L’Encyclopédie/1re édition/AGRÉMENS

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 183).
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AGRÉMENS, s. m. (Passement.) On comprend sous ce nom tous les ouvrages de mode qui servent à l’ornement des robes des Dames ; ces ouvrages sont momentanées, c’est-à-dire, sujets à des variations infinies qui dépendent souvent ou du goût des femmes, ou de la fantaisie du fabriquant. C’est pourquoi il n’est guere possible de donner une idée parfaite & détaillée de tous ces ouvrages ; ils seroient hors de mode avant que le détail en fût achevé : on en dira seulement le plus essentiel & le moins sujet au changement. On doit l’origine de ces sortes d’agrémens au seul métier de Rubannerie, qui est l’unique en possession du bas métier : cet ouvrage a été connu seulement dans son principe sous le nom de soucis d’hannetons, dont la fabrique a été d’abord fort simple, & est aujourd’hui extrèmement étendue. Nous allons en détailler une partie qui fera connoître l’importance de ce seul objet : premierement, c’est sur le bas métier annoncé plus haut, que s’operent toutes les petites merveilles dont nous rendons compte : ce bas métier est une simple planche bien corroyée, longue de deux piés & demi sur un pié de large. Vers les deux extrémités de cette planche sont deux trous dans lesquels entrent deux montans, sur l’un desquels est placée une pointe aiguë & polie, qui servira à la tension de l’ouvrage à faire ; c’est sur l’autre que sont mises les soies à employer : enfin on peut dire qu’il ressemble parfaitement au métier des Perruquiers, & peut, comme lui, être placé sur les genoux. Les soies sont tendues sur ce métier, & elles y font l’effet de la chaîne des autres ouvrages ; on tient ces soies ouvertes par le moyen d’un fuseau de buis qu’on y introduit, & dont la tête empêche sa sortie à travers d’elles ; ce fuseau, outre qu’il tient ces soies ouvertes, leur sert encore de contrepoids dans le cas où les montans, par leur mouvement, occasionneroient du lâche. C’est par les différens passages & entrelacemens des soies contenues sur le petit canon qui sert de navette, passages & entrelacemens qui font l’office de la trame, que sont formés différens nœuds, dans divers espaces variés à l’infini, & dont on fera l’usage qui sera décrit ci-après. Quand une longueur contenue entre les deux montans dont on a parlé plus haut, se trouve ainsi remplie de nœuds, elle est enroulée sur le montant à pointe, & fait place à une autre longueur qui sera fixée comme celle-ci sur cette pointe ; ce premier ouvrage ainsi fait jusqu’au bout, est ensuite coupé entre le milieu de deux nœuds, pour être de nouveau employé à l’usage qu’on lui destine. Ces nœuds ainsi coupés sont appellés nœuds simples, & forment deux especes de petites touffes de soie, dont le nœud fait la jonction. De ces nœuds sont formés, toûjours à l’aide de la chaîne, d’autres ouvrages d’abord un peu plus étendus, appellés travers ; puis encore d’autres encore plus étendus appellés quadrille : cette quantité d’opérations tendent toutes à donner la perfection à chaque partie & au tout qu’on en formera. C’est du génie & du goût de l’ouvrier que dépendent les différens arrangemens des parties dont on vient de parler : c’est à lui à faire valoir le tout par la variété des desseins, par la diversité des couleurs artistement unies, par l’imitation des fleurs naturelles, & d’autres objets agréables. Ces ouvrages regardés souvent avec trop d’indifférence, forment cependant des effets très-galans, & ornent parfaitement les habillemens des Dames : on les emploie encore sur des vestes, on en forme des aigrettes, pompons, bouquets à mettre dans les cheveux, bouquets de côté, brasselets, ornemens de coëffures & de bonnets, &c. On y peut employer la chenille, le cordonnet, la milanese & autres. Quant à la matiere, l’or, l’argent, les perles, la soie, peuvent y entrer lorsqu’il est question d’en former des franges. La derniere main d’œuvre s’opere sur le haut métier à basses lisses & à plate navette, & par le secours d’une nouvelle & derniere chaîne. Il y a de ces agrémens appellés fougere, parce qu’ils réprésentent cette plante ; il y a presqu’autant de noms que d’ouvrages différens ; nous en donnerons quelques-uns à leurs articles, avec la description du métier appliqué à une figure.