L’Encyclopédie/1re édition/ABSTEME

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 43-44).
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ABSTEME du latin abstemius, adject. pris subst. terme qui s’entend à la lettre des personnes qui s’abstiennent entierement de boire du vin, principalement par la répugnance & l’aversion qu’elles ont pour cette liqueur.

Dans ce sens, abstème est synonyme au mot latin invinius, & au mot grec ἄοινος, & même à ceux-ci ὑδρόποτης & ὑδροπαράστατης, bûveur d’eau, panégyriste de l’eau, étant composé d’abs, qui marque retranchement, éloignement, privation, répugnance, & de temetum, vin.

Les Théologiens protestans emploient plus ordinairement ce terme pour signifier les personnes qui ne peuvent participer à la coupe dans la réception de l’Eucharistie, par l’aversion naturelle qu’elles ont pour le vin. Voyez Antipathie.

Leurs Sectes ont été extrémement divisées pour savoir si l’on devoit laisser communier ces Abstèmes sous l’espece du pain seulement. Les Calvinistes au Synode de Charenton déciderent qu’ils pouvoient être admis à la Cene, pourvû qu’ils touchassent seulement la coupe du bout des levres, sans avaler une seule goutte de l’espece du vin. Les Luthériens se récrierent fort contre cette tolérance, & la traiterent de mutilation sacrilége du Sacrement. Il n’y a point d’ame pieuse, disoient-ils, qui par la ferveur de ses prieres n’obtienne de Dieu le pouvoir & la force d’avaler au moins une goutte de vin. Voyez Stricker in nov. Litt. Germ. ann. 1709. pag. 304.

M. de Meaux a tiré avantage de cette variation pour justifier le retranchement de la coupe ; car il est clair, dit-il, que la Communion sous les deux especes n’est pas de précepte divin, puisqu’il y a des cas où l’on en peut dispenser. Voyez les Nouv. de la République des Lettres, tom. III. pag. 23. Mém. de Trev. 1708. pag. 33. & 1717. pag. 1415.

Dans les premiers siecles de la République Romaine, toutes les Dames devoient être abstèmes ; & pour s’assûrer si elles observoient cette coûtume, c’étoit une regle de politesse constamment observée, que toutes les fois que des parens ou des amis les venoient voir, elles les embrassassent. (G)