L’Enclos du Rêve/07/À une jeune Fille

Alphonse Lemerre (p. 105-109).

À UNE JEUNE FILLE

I

Je voudrais trouver des mots frêles,
Précieux comme des dentelles,
Enveloppants comme des ailes,
Palpitants comme des aveux ;
Des mots purs comme des corolles,
Frémissants comme des violes,
Et clairs comme des auréoles,
Et solennels comme des vœux.


C’est en vain que je chercherais
La parole qui fixerait
Votre grâce chaste et l’attrait
Céleste de votre sourire.
En vain que je voudrais pour vous
Réunir des mots assez doux
Pour vous murmurer à genoux
Le rêve que je veux vous dire.

Mais afin qu’il vous soit conté,
Ce rêve cher qui m’a hanté,
À vos sœurs en suavité,
Aux fleurs, indiscrètes amies,
J’irai ce soir, le dévoilant.
Je connais leur parler charmant
Et mettrai mon secret d’amant
Sur leurs lèvres presque endormies.

À votre réveil, les muguets,
Les liserons et les bluets,
Les lis, les roses, les œillets
Vous répéteront à l’envie
Que mon cœur, si triste autrefois,
Est plein de cloches et de voix
Sonnant et chantant à la fois
L’hymne triomphal à la vie.


J’ai bu la magique liqueur,
Et l’Amour, ce maître vainqueur,
Fit une blessure à mon cœur,
D’où la joie émerge et s’épanche.
Je le mets au bord du chemin
Par où vous passerez demain.
Puissiez-vous prendre en votre main.
Ce cœur lourd qui vers vous se penche.


II

Irrésistiblement mon cœur s’en va vers toi,
Vers toi vont mes pensers en longs pèlerinages,
Comme vers Bethléem s’en allaient les rois Mages,
Lorsque l’astre divin souriait à leur foi.

Rien n’est plus attirant que les lacs de lumière
De tes yeux de douceur, de tes yeux de bonté.
Devant ta jeune grâce et ta jeune beauté
Mon âme nuit et jour se consume en prière ;

Mais les frissons aigus et les sombres émois.
La déchirent aussi de leur griffe acérée,
Et je songe qu’un jour, mon unique adorée,
Tu connaîtras l’amour et ses puissantes lois.

Et pour être l’élu de tes rêves candides,
Pour être celui-là que tu voudras aimer,
Pour être celui-là qui devra te charmer
Et lire ton secret en tes grands yeux limpides,


Pour être le semeur de ta félicité,
Qui te fera la joie et le désir de vivre,
Je demande au Seigneur qu’il unisse en son livre
Nos deux noms pour la terre et pour l’éternité.