L’Encyclopédie/1re édition/ACANTHE

ACAPATHI  ►

ACANTHE, s. f. herbe à fleur d’une seule feuille irréguliere, terminée en bas par un anneau. La partie antérieure de la fleur de l’acanthe, est partagée en trois pieces ; la partie postérieure est en forme d’anneau. La place de la levre supérieure est occupée par quelques étamines qui soûtiennent des sommets assez semblables à une vergette. Il sort du calice un pistil qui est fiché comme un clou dans la partie postérieure de la fleur ; il devient dans la suite un fruit qui a la forme d’un gland, & qui est enveloppé par le calice. Ce fruit est partagé par une cloison mitoyenne en deux cellules, dans chacune desquelles il se trouve des semences qui sont ordinairement de figure irréguliere. Tournefort, Inst. rei herb. V. Plante. (I)

Les feuilles récentes de cette herbe ont donné dans l’analyse, du phlegme sans odeur ni goût, mais chargé d’un peu de sel salé qui troubloit la solution de Saturne ; une liqueur tirant d’abord à l’acide, qui le devenoit clairement ensuite, & qui étoit même un peu alkaline ; une liqueur roussâtre empyreumatique, legerement acide, mais pleine d’un sel alkali urineux, & de beaucoup de sel volatil ; de l’huile, soit fluide, soit épaisse.

La masse noire restée dans la cornue calcinée au feu de réverbere, a donné des cendres blanchâtres, dont par la lixiviation on a tiré un sel fixe purement alkali. De cette analyse, de la quantité relative des choses qu’on en a tirées, & de la viscosité de la plante, il s’ensuit qu’elle contient beaucoup de sel ammoniac, & un peu d’huile délayée dans beaucoup de phlegme. On n’emploie que ses feuilles, en lavemens, en fomentations, & en cataplasmes.

Acanthe, s. f. en Architecture, ornement semblable à deux plantes de ce nom, dont l’une est sauvage, l’autre cultivée : la 1re est appellée en Grec acantha, qui signifie épine ; & c’est elle que la plûpart des Sculpteurs gothiques ont imitée dans leurs ornemens ; la seconde est appellée en latin branca ursina, à cause que l’on prétend qu’elle ressemble au pié d’un ours : les Sculpteurs anciens & modernes ont préféré celle-ci, & s’en sont servis particulierement dans leurs chapiteaux. Vitruve & plusieurs de ses Commentateurs prétendent que cette plante donna occasion à Callimachus, Sculpteur Grec, de composer le chapiteau Corinthien ; voici à peu près comme il rapporte le fait : « Une jeune fille étant morte chez sa nourrice ; & cette femme voulant consacrer aux Manes de cette jeune personne plusieurs bijoux qu’elle avoit aimés pendant sa vie, les porta sur son tombeau ; & afin qu’ils se conservasient plus long-tems, elle couvrit cette corbeille d’une tuile : ce panier se trouvant placé par hasard sur une racine d’acanthe, le printems suivant cette racine poussa des branches qui, trouvant de la résistance par le poids de la corbeille, se diviserent en plusieurs rameaux, qui ayant atteint le sommet de la corbeille, furent contraints de se recourber sur eux-mêmes par la saillie que formoit la tuile sur ce panier ; ce qui donna idée à Callimachus, qui apperçut ce jeu de la nature, de l’imiter dans les chapiteaux de cet ordre, & de distribuer les seize feuilles comme on l’exécute encore aujourd’hui ; la tuile lui fit aussi imaginer le tailloir ». Voyez Chapiteau Corinthien, Collicolo, Tigettes, &c.

Villapande qui nous a donné la description du Temple de Salomon, traite de fable cette histoire, & prétend que ce chapiteau étoit exécuté à ce Temple. Il est vrai qu’il nous le décrit composé de feuilles de palmier, ce qui donna lieu, dit-il expressément, dans la suite, à composer les chapiteaux Corinthiens de feuilles d’olivier plûtôt que d’acanthe. Sans entrer en discussion avec ces deux Auteurs, je crois ce que l’un & l’autre en disent, c’est-à-dire, que les chapiteaux Corinthiens peuvent fort bien avoir été employés dans leur origine à la décoration du Temple de Jérusalem ; mais que Callimachus, Sculpteur habile, peut-être aussi celui à qui nous avons l’obligation de la perfection de sa forme générale, de la distribution de ses ornemens & de son élégance. Ce qu’il y a de certain, c’est que depuis plusieurs siecles ce chapiteau a passé pour un chef-d’œuvre dans son genre, & qu’il a presque été impossible à tous nos Architectes modernes qui ont voulu composer des chapiteaux d’une nouvelle invention, de l’égaler. (P)