L’Encyclopédie/1re édition/BLUTEAU

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 288-289).

BLUTEAU, s. m. instrument dont les Boulangers se servent pour séparer le son d’avec la farine. Voyez la fig. A A, Planche du Boulanger.

Il y a deux principales parties dans un bluteau ; la caisse, & le bluteau proprement dit. La caisse est un coffre de bois proportionné à la longueur & à la grosseur du bluteau qu’il renferme, & soûtenu sur deux, quatre ou six piés aussi de bois ; à l’un des bouts de cette caisse est un trou par lequel le grain moulu ou la farine entre dans le bluteau ; le son en sort par un autre trou fait à l’autre extrémité de la caisse : enfin sur le devant sont deux ou plusieurs guichets, qui se ferment avec des targettes, qu’on ouvre pour tirer les différentes sortes de farines qui y ont été blutées.

Chez les Boulangers, la caisse du bluteau peut n’être pas tout entiere de bois ; souvent il n’y a que les deux bouts & le dessus qui en soient : ils placent le bluteau de façon que le mur sert de derriere, le plancher de fond, & une toile attachée le long du dessus, & qui pend jusque sur le carreau de devant à la caisse.

Le bluteau proprement dit, est un gros & long cylindre fait de plusieurs cerceaux environnés d’étamine de soie, de laine, & souvent de l’une & de l’autre ensemble, à travers laquelle passe le plus fin du grain moulu.

Ce cylindre est divisé en trois ou quatre parties de différente finesse ; ce qu’il y a de plus fin étant toûjours à la tête du bluteau : d’où l’on voit qu’il peut y avoir autant de degrés de finesse dans les farines, qu’il y a de divisions différentes dans les bluteaux.

Il faut que le bluteau soit un peu incliné par un bout, afin que lorsqu’il est agité par la manivelle, le grain moulu tombant successivement par ces divisions, laisse sous chacune d’elles la farine qui lui convient ; & que le son ne trouvant point de passage par où il puisse s’échapper, tombe au bout du bluteau par le trou qu’on y a ménagé.

Cependant comme ces divisions sont très-peu sensibles, & qu’il n’y a presque point de différence entre les degrés de finesse des trois ou quatre premieres, non plus qu’entre ceux des trois ou quatre dernieres, on n’en fait pour l’ordinaire que deux parts, & l’on mêle ensemble les farines qui ont passé par les divisions qui sont à-peu-près égales en finesse.

Outre ces divers degrés de finesse qui sont dans le même bluteau, il y a encore différentes sortes de bluteaux propres à chaque espece de farine, mais qui ne different des autres qu’en ce qu’ils sont plus ou moins gros.

Au-dessus du bluteau est une tremie dans laquelle on verse la farine, ou toute autre chose qu’on veut bluter : au bas de cette tremie est une ouverture recouverte par une planchette qui se hausse & se baisse selon la quantité de grain qu’on veut donner au bluteau. De la tremie le grain tombe dans l’auget, d’où il passe dans le bluteau.

Bluteau, terme de Courroyeur ; c’est un paquet de laine fait de vieux chiffons ou bas d’estame, avec lequel les Courroyeurs essuient les cuirs des deux côtés, après les avoir chargés de bierre aigre. Voyez Courroyer ; voyez la fig. 5. Pl. du Courroyeur.