonies, ils lui imposoient légerement les mains depuis la tête jusqu’aux piés, ce qui ne l’empêchoit pas de mourir ; alors ils attribuoient sa mort à quelque pêché récent dont elle étoit le châtiment. Ils n’avoient d’autre part aux sacrifices que celle de recevoir les pains d’offrande, de les bénir, & de les distribuer aux assistans ; mais ils étoient chargés de la punition de ceux qui n’observoient pas les jeûnes prescrits par la religion. Ils portoient un vêtement particulier, & ils pouvoient avoir plusieurs femmes. Voyez Lop. de Gomar. Hist. des Ind. occid.