L’Encyclopédie/1re édition/BALANCIER
* BALANCIER, s. m. ouvrier qui fait les différens instrumens dont on se sert dans le commerce, pour peser toutes sortes de marchandises. On se doute bien que la communauté des balanciers doit être fort ancienne. Elle est soûmise à la jurisdiction de la cour des monnoies ; c’est là que les balanciers sont admis à la maîtrise ; qu’ils prêtent serment ; qu’ils font étalonner leurs poids, & qu’ils prennent les matrices de ces petites feuilles de léton à l’usage des joailliers & autres marchands de matieres, dont il importe de connoître exactement le poids. Chaque balancier a son poinçon ; l’empreinte s’en conserve sur une table de cuivre au bureau de la communauté & à la cour des monnoies. Ce poinçon composé de la premiere lettre du nom du maître, surmontée d’une couronne fleurdelisée, sert à marquer l’ouvrage. La marque des balances est au fond des bassins ; des romaines, au fleau ; & des poids, au-dessous. L’étalonnage de la cour des monnoies se connoît à une fleur de lis seule, qui s’imprime aussi avec un poinçon. D’autres poinçons de chiffres romains marquent de combien est le poids. Les feuilles de léton ne s’étalonnent point ; le balancier les forme sur la matrice, & les marque de son poinçon. Deux jurés sont chargés des affaires, des visites, & de la discipline de ce corps. Ils restent chacun deux ans en charge ; un ancien se trouve toûjours avec un nouveau. Un maître ne peut avoir qu’un apprenti ; on fait cinq ans d’apprentissage, & deux ans de service chez les maîtres. Il faut avoir fait son apprentissage chez un maître de Paris, pour travailler en compagnon dans cette ville. Les aspirans doivent chef-d’œuvre ; les fils de maître expérience. Les veuves joüissent de tous les droits de la maîtrise, excepté de celui de faire des apprentis. Les deux jurés balanciers ont été autorisés par des arrêts à accompagner les maîtres & gardes des six corps des marchands dans leurs visites pour poids & mesures ; & il seroit très-à-propos pour le bien public qu’ils fissent valoir leur privilége. Ils ont pour patron S. Michel.
Balancier, s. m. (en Méchanique) ; ce nom est donné communément à toute partie d’une machine qui a un mouvement d’oscillation, & qui sert ou à ralentir ou à régler le mouvement des autres parties. Voyez les articles suivans.
Balancier : on donne ce nom dans les grosses forges, à la partie ou anse de fer F recourbée en arc, passée dans un crochet attaché à la perche élastique GF, à l’aide de laquelle les soufflets sont baissés & relevés alternativement par le moyen des chaînes KF, KF, qui se rendent deux à deux à des anses plus petites, ou à de petits crochets arcués & suspendus aux extrémités du balancier F. V. Grosses Forges, vignette de la Planche III. On voit dans la Planche III, la même machine : F est la perche, E le balancier de la perche ; DD, les balanciers plus petits des soufflets ; cccc, chaînes des petits balanciers ou des bascules.
Balancier (terme d’Horloger) c’est un cercle d’acier ou de léton (fig. 45-71. Pl. 10. d’Horlogerie) qui dans une montre sert à regler & modérer le mouvement des roues. Voyez Échappement.
Il est composé de la zone ABC que les horlogers appellent le cercle des barettes B D, & du petit cercle T qu’ils appellent le centre.
On ignore l’auteur de cette invention, dont on s’est servi pour la mesure du tems jusqu’au dernier siecle, où la découverte du pendule en a fait abandonner l’usage dans les horloges.
On donne au balancier la forme qu’on lui voit (fig. 49-71.) afin que le mouvement qu’il acquiert ne se consume point à surmonter de trop grands frottemens sur les pivots. La force d’inertie dans les corps en mouvement, étant toûjours la masse multipliée par la vîtesse, (Voyez Inertie) la zone ABC fort distante du centre de mouvement équivaut à une masse beaucoup plus pesante. Il suit de cette considération, qu’on doit autant qu’il est possible, disposer le calibre d’une montre, de façon que le balancier soit grand, afin que par-là il ait beaucoup d’inertie. Voyez Calibre.
Voici à peu près l’histoire des différentes méthodes, dont on a fait usage dans l’application du balancier aux horloges, avant que l’addition du ressort spiral l’eût porté au degré de perfection, où il est parvenu sur la fin du dernier siecle. Toute la régularité des horloges à balancier vint d’abord de la force d’inertie de ce modérateur, & de la proportion constante qui regne entre l’action d’une force sur un corps, & la réaction de ce corps sur elle. Cet effet résultoit nécessairement de la disposition de l’échappement (Voyez Échappement. Voyez Action & Réaction. Voyez Inertie.) On attribue cette découverte à Pacisicus de Veronne. Voyez Horloge.
Tous les avantages que les mesures du tems faites sur ces principes, avoient sur celles qui étoient connues lorsqu’elles parurent, telles que les clepsydres, sabliers & autres, n’empêchoient pas que leurs irrégularités ne fussent encore fort considérables ; elles venoient principalement, de ce qu’une grande partie de la force motrice se consumant à surmonter le poids de toutes les roues, & la résistance causée par leurs frottemens ; la réaction se trouvoit toûjours inférieure à l’action, & le régulateur suivoit trop les différentes impressions qui lui étoient communiquées par le roüage qui lui opposoit toujours des obstacles supérieurs à la force qu’il en recevoit.
Voulant obvier à cet inconvenient, dans les horloges destinées à rester constamment dans une même situation, les anciens horlogers s’aviserent d’un artifice des plus ingénieux : ils disposerent le régulateur de façon, qu’il pût faire des vibrations indépendamment de la force motrice ; ils mirent en usage l’inertie du corps & sa pesanteur.
Ils poserent l’axe du balancier (voyez la fig. 27. Pl. 5. d’Horlogerie) perpendiculairement à l’horison, laisserent beaucoup de jeu à ses pivots en hauteur, passerent ensuite un fil dans une petite fente pratiquée dans le pivot supérieur au-dessus du trou dans lequel il rouloit ; ensuite de quoi ils attacherent les deux bouts de ce fil à un point fixe, tellement que le balancier suspendu ne portoit plus sur l’extrémité de son pivot inférieur. Si l’on tournoit alors le régulateur, les fils s’entortillant l’un sur l’autre, faisoient élever le balancier tant-soit-peu ; abandonné ensuite à lui-même, il descendoit par son poids & les détortilloit : or cela ne se pouvoit faire, sans qu’il acquît un mouvement circulaire. Poursuivant donc sa route de l’autre côté, il entortilloit de nouveau les fils, retomboit ensuite, & auroit toûjours continué de se mouvoir ainsi alternativement des deux côtés, si la résistance de l’air, le frottement des fils & des pivots n’eussent épuisé peu à peu tout son mouvement.
Cette méthode d’appliquer deux puissances de façon qu’elles fassent faire des vibrations au régulateur, donne à ce dernier de grands avantages. Voyez Ressort spiral.
La construction précédente auroit été bien plus avantageuse, si ces fils toûjours un peu élastiques n’eussent pas perdu peu à peu de cette élasticité ; de plus les vibrations de ce régulateur ne s’achevoient point en des tems égaux ; & les petits poids ou autrement dit régules P P qu’on mettoit à différens éloignemens du centre du régulateur, pour fixer la durée des vibrations, ne pouvoient procurer une exactitude assez grande. En cherchant donc à perfectionner encore le balancier, on parvint enfin à lui associer un ressort.
Remarque sur la matiere du balancier. Quelques Horlogers prétendent, que le balancier des montres doit être de laiton, afin de prevenir les influences que le magnétisme pourroit avoir sur lui ; ils ne font pas attention, que pour éviter un inconvénient auquel leur montre ne sera peut être jamais exposée, ils lui donnent des défauts très-réels ; parce que 1°. le laiton étant spécifiquement plus pesant que l’acier, & n’ayant point autant de corps, les balanciers de ce métal ne peuvent être aussi grands ; & comme par-là ils perdent de la force d’inertie, on est obligé de les faire plus pesans, pour que la masse compense la vîtesse ; d’où il résulte une augmentation considérable de frottement sur leurs pivots ; 2°. l’allongement du cuivre jaune par sa chaleur, étant à celui de l’acier dans le rapport de 17 à 10, les montres où l’on employe des balanciers de laiton doivent, toutes choses d’ailleurs égales, être plus susceptibles d’erreurs par les différens degrés de froid, ou de chaud auxquels elles sont exposées.
Remarque sur la forme du balancier. Comme par leur figure les balanciers présentent une grande étendue, & qu’ils ont une vitesse beaucoup plus grande que le pendule, leur mouvement doit être par conséquent plus susceptible des différences qui arrivent au milieu dans lequel ils vibrent ; ainsi après avoir disposé leurs barettes de façon que l’air leur oppose peu d’obstacles, il seroit bon encore (dans les ouvrages dont la hauteur n’est pas limitée) de leur donner la forme par laquelle ils peuvent présenter la moindre surface. Par exemple, le cercle du balancier au lieu d’être plat, comme on le fait ordinairement, devroit au contraire être une espece d’anneau cylindrique, parce que le cylindre présente moins de surface, qu’un parallelépipede de même masse que lui, & d’une hauteur égale à son diametre (T)
Balancier (en Hydraulique) est un morceau de bois freté par les deux bouts, qui sert de mouvement dans une pompe, pour faire monter les tringles des corps. (K)
Balancier, (Monnoyage.) c’est une machine avec laquelle on fait sur les flancs les empreintes qu’ils doivent porter, selon la volonté du prince.
Cette machine représentée Plan. I. du Monnoyage fig. 2. est composée du corps SRRS : il est ordinairement de bronze, & toûjours d’une seule piece. Les deux montans SS s’appellent jumelles. La partie supérieure TT qui ferme la baie ou ouverture AH, s’appelle le sommier ; elle doit avoir environ un pié d’épaisseur. La partie inférieure de la baie est de même fermée par un socle fondu avec le reste, en sorte que les jumelles, le sommier & le socle ne forment qu’un tout ; ce qui donne au corps plus de solidité & de force que si les pieces étoient assemblées.
Le socle a vers ses extrémités latérales deux éminences qui servent à l’affermir dans le plancher de l’attelier, au moyen d’un chassis de charpente qui l’entoure. Ce chassis de charpente, dont les côtés sont prolongés comme on voit en A, fig. 2. n°. 2. est fortement scellé dans le plancher, sous lequel est un massif de maçonnerie qui soûtient toute la machine.
La baie est traversée horisontalement par deux moises ou planchers H, I, ordinairement fondus de la même piece que le corps. Ces deux moises sont percées chacune d’un trou quarré dans lequel passe la boîte E E. Les trous des moises doivent répondre à celui qui est au sommier, qui est fait en écrou à deux ou trois filets ; cet écrou se fait en fondant le corps sur la vis qui doit y entrer, & qu’on enfume dans la fonte pour que le métal ne s’y attache point.
Cette vis a une partie cylindrique qui passe dans le corps de la boite EE, & y est retenue par une clavette qui traverse la boîte, & dont l’extrémité est reçûe dans une rainure pratiquée sur la surface de la partie cylindrique. C’est le même méchanisme qu’à la presse d’Imprimerie. Voy. Presse d'Imprimerie.
Si la boîte n’est point traversée par une clavette qui la retienne au cylindre qu’elle reçoit, elle est repoussée par quatre ressorts fixés sur la moise supérieure d’un bout, & appuyant de l’autre contre des éminences réservées à la partie supérieure de chaque côté de la boîte ; en sorte qu’elle est toûjours repoussée en-haut, & obligée de suivre la vis à mesure qu’elle s’éloigne.
Ce second méchanisme est défectueux ; parce que l’action du balancier, quand il presse, est diminuée de la quantité de l’action des petits ressorts employés pour relever la boîte. La partie supérieure de la vis est quarrée en A, & reçoit le grand levier ou la barre BC, qui est de fer ainsi que la vis. Cette barre a à ses extrémités des boules de plomb dont le diametre est d’environ un pié, plus ou moins, selon les especes à monnoyer. car on a ordinairement autant de balanciers que de différentes monnoies, quoiqu’on pût les monnoyer toutes avec le même. Les extrémités du levier, après avoir traversé les boules de plomb, sont terminées par des anneaux D, semblables à ceux qui terminent le pendant d’une montre, mais mobiles autour d’un boulon vertical. On attache à ces anneaux autant de cordes ou courroies de cuir nattées en rond, qu’il y a d’ouvriers qui doivent servir la machine.
La partie inférieure EE de la boîte est creuse : elle reçoit une des matrices ou coins qui porte l’empreinte d’un des côtés de la piece de monnoie. Cette matrice est retenue dans la boîte avec des vis ; l’autre matrice est assujettie dans une autre boîte H avec des vis. On pose cette boîte sur le socle ou pas de la baie : & qu’on ne soit pas étonné qu’elle ne soit que posée ; l’action de la vis étant toûjours perpendiculaire, & le poids de la matrice assemblée avec la boîte, très-considérable, il n’y a aucune raison pour que cet assemblage se déplace.
Devant le balancier est une profondeur dans laquelle le monnoyeur place ses jambes, afin d’être assis au niveau du socle, & placer commodément le flanc sur la matrice.
Tout étant dans cet état, en sorte que l’axe de la vis, celui des boîtes EEH, soient dans une même ligne perpendiculaire au plan du socle ; si on conçoit que des hommes soient appliqués aux cordons dont les extrémités du levier sont garnies, & qu’ils tirent, ensorte que la vis tourne du même sens dont elle entre dans son écrou ; la matrice dont la boîte supérieure est armée s’approchera de l’autre ; & si l’on place un flan sur celle-ci, comme on voit en H, il se trouvera pris & pressé entre les deux matrices d’une force considérable, puisqu’elle équivaudra à l’action de dix à douze hommes appliqués à l’extrémité d’un levier très-long, & chargé par ses bouts de deux poids très-lourds. Après que le flan est marqué, deux hommes tirent à eux des cordons dans un sens opposé, & font remonter la vis : le monnoyeur saisit cet instant pour chasser le flan marqué de dessus la matrice H, & y en remettre un autre. Il doit faire cette manœuvre avec adresse & promptitude ; s’il lui arrivoit de n’être pas à tems, il laisseroit le flan sur la matrice, & ce flan recevroit un second coup de balancier. Les flans ont été graissés d’huile avant que d’être mis sur la matrice.
Balancier, (terme de Papetier.) c’est un instrument de fer à l’usage de quelques manufactures de papier dans lesquelles il tient lieu de la derniere pile, appellée pile à l’ouvrier. Cet instrument est composé de trois barres de fer, qui forment comme les trois côtés d’un quarré ; savoir, deux montans & une traverse. La traverse est attachée au plancher par deux anneaux de fer, & les deux côtés paralleles descendent jusqu’à la hauteur de l’arbre de la roue. L’une des deux est terminée par une espece de crochet qui s’attache à une manivelle de fer qui est au bout de l’arbre du moulin ; l’autre branche est fort large par en-bas, & forme une espece de grille à jour. Le mouvement que la roue communique à un des montans, se communique aussi à la branche terminée en quille ; & cette branche va & vient continuellement dans une espece d’auge remplie d’eau & de pâte fine ; ce qui acheve de la délayer & de la mettre en état d’aller en sortant de-là dans la chaudiere.
Balancier, s. m. partie du Métier à bas, fixée par deux vis sur chaque extrémité des épaulieres. Il étoit composé dans les anciens métiers de deux barres paralleles 14, 14, 15, 15, assemblées, comme on voit Plan. III. fig. 1. où celle d’en-bas est terminée par deux petits crochets. On a corrigé le balancier dans les métiers nouveaux, en supprimant la barre 15, 15, avec son tenon, & en lui substituant sur la barre 14, 14, à égale distance des épaulieres, deux vis dont la tête percée & placée sous la barre 14, 14, peut recevoir deux petits crochets qui ont les mêmes fonctions que ceux de la piece qu’on a supprimée, & qui donnent encore la facilité de hausser & de baisser les crochets à discretion. Voyez à l’article Bas au Métier, à la seconde opération de la main d’œuvre, qu’on appelle le foncement de pié, l’usage du balancier. Mais observez que si cette facilité de baisser & de hausser les crochets à discrétion perfectionne la machine, en donnant lieu à un tâtonnement à l’aide duquel on obtient le point de précision qu’on cherche, on n’eût pas eu besoin de tâtonner, s’il eût été possible aux ouvriers qui construisent les métiers à bas de se conformer avec exactitude aux proportions du modele ideal qui existoit dans la tête de l’inventeur.