L’Encyclopédie/1re édition/AUBE

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AUBE, s. f. vétement de lin ou de toile blanche qui descend jusqu’aux talons, & que le prêtre porte à l’autel par-dessus ses habits ordinaires & sous sa chasuble ; le diacre, soûdiacre & les induts, sont aussi en aube sous leurs dalmatiques.

Autrefois les ecclésiastiques portoient des aubes ou tuniques blanches au lieu de surplis. Voyez Surplis. On croit que dans la primitive Eglise, c’étoit leur vêtement ordinaire. Depuis on voit qu’il étoit ordonné aux clercs de la porter pendant le Service divin seulement. Concile de Narbon. can. 12.

Dans les statuts de Riculphe, évêque de Soissons, donnés en 889, il défend aux clercs de se servir dans les sacrés mysteres, de l’aube qu’ils portent ordinairement ; ce qui prouve que jusques-là les ecclésiastiques portoient toûjours une aube sur leur tunique pour marque de leur état ; c’est pourquoi il en falloit une particuliere pour l’autel, afin qu’elle fût plus propre. Fleury, Hist. eccles. tom. XI. (G)

Aube, en Marine, c’est l’intervalle du tems qui s’écoule depuis le souper de l’équipage jusqu’à ce qu’on prenne le premier quart. Voyez Quart. (Z)

Aube, s. f. (Hydraul.) les aubes sont par rapport aux moulins à eau, & aux roues que l’eau fait mouvoir, ce que sont les aîles des moulins à vent ; ce sont des planches fixées à la circonférence de la roue, & sur lesquelles s’exerce immédiatement l’impulsion du fluide, qui les chasse les unes après les autres, ce qui fait tourner la roue. Voyez Palette. (O)

* Si l’on considere que la vîtesse de l’eau n’est pas la même à différentes profondeurs, & plusieurs autres circonstances, on conjecturera que le nombre & la disposition les plus favorables des aubes sur une roue, ne sont pas faciles à déterminer. 1°. Le nombre des aubes n’est pas arbitraire : quand une aube est entierement plongée dans l’eau, & qu’elle a la position la plus avantageuse pour être bien frappée, qui est naturellement la perpendiculaire au fil de l’eau, il faut que l’aube qui la suit & qui vient prendre sa place, ne fasse alors qu’arriver à la surface de l’eau, & la toucher ; car pour peu qu’elle y plongeât, elle déroberoit à la premiere aube une quantité d’eau proportionnée, qui n’y feroit plus d’impression ; & quoique cette quantité d’eau fît impression sur la seconde aube, celle qui seroit perdue pour la premiere ne seroit pas remplacée par-là ; car l’impression sur la premiere eût été faite sous l’angle le plus favorable, & l’autre ne peut l’être que sous un angle qui le soit beaucoup moins. On doit donc faire en sorte qu’une aube étant entierement plongée dans l’eau, elle ne soit nullement couverte par la suivante ; & il est visible que cela demande qu’elles ayent entr’elles un certain intervalle ; & comme il sera le même pour les autres, il en déterminera le nombre total.

Les aubes attachées chacune par son milieu à un rayon d’une roue qui tourne, ont deux dimensions, l’une parallele, l’autre perpendiculaire à ce rayon ; c’est la parallele que j’appellerai leur hauteur ; si la hauteur est égale au rayon de la roue, une aube ne peut donc plonger entierement, que le centre de la roue, ou de l’arbre qui la porte, ne soit à la surface de l’eau ; & il est nécessaire qu’une aube étant plongée perpendiculairement au courant, la suivante, qui ne doit nullement la couvrir, soit entierement couchée sur la surface de l’eau, & par conséquent fasse avec la premiere un angle de 90 degrés ; ce qui emporte qu’il ne peut y avoir que quatre aubes : d’où l’on voit que le nombre des aubes sera d’autant plus grand que leur largeur sera moindre. Voici une petite table calculée par M. Pitot, du nombre & de la largeur des aubes.

Nombre des aubes, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20.

Largeur des aubes, le rayon étant de 1000, 1000, 691, 500, 377, 293, 234, 191, 159, 134, 114, 99, 86, 76, 67, 61, 54, 49.

2°. Il faut distinguer deux sortes d’aubes : celles qui sont sur les rayons de la roue, & dont par conséquent elles suivent la direction selon leur largeur ; celles qui sont sur des tangentes tirées à différens points de la circonférence de l’arbre qui porte la roue, ce qui ne change rien au nombre : les premieres s’appellent aubes en rayons ; les secondes, aubes en tangentes.

L’aube en rayon & l’aube en tangente entrent dans l’eau & en sortent en même tems, & elles y décrivent par leur extrémité un arc circulaire, dont le point de milieu est la plus grande profondeur de l’eau à laquelle l’aube s’enfonce. On peut prendre cette profondeur égale à la largeur des aubes. Si on conçoit que l’aube en rayon arrive à la surface de l’eau, & par conséquent y est aussi inclinée qu’elle puisse, l’aube en tangente qui y arrive aussi, y est nécessairement encore plus inclinée ; & de-là vient que quand l’aube en rayon est parvenue à être perpendiculaire à l’eau, l’aube en tangente y est encore inclinée, & par conséquent en reçoit à cet égard, & en a toûjours jusque-là moins reçû d’impression. Il est vrai que cette plus grande partie de l’aube en tangente a été plongée ; ce qui sembleroit pouvoir faire une compensation : mais on trouve au contraire que cette plus grande partie plongée reçoit d’autant moins d’impression de l’eau, qu’elle est plus grande par rapport à la partie plus petite de l’aube en rayon plongée aussi ; & cela à cause de la différence des angles d’incidence. Jusques-là l’avantage est pour l’aube en rayon.

Ensuite l’aube en tangente parvient à être perpendiculaire à l’eau : mais ce n’est qu’après l’aube en rayon ; le point du milieu de l’arc circulaire qu’elles décrivent est passé ; l’aube en rayon aura été entierement plongée, & l’aube en tangente ne le peut plus être qu’en partie ; ce qui lui donne du desavantage encore, dans ce cas même qui lui est le plus favorable. Ainsi l’aube en rayon est toûjours préférable à l’aube en tangente.

3°. On a pensé à donner aux aubes la disposition des ailes à moulin à vent, & l’on a dit : ce que l’air fait, l’eau peut le faire ; au lieu que dans la disposition ordinaire des aubes, elles sont attachées à un arbre perpendiculaire au fil de l’eau, ici elles le sont à un arbre parallele à ce fil. L’impression de l’eau sur les aubes disposées à l’ordinaire, est inégale d’un instant à l’autre : sa plus grande force est dans le moment où une aube étant perpendiculaire au courant, & entierement plongée, la suivante va entrer dans l’eau, & la précédente en sort. Le cas opposé est celui où deux aubes sont en même tems également plongées. Depuis l’instant du premier cas, jusqu’à l’instant du second, la force de l’impression diminue toûjours ; & il est clair que cela vient originairement de ce qu’une aube pendant tout son mouvement y est toûjours inégalement plongée. Mais cet inconvénient cesseroit à l’égard des aubes mises en ailes de moulin à vent ; celles-ci étant tout entieres dans l’air, les autres seroient toûjours entierement dans l’eau. Mais on voit que l’impression doit être ici décomposée en deux forces ; l’une parallele, & l’autre perpendiculaire au fil de l’eau ; & qu’il n’y a que la perpendiculaire qui serve à faire tourner. Cette force étant appliquée à une aube nouvelle, qu’on auroit faite égale en eût face à une autre posée selon l’ancienne maniere, il s’est trouvé que l’aube nouvelle qui reçoit une impression constante, en eût reçû une un peu moindre que n’auroit fait l’aube ancienne dans le même cas.

D’ailleurs, quand on dit que la plus grande vîtesse que puisse prendre une aube ou aile mûe par un fluide, est le tiers de la vîtesse de ce fluide, il faut entendre que cette vîtesse réduite au tiers est uniquement celle du centre d’impulsion, ou d’un point de la surface de l’aube où l’on conçoit que se réunit toute l’impression faite sur elle. Si le courant fait trois piés en une seconde, ce centre d’impulsion fera un pié en une seconde ; & comme il est nécessairement placé sur le rayon de la roue, il y aura un point de ce rayon qui aura cette vîtesse d’un pié en une seconde. Si ce point étoit l’extrémité du rayon qui seroit, par exemple, de dix piés, auquel cas il seroit au point d’une circonférence de soixante piés, il ne pourroit parcourir que soixante piés, ou la roue qui porte les aubes ne pourroit faire un tour qu’en soixante secondes, ou en une minute. Mais si ce même centre d’impression étoit posé sur son rayon à un pié de distance du centre de la roue & de l’arbre, il parcourroit une circonférence de six piés, ou feroit un tour en six secondes ; & par conséquent la circonférence de la roue feroit aussi son tour dans le même tems, & auroit une vîtesse dix fois plus grande que dans le premier cas : donc moins le centre d’impression est éloigné du centre de la roue, plus la roue tourne vîte. Quand une surface parallélogrammatique mûe par un fluide tourne autour d’un axe immobile auquel elle est suspendue, son centre d’impression est, à compter depuis l’axe, aux deux tiers de la ligne qui la divise en deux selon sa hauteur. Si la roue a dix piés de rayon, l’aube nouvelle qui est entierement plongée dans l’eau, & dont la largeur ou hauteur est égale au rayon, a donc son centre d’impression environ à six piés du centre de la roue. Il s’en faut beaucoup que la largeur ou hauteur des aubes anciennes ne soit égale au rayon, & par conséquent leur centre d’impression est toûjours plus éloigné du centre de la roue ; & cette roue ne peut tourner que plus lentement. Mais cet avantage est détruit par une compensation presqu’égale : dans le mouvement circulaire de l’aube, le point immobile ou point d’appui est le centre de la roue ; & plus le centre d’impression auquel toute la force est appliquée est éloigné de ce point d’appui, plus la force agit avantageusement, parce qu’elle agit par un long bras de levier. Ainsi quand une moindre distance du centre d’impression au centre de la roue fait tourner la roue plus vîte, & fait gagner du tems, elle fait perdre du côté de la force appliquée moins avantageusement, & cela en même raison : d’où il s’ensuit que la position du centre d’impression est indifférente. La proposition énoncée en général eût été fort étrange ; & on peut apprendre par beaucoup d’exemples à ne pas rejetter les paradoxes sur leur premiere apparence. Si l’on n’a pas songé à donner aux ailes de moulin à vent la disposition des aubes, comme on a songé à donner aux aubes la disposition des ailes de moulin, c’est que les ailes de moulin étant entierement plongées dans le fluide, son impression tendroit à renverser la machine, en agissant également sur toutes ses parties en même tems, & non à produire un mouvement circulaire dans quelques-unes. Voyez l’Histoire de l’Académ. & les Mém. ann. 1729. pag. 81. 253. 365. ann. 1725. p. 80. & suiv.

Au reste, le problème pour la solution duquel on vient de donner d’après M. Pitot quelques principes, demanderoit une physique très-exacte, & une très subtile géométrie, pour être résolu avec précision.

En premier lieu, l’effort du fluide contre chaque point de l’aîle dépend de deux choses ; de la force d’impulsion du fluide, & du bras de levier par lequel cette force agit : ces deux choses varient à chaque point de l’aîle. Le bras de levier est d’autant plus grand, que le point de l’aîle est plus éloigné du centre de rotation ; & à l’égard de la force d’impulsion, elle dépend de la vîtesse respective du fluide par rapport au point de l’aile ; or cette vîtesse respective est différente à chaque point : car en supposant même que la vîtesse absolue du fluide soit égale à tous les points de l’aîle, la vîtesse des points de l’aîle est plus grande ou plus petite, selon qu’ils sont plus loin ou plus près du centre de rotation. Il faut donc prendre l’impulsion du fluide sur chaque point de l’aîle (ce qui demande encore quelqu’attention pour ne point se tromper) & multiplier par cette impulsion le bras de levier, ensuite intégrer. Dans cette intégration même il y a des cas singuliers où l’on doit prendre des précautions que la Géométrie seule ne suffit pas pour indiquer. V. le traite des Fluides, Paris 1744, art. 367.

En second lieu, quand on a trouvé ainsi l’effort du fluide contre l’aube, il ne faut pas croire que la Physique ne doive altérer beaucoup ce calcul : 1°. les lois véritables de l’impulsion des fluides sont encore très-peu connues : 2°. quand une aîle est suivie d’une autre, le fluide qui est entre deux n’agit pas librement sur celle des deux qui précede, parce qu’il est arrêté par son impulsion même sur la suivante. Toutes ces circonstances dérangent tellement ce calcul, d’ailleurs très-épineux sans cela même, que je crois qu’il n’y a que l’expérience seule qui soit capable de résoudre exactement le probleme dont il s’agit.

Une des conditions que doit avoir une roue chargée d’aubes, c’est de tourner toujours uniformément ; & pour cela, il faut qu’elle soit telle que dans quelque situation que ce soit de la roue, l’effort du fluide contre toutes les aubes ou parties d’aubes actuellement enfoncées soit nul, c’est-à-dire, que la somme des efforts positifs pour accélérer la roue, soit égale à la somme des efforts négatifs pour la retarder. Ainsi le probleme qu’il faudroit d’abord résoudre, ce seroit de savoir quel nombre d’aubes il faut donner, pour que dans quelque situation que ce soit de la roue, l’effort du fluide soit nui. Il y ici deux inconnues, la vîtesse de la roue, & le nombre d’aubes ; & la condition de la nullité de l’effort devroit donner une équation entre la vîtesse de la roue & le nombre des aubes, quelle que fût la situation de la roue : c’est un problème qui paroît digne d’exercer les Géometres. On pourroit ensuite tracer une courbe, dont les abscisses exprimeroient le nombre des roues, & les ordonnées la vitesse ; & la plus grande ordonnée de cette courbe donneroit la solution du probleme. Je ne donne ici pour cela que des vûes fort générales, & assez vagues : mais quand la solution de ce probleme seroit possible mathématiquement, ce que je n’ai pas suffisamment examiné, je ne doute pas que les considérations physiques ne l’altérassent beaucoup, & peut-être même ne la rendissent tout-à-fait inutile. (O)

* Aube, (Géog.) riviere de France qui a sa source à l’extrémité méridionale du bois d’Auberive, traverse une partie de la Champagne, & se jette dans la Seine.