L’Encyclopédie/1re édition/BOHEMIENS

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 294-295).
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* BOHEMIENS, s. m. pl. (Hist. mod.) c’est ainsi qu’on appelle des vagabonds qui font profession de dire la bonne aventure, à l’inspection des mains. Leur talent est de chanter, danser, & voler. Pasquier en fait remonter l’origine jusqu’en 1427. Il raconté que douze pénanciers ou pénitens, qui se qualifioient chrétiens de la basse Égypte, chassés par les Sarrasins s’en vinrent à Rome, & se confesserent au pape, qui leur enjoignit pour pénitence d’errer sept ans par le monde, sans coucher sur aucun lit. Il y avoit entr’eux un comte, un duc, & dix hommes de cheval ; leur suite étoit de cent vingt personnes : arrivés à Paris, on les logea à la Chapelle, où on les alloit voir en foule. Ils avoient aux oreilles des boucles d’argent, & les cheveux noirs & crêpés ; leurs femmes étoient laides, voleuses, & diseuses de bonne aventure : l’éveque de Paris les contraignit de s’éloigner, & excommunia ceux qui les avoient consultés ; depuis ce tems le royaume a été infecté de vagabonds de la même espece, auxquels les états d’Orléans tenus en 1560, ordonnerent de se retirer sous peine des galeres. Les Biscayens & autres habitans de la même contrée ont succédé aux premiers bohémiens, & on leur en a conservé le nom. Ils se mêlent aussi de voler le peuple ignorant & superstitieux, & de lui dire la bonne aventure. On en voit moins à présent qu’on n’en voyoit il y a 30 ans, soit que la police les ait éclaircis, soit que le peuple devenu ou moins crédule ou plus pauvre, & par conséquent moins facile à tromper, le métier de bohémien ne soit plus aussi bon.