L’Encyclopédie/1re édition/CANOT

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 620-621).
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CANOT, sub. m. (Marine.) c’est une petite chaloupe ou petit bateau destiné au service d’un grand bâtiment.

Canot de bois ; on appelle ainsi un canot, qui est fait d’un seul tronc d’arbre creusé.

Canot de Sauvages & Canot d’écorces ; ce sont de petits bateaux faits d’écorce d’arbre, dont se servent les Sauvages de l’Amérique pour pêcher à la mer, & pour voyager & aller en course & en traite sur les rivieres. Ils les nomment piroques. Ceux du Canada les font d’écorce de bouleau, & assez grands quelquefois pour contenir quatre ou cinq personnes.

Les François du Canada, qu’on appelle coureurs de bois & traiteurs, s’en servent aussi-bien que les Sauvages pour aller jusques dans leurs habitations leur porter des marchandises & en rapporter des pelleteries. Deux hommes conduisent ces canots ; & quand à cause des sauts des rivieres il faut faire portage, ils chargent canots & marchandises sur leurs épaules, & les transportent au-dessus & au-dessous des sauts, selon qu’ils montent ou qu’ils descendent les rivieres.

Les canots des Indiens & des Caraïbes sont faits de troncs d’arbres qu’on creuse, & ces sortes de bateaux sont plus grands ou plus petits, selon la grandeur & grosseur des arbres qu’on employe pour les faire. On dresse ces troncs d’arbres selon la forme qu’on veut donner au canot, & l’on les creuse. On les conduit avec des pagaies & des rames, & on y ajoûte quelquefois une petite voile ; on met la charge au fond : mais comme ils ne sont point lestés, ils tournent souvent sens-dessus dessous. Ils n’ont point de gouvernail, & ce sont les rames de l’arriere qui leur en servent.

La plûpart des canots ont à l’avant & à l’arriere des avances comme les navettes, & quelques-unes de ces avances se terminent aussi de même en pointe. D’autres ont l’avant & l’arriere tout plat ; il n’y en a presque point qui ayent un avant arrondi. Lorsqu’on veut y ajoûter une voile, on éleve un petit mât vers l’avant. Les voiles sont ou de nattes, ou de toile, ou de joncs entrelacés.

On voit pourtant en Moscovie, sur le lac de Wolda, des canots arrondis à l’avant & à l’arriere, & beaucoup plus larges au milieu que par les bouts : on les fait avancer avec une seule rame, dont on se sert à l’arriere : mais tous les autres canots de ce pays-là sont aigus à l’arriere & à l’avant, & ont du relevement par les bouts : on les peint, on leur donne le feu, & on les braye pour les conserver.

Les canots dont se servent les Negres de la côte de Guinée, ne sont que des arbres creusés : ils sont d’une figure longue, & il ne leur reste guere de bois au-dessus de l’eau, de sorte que celui qui est à l’arriere & qui gouverne le canot se trouve souvent dans l’eau. Ils vont fort vîte, & ne laissent pas que d’aller assez avant en mer ; ils sont donc fort longs, bas, & étroits, & il n’y a d’espace dans la largeur que pour tenir un seul homme, & dans la longueur sept à huit : les hommes y sont assis sur de petits sieges de bois ronds, & la moitié de leur corps s’éleve au-dessus du bord. Ils ont à la main une rame de bois bien dur, & ils rament tous à la fois, à la maniere des galeres, & s’accordent ; ou si quelqu’un tire trop fort & que le bâtiment penche, il est redressé par celui qui gouverne, si bien qu’ils semblent voler sur la surface de l’eau, & il n’y a pas de chaloupe qui puisse les suivre d’un beau tems ; mais aussi quand la mer est haute, ils ne peuvent siller, l’élevation des flots empêchant leur aire. Lorsque la hame les renverse, ils ont l’adresse de les retourner dans l’eau, de les vuider, & de s’y rembarquer sans courir le moindre danger, nageant tous comme des poissons. Ces canots ont ordinairement 16 piés de long & un à deux piés de large. Il y en a de plus grands, qui ont jusqu’à 35 piés de long, 5 de large, & 3 de profondeur : ils sont plats par l’arriere, où il y a un gouvernail & un banc ; ils y ajoûtent des voiles faites de jonc & de natte. Les Negres ne laissent point leurs canots à l’eau ; ils les tirent à terre & les élevent sur quatre fourches pour les faire sécher ; & quand ils sont secs, deux hommes peuvent les charger sur leurs épaules & les porter.

Pour les construire & les creuser, les Negres se servent à présent de haches, que les Européens leur portent. Ils leur donnent aux deux côtés un peu de rétrécissement par le fond. Les bouts en sont pointus à l’avant & à l’arriere ; à chaque bout il y a une espece de petit éperon ou gorgere d’un pié de long, & large comme la paume de la main, qui sert à donner prise pour enlever le canot.

Les canots des Sauvages de la terre de Feu & des environs du détroit de Magellan, sont d’une fabrique particuliere. Ils prennent des écorces des plus gros arbres, qu’ils courbent pour leur donner des façons, si-bien qu’ils les rendent assez semblables aux gondoles de Venise ; pour cet effet ils les posent sur de petites pieces de bois, comme on feroit un vaisseau sur le chantier ; & lorsque l’écorce a pris la forme de gondole & le pli nécessaire, ils affermissent le fond & les côtés avec des bois assez minces, qu’ils mettent en travers depuis l’avant jusqu’à l’arriere, de même qu’on met les membres dans les vaisseaux ; & au haut sur le bord ils posent encore une autre écorce qui regne tout autour, prenant soin de bien lier le tout ensemble. Ces canots ont 10, 12, 14, & jusques à 16 piés de long & 2 de large ; ils sont à 7 ou 8 places, c’est-à-dire qu’il peut y tenir assez commodément sept ou huit hommes qui rament débout & extrèmement vîte.

Les canots des sauvages du détroit de Davis sont encore plus singuliers ; ces bateaux sont en forme de navette, longs de sept à huit piés & larges de deux piés, composés de petites baguettes de bois pliant en forme de claie, couvertes de peaux de chiens marins ou loups marins. Chaque canot ne peut porter qu’un homme, qui s’assied dans un trou pratiqué au milieu. Ils s’en servent pour aller à la pêche, & d’une côte à l’autre.

Canot, jaloux ; c’est un canot qui a le côté foible, & se renverse aisément. (Z)