L’Enclos du Rêve/04/Ressemblance

Alphonse Lemerre (p. 55-56).

RESSEMBLANCE

À Madame Souchois.


En me rappelant les choses passées
Il me vient quelquefois un souvenir…
Les heures sur lui se sont amassées
Et l’ont couvert d’ombre sans le ternir.

Je suis une enfant et je suis assise
Sur un banc de bois près d’autres enfants ;
L’orgue aux mille voix chante dans l’église
En accords plaintifs doux ou triomphants.

Au travers du vieux vitrail en ogive
Le soleil met son magique décor ;
Sous ces blonds reflets la vierge pensive
Si belle toujours est plus belle encor.


Sa robe d’argent à la gorge ouverte,
Traînant à longs plis, frôle le gazon ;
Ses pieds nus sont blancs sur l’herbe très verte,
Un zig-zag d’azur ferme l’horizon…

Oui, j’étais enfant ; mais ma petite âme,
Ardente, adora d’un amour touchant
La Vierge que le clair soleil couchant
Nimbait de rayons et voilait de flamme.

Lorsque je vous vis, la première fois
— On ne sourit pas d’un rêve, on pardonne,
Mon regard crut voir la sainte madone
Que j’aimais avec mon cœur d’autrefois.

De ce souvenir que l’âme caresse,
Bouquet retrouvé d’un passé très doux,
S’exhale un subtil parfum de tendresse,
Dont l’arôme pur s’envole vers vous.