L’Encyclopédie/1re édition/ANGELIQUE

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ANGELIQUE, adj. chose qui appartient ou participe à la nature des anges ; ainsi l’on dit d’un homme édifiant, que dans un corps mortel il mene une vie angélique. Saint Thomas d’Aquin est surnommé par excellence le Docteur angélique. Les Catholiques Romains appellent l’Ave Maria la Salutation angélique, ou simplement le pardon ou l’Angelus. Voyez Ave. (G)

Angelique (Habit) ; c’est ainsi qu’on appelle l’habit de certains Moines Grecs de l’Ordre de Saint Basile. On distingue deux sortes de ces Moines : ceux qui font profession d’une vie plus parfaite, sont appellés Moines du grand & angélique habit ; les autres qu’on nomme du petit habit, sont d’un rang inférieur, & ne menent pas une vie si parfaite. Léon Allat. de Consens. eccl. orient. & occid. Lib. III. cap. viij. (G)

Angelique, (Vetement ou Habit) angelica vestis ; chez les anciens Anglois c’étoit un habit de Moine que les laïcs mettoient un peu avant leur mort, afin de participer aux prieres des Moines.

On appelloit cet habit angélique, parce qu’on regardoit les Moines comme des anges, dont les prieres aidoient au salut de l’ame. De-là vient que dans leurs anciens livres, Monachus ad succurrendum, signifie celui qui s’étoit revêtu de l’habit angélique à l’heure de la mort.

Cette coûtume subsiste encore en Espagne & en Italie, où les personnes de qualité sur-tout ont soin, aux approches de la mort, de se faire revêtir de l’habit de quelque Ordre religieux, comme de S. Dominique ou de Saint François, avec lequel on les expose en public & on les enterre. (G)

Angelique, s. f. angelica, (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleurs en rose, disposées en forme de parasol. Les feuilles de la fleur sont posées sur un calice qui devient dans la suite un fruit composé de deux semences oblongues, un peu plus grosses que celles du persil, convexes & cannelées d’un côté, & plates de l’autre. Ajoûtez aux caracteres de ce genre que les feuilles sont aîlées & divisées en des parties assez larges. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Angelique, (Medecine.) des quatre especes d’angélique énoncées par Dale, celle de Boheme est la meilleure. C’est l’angelica officin. angelica sativa, C. B. imperatoria sativa, Tourn. Inst. 317. La racine de cette plante est grosse, noirâtre en-dehors, blanche en-dedans ; toute la plante a une odeur aromatique tirant sur le musc : on la cultive aussi dans ce pays-ci. Son nom lui vient des grandes vertus qu’on lui a remarquées : on la choisit grosse, brune, entiere, non vermolue, d’une odeur suave tirant sur l’amer ; son analyse donne une huile exaltée, & beaucoup de sel volatil.

Elle est cordiale, stomacale, céphalique, apéritive, sudorifique, vulnéraire : elle résiste au venin ; on l’emploie pour la peste, pour les fievres malignes, pour la morsure d’un chien enragé, pour le scorbut. C’est un grand diaphorétique ; on l’emploie dans les maladies de la matrice, aussi bien que dans les affections hystériques : elle est diurétique, & bonne pour exciter les lochies.

La racine, la tige, les feuilles, & la graine de la plante, sont d’usage : mais la racine l’emporte en vertus sur les autres parties.

On fait de l’angélique nombre de préparations & de compositions. La Pharmacopée de Paris emploie l’angélique de Boheme de différentes façons ; elle fait une eau distillée des feuilles & des fleurs ; elle en retire aussi des semences & de la racine desséchée : elle fait une conserve & un extrait de sa racine ; elle fait entrer sa racine dans les eaux composées thériacale, anti-épileptique, prophilactique, de mélisse composée, générale, impériale, dans les deux especes d’orviétan dont elle donne la composition dans le baume oppdeltoch, dans celui du Commandeur. Elle emploie la racine, les feuilles, & les semences dans l’emplâtre diabotanum, dans l’esprit carminatif de Sylvius ; les feuilles seules ont place dans l’eau de lait alexitaire ; & l’extrait est un des ingrédiens de la thériaque céleste.

L’eau distillée d’angélique est un diaphorétique estimé dans la goutte ; & l’esprit tiré de la racine au moyen de l’esprit-de-vin est chargé des parties huileuses de cette racine ; & pris à la dose d’une demi-once, il est bon contre les catarrhes. L’extrait de cette racine fait avec l’esprit-de-vin tartarisé, se mêle dans les pilules béchiques & dans les eaux spiritueuses ; on en peut donner depuis un scrupule jusqu’à une demi-dragme : il agit comme aromatique, &c.

Le baume d’angélique de Sennert est ainsi prescrit dans la Pharmacopée d’Ausbourg : Prenez d’extrait d’angélique une once, de manne en larme deux gros ; mettez-les sur un petit feu, y ajoûtant une dragme & demie d’huile d’angélique. Ce baume a les vertus cordiales & alexipharmaques qu’on attribue à l’angélique.

Les peuples de l’Islande & de la Laponie se nourrissent des tiges d’angélique, sans en être incommodés, au rapport de Bauhin & de Linnæus. (N)

* Prenez demi-once d’angélique, autant de canelle, le quart d’une once de girofle, autant de mastic, de coriandre, & d’anis vert, demi-once de bois de cedre ; concassez le tout dans un mortier ; mettez ensuite infuser dans une quantité suffisante d’eau-de-vie, pendant vingt-quatre heures ; distillez au bain-marie ; ayez de l’eau-de-vie nouvelle ; mettez sur cette eau-de-vie l’essence obtenue par la distillation ; ajoûtez de l’ambre, du musc & de la civette, & vous aurez l’eau d’angélique.

Otez les feuilles ; pelez les tiges que vous choisirez fraîches & grosses ; coupez-les d’une longueur convenable ; jettez-les dans l’eau fraîche ; passez-les de cette eau dans une autre que vous ferez bouillir à gros bouillons : c’est ainsi que l’angélique se blanchit ; on s’apperçoit que les cardons sont assez blancs, quand ils s’écrasent entre les doigts. Tirez-les de cette eau ; passez-les à l’eau fraîche ; laissez-les égouter : mettez-les bien égoutés dans une poesle de sucre clarifié ; qu’ils y prennent plusieurs bouillons : écumez-les pendant qu’ils bouillent ; & quand ils auront assez bouilli, & qu’ils auront été assez écumés, mettez le tout dans une terrine. Le lendemain, séparez ce sirop ; faites-le cuire, puis le répandez sur les cardons : quelques jours après, séparez encore le sirop que les cardons auront déposé ; faites-le cuire à la petite perle, & le répandez derechef sur les cardons. Séparez une troisieme fois le restant du sirop ; faites-le cuire à la grosse perle ; ajoûtez-y du sucre ; déposez-y vos cardons, & faites-les bouillir : cela fait, tirez-les ; étendez-les sur des ardoises ; saupoudrez-les de beaucoup de sucre ; & faites-les sécher à l’étuve.

Angélique, en Grec Ἀγγελικὴ, (Hist. anc.) c’étoit une danse fort en usage parmi les anciens Grecs dans leurs fêtes. Voyez Danse. Elle étoit ainsi appellée du Grec ἄγγελος, nuntius, messager, parce que suivant Pollux, les danseurs étoient vêtus en messagers. (G)

Angélique, s. f. (terme de Luth.) sorte de guitarre qui a 10 touches, & 17 cordes accordées de suite selon l’ordre des degrés diatoniques du clavecin. La 17e corde est à l’unisson du huitieme pié ou du C-sol-ut des basses du clavecin ; & la chanterelle ou premiere est à l’unisson du mi du clavecin qui précéde la clef de G-ré-sol. Voyez la table du rapport & de l’étendue des instrumens de musique. Cet instrument est de la classe de ceux qu’on appelle instrumens à pincer, comme le luth, la guitarre, &c. dont il differe peu par sa figure. Voyez Guitarre, & Planche de Lutherie.

Angéliques, s. m. pl. (Hist. mod.) ancien Ordre de Chevaliers institués en 1191 par Isaac Ange Flavius Comnene, Empereur de Constantinople. Voyez Chevalier & Ordre

On les divisoit en trois classes, mais toutes sous la direction d’un Grand-Maître. Les premiers étoient appellés torquati, à cause d’un collier qu’ils portoient ; ils étoient au nombre de 50 : les seconds s’appelloient Champions de Justice, & c’étoient des Ecclésiastiques ; le reste étoit appellé Chevaliers servans. (G)