L’Encyclopédie/1re édition/BARQUES

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 89-90).

* BARQUES, s. f. (Hist. anc. & Navig.) petits bâtimens, capables de porter sur les rivieres & même sur la mer le long des côtes, & les premiers, selon toute apparence, que les hommes ayent construits. On navigea anciennement sur des radeaux ; dans la suite on borda les radeaux de claies faites d’osier ; telles étoient les barques d’Ulysse, & celles des habitans de la Grande-Bretagne au tems de César ; ils font, dit-il, des carenes de bois léger, le reste est de claies d’osier couvertes de cuir. Les anciens ont donc eu des barques de cuir cousues ; sans cela il n’est guere possible d’entendre le cymba sutilis de Virgile : mais ce qui doit paroître beaucoup plus incroyable, c’est qu’ils en ayent eu de terre cuite. Cependant Strabon, dont la bonne foi est reconnue, dit des Egyptiens, qu’ils navigent avec tant de facilité, que quelques-uns même se servent de bateaux de terre ; & il parloit d’un fait qui se passoit de son tems. Si l’on croit aux barques de terre cuite des Egyptiens sur le témoignage de Strabon, on ne pourra guere rejetter les bateaux de terre cuite, voguant à l’aide de rames peintes, sur lesquels Juvenal lance à l’eau les Agathyrses. Mais ce n’est pas tout : les Egyptiens en ont construit avec la feuille même de cet arbre sur laquelle ils écrivoient, & le philosophe Plutarque raconte des merveilles de ces petits bâtimens ; il nous assûre, dans son traité d’Isis & d’Osiris, que les crocodiles, qui nuisoient souvent à ceux qui alloient sur de petites barques, respectoient ceux qui montoient des barques de Papyrus, en mémoire d’Isis, qui avoit une fois navigé sur un bâtiment de cette espece. Les feuilles du papyrus étoient larges & fortes, & sur la résistance qu’on leur trouve dans quelques livres anciens qui en sont faits, le P. Montfaucon a compris qu’on pouvoit, en les cousant ensemble & en les poissant, en former des barques. Plusieurs auteurs nous assûrent qu’aux Indes on en construit d’un seul roseau à nœuds & vuide en-dedans ; mais si gros, dit Héliodore, qu’en prenant la longueur d’un nœud à un autre, & le coupant en deux par le milieu des nœuds, on en formoit deux bateaux. Le témoignage d’Héliodore est un peu modifié par celui de Diodore & de Quinte-Curce, qui nous font entendre, non pas qu’on fit deux bateaux avec un morceau de canne, mais qu’on faisoit fort bien un bateau avec plusieurs morceaux de canne. Combien de faits dont le merveilleux s’évanoüiroit, si l’on étoit à portée de les vérifier ? Les Ethiopiens, à ce que dit Pline, avoient des barques pliables, qu’ils chargeoient sur leurs épaules & qu’ils portoient au bas des énormes chûtes d’eau du Nil, pour les remettre sur le fleuve & s’embarquer. Scheffer croit que c’étoient des peaux tendues par des ais circulaires, sans poupe ni proue. Les sauvages d’Amérique creusent des arbres d’une grandeur prodigieuse, sur lesquels ils s’embarquent au nombre de 30 à 40 hommes, & s’en servent, sans autre préparation, pour faire par mer des voyages de 70 à 80 lieues : voilà les premiers pas de la navigation. Bien-tôt on fit les barques de matériaux plus solides que la peau, la terre, & le jonc. Dans la suite on abattit les chênes, l’on assembla les planches & les poutres, & les mers furent couvertes de vaisseaux. Mais qu’étoient-ce encore que les vaisseaux des anciens en comparaison des nôtres ? Voy. Navigation, Vaisseau, Batiment & Canot

Barque (Marine) ; on donne particulierement ce nom à un petit bâtiment de mer, qui n’a qu’un pont & trois mâts, le grand, celui de misene, & celui d’artimon. Les plus grandes ne passent guere cent tonneaux ; les barques de la Méditerranée sont appareillées à voiles latines ou à tiers point. En général on donne le nom de barque à différens petits bâtimens qui n’ont point de hune, & qui servent à porter des munitions, & à charger & décharger un navire.

Barque d’avis ; c’est celle qu’on envoye pour porter des nouvelles d’un vaisseau à l’autre.

Barque longue ; c’est un petit bâtiment qui n’est point ponté, & plus bas de bord que les barques ordinaires, aigu par son avant, & qui va à voiles & à rames ; il a le gabarit d’une chaloupe. On l’appelle en plusieurs endroits double chaloupe.

Barque droite ; c’est un commandement qu’on fait à ceux qui sont dans une chaloupe, de se placer également, pour qu’elle aille droite sur l’eau sans pencher plus d’un côté que de l’autre.

Barque en fagot ; c’est tout le bois qu’il faut pour construire une barque, qu’on porte taillé dans un vaisseau, & qu’on peut assembler dans le lieu où l’on en a besoin.

Barque à eau ; ce sont des petits bâtimens dont on se sert en Hollande pour transporter de l’eau douce aux lieux où l’on en manque, & de l’eau de mer pour faire du sel ; ils ont un pont, & on les remplit d’eau jusqu’au pont. Voyez Bateau.

Barque de vivandier ; c’est celle qu’un vivandier promene sur l’eau le long des quais ou autour des vaisseaux, pour y vendre des vivres. (Z)

Barque, en terme de Brasserie, est une espece de bassin de bois de chêne fait avec des planches, de figure quarrée ; il sert aux Brasseurs à mettre leurs métiers lorsqu’ils les retirent des chaudieres ou des cuves.