L’Encyclopédie/1re édition/ARROCHE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 711).
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ARROCHE, atriplex, genre de plante à fleur composée de plusieurs étamines sans pétales ; les étamines sortent d’un calice à cinq feuilles : le pistil devient dans la suite une semence platte & ronde, enveloppée par le calice ou par une capsule. On trouve sur le même pié d’arroche une autre sorte de fruit, qui n’est précédé par aucunes fleurs ; il commence par un embryon, qui devient ensuite un fruit beaucoup plus étendu, composé de deux feuilles échancrées en forme de cœur, & plattes ; elles renferment une semence arrondie & applatie. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

* On en distingue trois especes ; la blanche, la rouge, & la puante ; la blanche & la rouge ne different que par la couleur ; on les cultive dans les potagers ; elles sont annuelles : mais quand une fois on les a semées, elles se renouvellent d’elles-mêmes par la chûte de leurs graines. On les fait cuire, & on les mange comme les autres herbes potageres : mais elles sont plus d’usage dans la Medecine que dans les cuisines ; on en employe les feuilles & les graines. La blanche donne dans l’analyse, une liqueur d’abord limpide, puis trouble, enfin jaunâtre, d’une odeur & d’une saveur un peu salée, lixivieuse, qui indique un sel salé & alkali ; une liqueur jaunâtre soit salée, soit alkaline urineuse ; une liqueur brune, impregnée de sel volatil urineux, & de l’huile. La masse noire restée dans la cornue, calcinée au feu de reverbere, a laissé des cendres dont la lessive a donné du sel fixe purement alkali. Ainsi l’arroche blanche contient un sel essentiel salé, ammoniacal, & nitreux, tel que celui qui résulteroit du mélange de l’esprit de nitre & de sel volatil urineux, mêlés avec une grande portion d’huile, & délayés dans un peu de terre & dans beaucoup de flegme.

L’arroche, soit blanche, soit rouge, nourrit peu, nuit à l’estomac, à moins qu’on ne la corrige par des aromates, du sel & du vinaigre ; elles sont utiles dans les bouillons par lesquels on se propose de lâcher le ventre ; elles sont rafraîchissantes & humectantes, on les met au nombre des émollientes ; elles conviennent fort aux hypochondriaques ; elles temperent les humeurs acres & bilieuses qui bouillonnent dans les premieres voies : on les fait entrer dans les lavemens émolliens & anodyns, & dans les cataplasmes, pour arrêter les inflammations, appaiser les douleurs, amollir les tumeurs, relâcher les parties tendues, &c.

Les graines fraîches d’arroche blanche lâchent doucement le ventre & font vomir. Serapion raconte que Rhasès avoit vû un homme qui ayant pris de la graine d’arroche, fut violemment tourmenté de diarrhée & de vomissement. Quelques-uns les recommandent dans la jaunisse & le rachitis.

L’arroche puante analysée denne une liqueur limpide d’abord, puis jaunâtre, d’une odeur & d’une saveur salée lixivieuse, & qui marque la présence d’un sel alkali urineux ; une liqueur d’abord jaunâtre, ensuite roussâtre, salée, soit alkaline-urineuse, soit un peu acide ; une liqueur brune empyreumatique, imprégnée de sel volatil urineux ; du sel volatil urineux concret, & de l’huile en consistance de graisse : la masse restée dans la cornue, calcinée au feu de reverbere, a laissé des cendres dont on a tiré par lixiviation du sel fixe purement alkali. Toute la plante a une odeur puante, ammoniacale & urineuse : elle est composée d’un sel essentiel ammoniacal, presque développé & mêlé de beaucoup d’huile grossiere. Elle passe pour anti-hystérique : elle chasse les accès hystériques par son odeur ; c’est-là sur-tout la propriété de l’infusion chaude de ses feuilles. On peut recommander ses feuilles fraîches, pilées & mises en confiture avec le sucre, aux femmes tourmentées de ces affections. On peut, selon M. Tournefort, employer au même usage la teinture des feuilles dans de l’esprit-de-vin, & les lavemens de leur décoction.