L’Encyclopédie/1re édition/AGARIC
AGARIC, minéral (Hist. nat.) matiere de la nature des pierres à chaux, qui se trouve dans les carrieres de ces pierres. L’agaric minéral est mieux nommé moelle de pierre. Voyez Moelle de pierre. (I)
Agaric, s. m. (Hist. nat.) en latin Agaricus, herbe, dit M. Tournefort, dont on ne connoît ni les fleurs ni les graines, qui croît ordinairement contre le tronc des arbres, & qui ressemble en quelque façon au champignon. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.
Mais M. Micheli prétend avoir vû des fleurs dans l’agaric ; & conséquemment voici comment il décrit ce genre. « L’agaric est un genre de plante dont les caracteres dependent principalement de la forme de ses différentes feuilles ; elles sont composées de deux parties différentes : il y en a qui sont poreuses en dessous, d’autres sont dentelées en forme de peigne, d’autres sont en lames, d’autres enfin sont unies. Les fleurs sont sans petales, & n’ont qu’un seul filet ; elles sont stériles, elles n’ont ni calice, ni pistil, ni étamines. Elles naissent dans des enfoncemens, ou à l’orifice de certains petits trous. Les semences sont rondes ou arrondies ; elles sont placées dans différents endroits comme il est expliqué dans les soûdivisions de ce genre, & dans le détail des especes qu’a donné M. Micheli. Nova'plant. genera, pag. 117. & suivantes. Voyez Plante. (I).
* M. Boulduc, continuant l’histoire des purgatifs répandue dans les Mémoires de l’Académie, en est venu à l’agaric, & il lui paroît (Mém. 1714. p. 27.) que ce purgatif a été fort estimé des Anciens, quoiqu’il le soit peu aujourd’hui & avec raison ; car il est très-lent dans son opération, & par le long séjour qu’il fait dans l’estomac, il excite des vomissemens, ou tout au moins des nausées insupportables, suivies de sueurs, de syncopes, & de langueurs qui durent beaucoup ; il laisse aussi un long dégoût pour les alimens. Les Anciens qui n’avoient pas tant de purgatifs à choisir que nous, n’y étoient apparemment pas si délicats ; ou bien, auroit pû ajoûter M. Boulduc, l’agaric n’a plus les mêmes propriétés qu’il avoit.
C’est, dit cet Académicien, une espece de champignon qui vient sur le larix ou melese. Quelques-uns croyent que c’est une excroissance, une tumeur produite par une maladie de l’arbre : mais M. Tournefort le range sans difficulté parmi les plantes & avec les autres champignons. On croit que celui qui nous est apporté du Levant, vient de la Tartarie, & qu’il est le meilleur. Il en vient aussi des Alpes & des montagnes du Dauphiné & de Trentin. Il y a un mauvais agaric qui ne croît pas sur le larix, mais sur les vieux chênes, les hêtres, &c. dont l’usage seroit très-pernicieux.
On divise l’agaric en mâle & femelle ; le premier a la superficie rude & raboteuse, & la substance intérieure fibreuse, ligneuse, difficile à diviser, de diverses couleurs, hormis la blanche ; il est pesant. Le second au contraire à la superficie fine, lisse, brune ; il est intérieurement blanc, friable, & se met aisément en farine, & par conséquent il est léger : tous deux se font d’abord sentir au goût sur la langue, & ensuite ils sont amers & acres ; mais le mâle a plus d’amertume & d’acreté. Celui-ci ne s’emploie point en Medecine, & peut-être est-ce le même que celui qui ne croît pas sur le larix.
M. Boulduc a employé sur l’agaric les deux grandes especes de dissolvans, les sulphureux & les aqueux. Il a tiré par l’esprit de vin une teinture résineuse d’un goût & d’une odeur insupportable : une goutte mise sur la langue faisoit vomir, & donnoit un dégout de tout pour la journée entiere. De deux onces d’agaric, il est venu six dragmes & demie de teinture : le marc qui ne pesoit plus que neuf dragmes, ne contenoit plus rien, & n’étoit qu’un mucilage ou une espece de boue.
Sur cela, M. Boulduc soupçonna que ce mucilage inutile qui étoit en si grande quantité, pouvoit venir de la partie farineuse de l’agaric, détrempée & amollie ; & la teinture résineuse, de la seule partie superficielle ou corticale. Il s’en assûra par l’expérience ; car ayant séparé les deux parties, il ne tira de la teinture que de l’extérieur, & presque point de l’intérieur ; ce qui fait voir que la premiere est la seule purgative, & la seule à employer, si cependant on l’emploie ; car elle est toûjours très-desagréable, & cause beaucoup de nausées & de dégoût. Pour diminuer ses mauvais effets, il faudroit la mêler avec d’autres purgatifs.
Les dissolvants aqueux n’ont pas non plus trop bien réussi sur l’agaric ; l’eau seule n’en tire rien : on n’a par son moyen qu’un mucilage épais, une boue, & nul extrait. L’eau aidée du sel de tartre, parce que les sels alkalis des plantes dissolvent ordinairement les parties résineuses, donne encore un mucilage, dont, après quelques jours de repos, la partie supérieure est transparente, en forme de gelée, & fort différente du fond, qui est très-épais. De cette partie supérieure séparée de l’autre, M. Boulduc a tiré par évaporation à chaleur lente un extrait d’assez bonne consistance, qui devoit contenir la partie résineuse & la partie saline de l’agaric, l’une tirée par le sel de tartre, l’autre par l’eau. Deux onces d’agaric avec une demi-once de sel de tartre, avoient donné une once & demi-dragme de cet extrait : il purge très bien, sans nausées, & beaucoup plus doucement que la teinture résineuse tirée avec l’esprit de vin. Quant à la partie inférieure du mucilage, elle ne purge point du tout, ce n’est que la terre de l’agaric.
M. Boulduc ayant employé le vinaigre distillé au lieu de sel de tartre, & de la même maniere, il a eu un extrait tout pareil à l’autre, & de la même vertu, mais en moindre quantité.
La distillation de l’agaric a donné à M. Boulduc assez de sel volatil, & un peu de sel essentiel : il y a très peu de sel fixe dans la terre morte.
L’agaric mâle, que M. Boulduc appelle faux agaric, & qu’il n’a travaillé que pour ne rien oublier sur cette matiere, a peu de parties résineuses, & moins encore de sel volatil ou de sel essentiel. Aussi ne vient-il que sur de vieux arbres pourris, dans lesquels il s’est fait une résolution ou une dissipation des principes actifs. L’infusion de cet agaric faite dans l’eau, devient noire comme de l’encre, lorsqu’on la mêle avec la solution de vitriol : aussi l’agaric mâle est-il employé pour teindre en noir. On voit par-là qu’il a beaucoup de conformité avec la noix de galle, qui est une excroissance d’arbres.