L’Encyclopédie/1re édition/ANTIPATHIE

ANTIPATHIE, s. f. (Phys.) des mots grecs ἀντὶ, contre, & πάθος, passion. C’est l’inimitié naturelle, ou l’aversion d’une personne ou d’une chose pour une autre, & dans ce sens l’opposé de la sympathie.

Telle est, dit-on, l’opposition naturelle & réciproque de la salamandre & de la tortue, du crapaud & de la belette, de la brebis & du loup. Telle est l’aversion naturelle & invincible de certaines personnes pour les chats, les souris, les araignées, &c. aversion qui va quelquefois jusqu’à les faire évanoüir à la vûe de ces animaux.

Porta, (mag. natur. 20. 7.) & Mersenne, (Quæst. comment. in Genes.) en rapportent d’autres exemples, mais fabuleux & absurdes : un tambour, disent-ils, de peau de loup, fera casser un tambour de peau de brebis ; les poules s’envolent au son d’une harpe garnie de cordes faites des boyaux d’un renard, &c. Voyez d’autres exemples plus réels d’antipathie sous les art. Musique, Tarentule, &c. M. Boyle parle d’une dame qui avoit une grande aversion pour le miel ; son Medecin, prévenu qu’il entroit beaucoup de fantaisie dans cette aversion, mêla un peu de miel dans une emplâtre qu’il fit appliquer au pié de la dame. Il se repentit bientôt de sa curiosité, quand il vit le fâcheux dérangement que l’emplâtre avoit produit, & que l’on ne put faire cesser qu’en ôtant cette emplâtre. Le docteur Mather raconte, qu’une demoiselle de la nouvelle Angleterre, s’évanoüit en voyant quelqu’un se couper les ongles avec un couteau, quoiqu’elle ne fût nullement émûe en les voyant couper avec une paire de ciseaux. Philos. transact. n°. 339.

Nous pourrions accumuler ici beaucoup d’autres exemples d’antipathie, dont les auteurs sont remplis, & dont nous ne voudrions pas assûrer généralement la vérité. Il nous suffit que l’existence des antipathies soit un fait certain, & reconnu pour tel.

Les Péripatéticiens enseignent que les antipathies proviennent de certaines qualités occultes qui sont inhérentes dans les corps. Voyez Occulte, Péripatéticien, &c. Voyez aussi Sortilege.

Les Philosophes modernes plus sages, avouent qu’ils en ignorent la cause. Quelques-uns ont prétendu l’expliquer, en regardant notre corps comme une espece de clavecin, dont les nerfs sont les cordes. Le degré de tension des nerfs, différent dans chaque homme, occasionne, disent-ils, un ébranlement différent de la part du même objet ; & si cet ébranlement est tel qu’il produise une sensation desagréable, voilà l’antipathie. Mais comment un degré de tension plus ou moins grand, & peut-être quelquefois peu différent, produit-il dans deux hommes des sensations tout opposées ? voilà ce qu’on n’expliquera jamais. Il ne s’agissoit que d’avoüer son ignorance un peu plûtôt. (O)

* Antipathie, haine, aversion, répugnance, s. f. La haine est pour les personnes ; l’aversion & l’antipathie pour tout indistinctement, & la répugnance pour les actions.

La haine est plus volontaire que l’aversion, l’antipathie & la répugnance. Celles-ci ont plus de rapport au temperament. Les causes de l’antipathie sont plus secretes que celles de l’aversion. La répugnance est moins durable que l’une & l’autre. Nous haïssons les vicieux ; nous avons de l’aversion pour leurs actions ; nous sentons de l’antipathie pour certaines gens, dès la premiere fois que nous les voyons : il y a des démarches que nous faisons avec répugnance. La haine noircit ; l’aversion éloigne des personnes ; l’antipathie fait détester ; la répugnance empêche qu’on imite. V. les Synon. Franç.

Antipathie, terme de Peinture. V. Ennemi.