L’Encyclopédie/1re édition/ALEXANDRIN

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 256).

* ALEXANDRIN (l’) quartier d’Italie dans le Duché de Milan, autour d’Alexandrie, qui lui donne le nom d’Alexandrin.

* Alexandrin ; épitéthe qui désigne dans la Poësie françoise la sorte de vers affectée depuis long-tems, & vraissemblablement pour toûjours, aux grandes & longues compositions, telles que le poëme épique & la tragédie, sans être toutefois exclue des ouvrages de moindre haleine. Le vers alexandrin est divisé par un repos en deux parties qu’on appelle hémistiches. Dans le vers alexandrin, masculin ou féminin, le premier hémistiche n’a jamais que six syllabes qui se comptent : je dis qui se comptent, parce que s’il arrive que cet hémistiche ait sept syllabes, sa derniere finira par un e muet, & la premiere du second hémistiche commencera par une voyelle ou par une h non aspirée, à la rencontre de laquelle l’e muet s’élidant, le premier hémistiche sera réduit à six syllabes. Dans le vers alexandrin masculin, le second hémistiche n’a non plus que six syllabes qui se comptent, dont la derniere ne peut être une syllabe muette. Dans le vers alexandrin féminin, le second hémistiche a sept syllables dont la derniere est toûjours une syllabe muette. Voyez Rime masculine, Rime féminine, Hémistiche. Le nombre & la gravité forment le caractere de ce vers ; c’est pourquoi je le trouve trop éloigné du ton de la conversation ordinaire pour être employé dans la comédie. Le vers alexandrin françois répond au vers hexametre latin, & notre vers marotique ou de dix syllables, au vers iambique latin. Il faudroit donc faire en françois de notre alexandrin & de notre marotique l’usage que les Latins ont fait de leur héxametre & de leur iambique. Une loi commune à tout vers partagé en deux hémistiches, & principalement au vers alexandrin, c’est que le premier hémistiche ne rime point avec le second ni avec aucun des deux du vers qui précede ou qui suit. On dit que notre vers alexandrin a été ainsi nommé ou d’un Poëme françois de la vie d’Alexandre composé dans cette mesure par Alexandre de Paris, Lambert Licor, Jean le Nivelois, & autres anciens Poëtes, ou d’un Poëme latin intitulé l’Alexandriade, & traduit par les deux premiers de ces Poëtes, en grands vers, en vers alexandrins, en vers héroïques ; car toutes ces dénominations sont synonymes, & désignent indistinctement la sorte de vers que nous venons de définir.