L’Enclos du Rêve/07/En Provence, de Berger à Bergère

Alphonse Lemerre (p. 99-101).

EN PROVENCE
DE BERGER À BERGÈRE

Le goût de tes baisers devait tenter mes lèvres
Par tes lèvres de rêve où niche du printemps,
Et je t’aime d’amour profond depuis longtemps.

Je t’aime, et mes désirs, comme de jeunes chèvres,
Bondissent dans mon cœur rien qu’à ton souvenir,
Et je porte mes pas où les tiens vont venir.

Car tu deviens ma vie et tu m’es nécessaire
Bien plus que la lumière et bien plus que les fleurs,
Bien plus que l’horizon aux changeantes couleurs,


Bien plus que la forêt chantante et solitaire :
Elle fut mon amante en des jours révolus,
Mais des jours d’autrefois je ne me souviens plus,

Et je ne sais que toi pour reine et pour amante.
Un soir prochain, aux feux décroissants du soleil,
Par les bois embaumés, dans l’air rose et vermeil,

Nous trouverons un lit de fougère et de menthe,
Un lit moelleux et bas, un lit souple et vivant,
Et je t’y coucherai comme on couche un enfant,

Et je t’y bercerai comme on berce une amie ;
Et ce n’est que longtemps après, longtemps après,
Quand nos cœurs souffriront d’amour d’être si près,

Que s’éveillera ma passion endormie.
Elle se fera douce, et, au fond du ciel bleu,
Les étoiles d’argent te souriront un peu,

Et tout autour de toi les feuilles murmurantes,
Dont tu connais les voix et les mots caresseurs
Te parleront avec des tendresses de sœur.


Et la nature entière, indulgente et féconde,
Toute la vie éparse au sein des infinis,
Les bêtes et les fleurs, les arbres et les nids,

Te diront que l’Amour est la beauté du monde.