L’Empire des tsars et les Russes/Tome 3/Livre 2/Chapitre 2

Hachette (Tome 3p. 81-100).


CHAPITRE II


Conséquences de la constitution nationale de l’Église orthodoxe. — Ingérence du pouvoir civil. — Comment l’intimité de l’Église et de l’État a plutôt été un obstacle à la liberté intellectuelle et à la liberté politique. — De l’emploi d’une langue nationale dans la liturgie. — Le slavon ecclésiastique. — Ses avantages pour la nationalité, ses inconvénients pour la civilisation russe. — En quel sens l’orthodoxie orientale occupe une situation intermédiaire entre le catholicisme et le protestantisme. — De l’Écriture et des Sociétés bibliques en Russie. Les deux courants qui se disputent l’Église russe.


La constitution nationale des églises du rite grec a eu pour première conséquence l’ingérence du pouvoir civil dans leur sein : indépendante de toute autorité étrangère, chacune d’elles l’est moins de l’État. C’est là un phénomène général dans tous les pays orthodoxes, dans la démocratie grecque aussi bien que chez l’autocratie russe. À cet égard, la situation de la Russie n’est nullement différente de celle des pays de même foi ; seulement, le gouvernement étant plus fort, le lien qui lui rattache l’Église est plus étroit. La religion, ne pouvant s’isoler du milieu politique, s’est, comme toutes choses en Russie, ressentie de l’atmosphère ambiante. L’Église russe a été tout ce que peut être une Église nationale dans un État autocratique.

Les destinées de l’Église byzantine, sous le Bas-Empire, présageaient celles de sa fille. À Constantinople aussi, le pouvoir impérial se faisait sentir jusque dans le sanctuaire, et la main de l’autocralor grec, sous les Comnènes par exemple, se montra souvent plus lourde et plus indiscrète que ne le fut jamais celle des tsars.

À la plupart des Russes, comme à beaucoup d’Occidentaux, la subordination de l’Église et de la religion au pouvoir civil semble un gage de liberté politique, aussi bien que de liberté intellectuelle. L’histoire nous en fait douter. L’exemple de la Russie et de l’empire grec inclinerait plutôt à croire le contraire. À Moscou, de même qu’à Byzance, si l’Église orientale a contribué à la stagnation intellectuelle et au despotisme politique, c’est précisément par sa dépendance de l’État, parce que, ne pouvant lutter avec le pouvoir civil, elle le laissait sans contrepoids ni frein. Tandis qu’en Occident les conflits des deux pouvoirs, dont les Russes se félicitent d’avoir été affranchis, laissaient un champ ouvert aux libertés intellectuelles ou politiques, aux revendications de la pensée et aux droits des gouvernés, en Orient le pouvoir civil, n’ayant aucun rival pour le contenir, avait moins de peine à devenir absolu. L’autorité civile, étayée de l’autorité religieuse, pesait à la fois sur les âmes et sur les corps. Pour soulever ce double poids, il eût fallu des forces surhumaines. Le spirituel et le temporel étaient plus ou moins confondus, les ordres du prince s’imposaient comme les ordres de Dieu, et les prescriptions de l’Église, érigée en institution d’État, se renforçaient à leur tour de toute l’autorité du prince. En ce sens, on peut dire qu’à Moscou, aussi bien qu’à Byzance, si la religion n’a pas créé l’autocratie, la religion l’a rendue possible en ne lui opposant pas de barrière. Dans un pays catholique, avec une hiérarchie ecclésiastique ayant au dehors un chef indépendant, l’autocratie ne pouvait naître ou ne pouvait durer. L’Église, tant qu’elle n’eût pas été écrasée, lui eût fait obstacle. Par là, le catholicisme, qui, par d’autres côtés, semble moins propice à la liberté, en favorisait davantage l’éclosion. Comme nous l’écrivions ailleurs, le catholicisme est, pour ainsi dire, libéral malgré lui, parce qu’il marque une borne à l’omnipotence de l’État, que le souverain s’appelle empereur ou peuple, que ce soit un prince divinisé par l’adulation ou une multitude enivrée à son tour des fumées du pouvoir[1]. C’est ce que ne saurait faire une Église nationale, ou ce qu’elle ne peut faire qu’à un degré moindre[2].

Il n’a manqué à la Russie aucun des avantages attribués aux Églises nationales : concorde des deux pouvoirs, force du gouvernement, unité morale de la nation, harmonie des deux plus nobles penchants du cœur humain, le sentiment religieux et le sentiment patriotique. Dans les grandes crises historiques, l’alliance de l’Église a doublé la force de l’État ; elle n’en a pas moins été une entrave pour la civilisation russe. Si les empiétements du pouvoir spirituel ont été plus aisément refrénés, le pouvoir civil a, pour son propre bénéfice, été plus souvent tenté de faire sortir l’Église de l’enceinte du sanctuaire. Le prêtre a été plus fréquemment travesti en fonctionnaire ; le laïque a été plus exposé à se voir traiter par l’Église autant en sujet qu’en fidèle. En transformant les devoirs religieux en obligations légales, l’État a fait de la religion un moyen de gouvernement, parfois un moyen de police. Le rôle de l’Église, diminué d’un côté, s’est agrandi de l’autre, au profit apparent de l’État, au dommage réel de la nation comme de la religion.

Cette intimité de l’État et de l’Église a communiqué aux Russes le mal de l’Orient, la stagnation, et aggravé le mal particulier à la Russie, l’isolement. Non contente de comprimer tout mouvement de l’intelligence nationale, l’union des deux pouvoirs arrêtait aux frontières toute invasion des idées du dehors. La liberté spirituelle, que semblait garantir à l’orthodoxie le manque d’une autorité centrale infaillible, fut ainsi longtemps annihilée par cette absence d’autorité cosmopolite indépendante. La limitation de l’Église aux bornes de l’État rétrécit l’horizon de l’un et de l’autre : la religion renforça les préventions nationales en même temps que le patriotisme. Les Vieux-Russes fuyaient le contact de l’Europe comme une contagion ; pour beaucoup, un voyage à l’étranger était un péché qui mettait l’âme en péril. On connaît l’histoire de ce seigneur que Pierre le Grand avait envoyé visiter l’Allemagne ou l’Italie, et qui, après avoir séjourné dans une des principales villes, revint sans avoir rien vu. Une fois arrivé, il n’avait jamais mis le pied dehors ni ouvert sa porte à personne : il avait ainsi obéi à la fois au tsar et à sa conscience. Il y a encore, en Russie, des sectaires capables de ces scrupules.

L’orthodoxie laissait la Russie en relation avec le monde oriental ; elle ne les unit point par des liens aussi intimes que ceux dont Rome enlaçait les nations catholiques. Le manque d’un pasteur commun n’obligeait pas les peuples orthodoxes à des rapports aussi fréquents ; le défaut d’une langue commune rendait ces rapports moins fructueux en même temps que plus rares.

Une des choses qui, durant le moyen âge, ont le plus favorisé l’éclosion de la civilisation moderne, c’est la possession d’un idiome clérical et savant d’usage international : l’Orient en manqua. L’Église grecque semblait plus en droit qu’aucune autre d’imposer sa langue à ses colonies spirituelles ; n’était-ce pas celle du Nouveau Testament et des Septante ? Elle n’en fit rien, elle laissa à chaque peuple la langue de ses aïeux[3].

Depuis leur conversion, à la fin du dixième siècle, les Russes célèbrent l’office divin en slavon. Les missionnaires grecs qui baptisèrent les Varègues de Vladimir introduisirent chez eux l’idiome créé, au siècle précédent, par les apôtres des Slaves, saint Cyrille et saint Méthode, eux-mêmes, probablement, deux Slaves hellénisés de Thessalonique. Ce slavon ecclésiastique, écrit par les deux frères pour les Slaves de la Grande-Moravie, était, depuis un siècle environ, la langue liturgique des voisins des Russes, les Bulgares, à cette époque le plus redouté et le plus cultivé des peuples slaves. Il leur avait été apporté, avec le christianisme, par les disciples mêmes de Cyrille et de Méthode, lors de l’écroulement de l’Église de Moravie sous l’invasion magyare.

L’empire bulgare, qui s’étendait jusqu’aux portes de Constantinople, servait d’intermédiaire entre la civilisation byzantine et les Slaves serbes ou russes. La littérature religieuse, alors presque partout la seule, y était déjà en honneur et s’alimentait de traductions du grec. Lorsque les missionnaires byzantins du dixième et du onzième siècle voulurent apporter leurs livres aux Russes, ils se servirent naturellement des versions slavonnes en usage parmi les Slaves des Balkans. Longtemps après, la Bulgarie, alors la sœur aînée de la Russie, était encore le principal foyer des lettres slaves orthodoxes. Elle avait succombé sous le cimeterre turc, que sa littérature religieuse continuait à défrayer celle de la Russie[4].

Le slavon d’Église, encore en usage chez tous les Slaves orthodoxes ou grecs-unis, n’est point le père des langues slaves, comme le latin est le père des langues latines. Apparenté surtout au vieux slovène et au vieux bulgare, il n’est qu’une forme ancienne des dialectes de la grande Slavie danubienne, avant que l’irruption des Hongrois l’eût brisée en morceaux en coupant les tribus slaves en peuples isolés. Plus ou moins corrompu par l’ignorance des copistes, le slavon ecclésiastique a subi, en chaque contrée, l’influence de l’idiome local[5]. Demeuré, jusqu’à Pierre le Grand, la langue écrite de la Russie, il est resté celle de l’Église. Dans le dialecte sacré, la piété du peuple trouve une langue assez voisine de la sienne pour lui demeurer transparente, assez différente et assez ancienne pour donner plus de solennité au culte divin.

Tout a-t-il été bénéfice pour la Russie et la civilisation russe dans la substitution du slave cyrillique à une langue liturgique étrangère ? On pourrait croire que l’emploi du slavon, à la place du grec ou du latin, fut avantageux à la langue nationale, à l’éloquence et à la poésie, qui peuvent y puiser des tournures ou des expressions auxquelles l’âge et la religion prêtent une majesté particulière. Les critiques russes l’ont mis en doute. Plusieurs, et non des moindres, ont rendu le slavon d’Église responsable du tardif développement de la langue russe. Ils ont accusé la langue liturgique d’avoir étouffé l’idiome parlé, et tué dans son germe toute littérature nationale populaire[6]. Plus grande était la ressemblance entre elles, plus il était difficile à la langue vulgaire de s’émanciper de la solennelle langue de l’Église. Moins voisines, elles eussent eu moins de peine à se séparer. Étroitement enchaînée à une langue morte, la langue vivante ne pouvait se former et croître librement. Le dialecte sacré tendait à la ravaler au rang de patois inculte. Tandis que, sous le latin des écoles et des clercs, la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne ont eu, dès le douzième ou le treizième siècle, une littérature nationale, en Russie le slavon d’Église ne laissait rien pousser à son ombre.

Et ce n’est ni le seul ni le principal dommage que la liturgie slave ait porté à la civilisation russe. Elle l’a entravée d’une autre manière en aggravant, elle aussi, le mal historique de la Russie, l’isolement. Ce n’est point seulement dans l’espace, en la séparant à la fois de l’Occident et de l’Orient, c’est dans le temps aussi, en la laissant étrangère aux civilisations classiques, que le slavon ecclésiastique a contribué à l’isolement et à la stagnation de la Russie. Privé de littérature et d’histoire, le slavon ne pouvait, comme le grec ou le latin, dont il prenait la place, ouvrir aux Russes l’accès de l’antiquité, et, par là, leur offrir, dans la langue même de l’Église, un instrument d’émancipation. L’emploi du slavon fut une des causes de l’infériorité des clergés slaves, ainsi éloignés des sources chrétiennes en même temps que des sources classiques.

Cette question de l’idiome liturgique, en apparence secondaire, a eu sur le développement de la Russie une influence peut-être égale à l’influence même de l’Église orientale. De combien de siècles eût été retardé le monde germanique, si l’un de ses dialectes, comme le gothique d’Ulphilas, eût, pendant le moyen âge, tenu dans ses églises la place du latin ; si, avant que Luther la rejetât de ses temples, la langue de Rome n’eût préparé l’Allemagne à la Renaissance en même temps qu’à la Réforme ! Il a fallu qu’au latin aient, sans toujours le remplacer, presque partout succédé nos idiomes vulgaires, pour que la Russie fût reliée à l’Europe. Aucun peuple n’a autant cultivé le grand instrument de connaissance du monde moderne, les langues vivantes ; la privation du commerce de l’antiquité classique et du moyen âge latin n’en reste pas moins un des traits qui distinguent les Russes des nations protestantes comme des catholiques.

Le règne du slavon dans l’Église, et longtemps dans la vie civile, a eu en revanche, pour la Russie, un avantage national, politique. L’idiome de Cyrille et de Méthode, en dépit de ses altérations locales, a été un trait d’union entre les peuples slaves orthodoxes. Il a maintenu entre eux la notion de leur communauté d’origine, tandis que l’extréme diffusion du latin a cessé d’en faire un lien de parenté entre les nations néo-latines. Au lieu de son « Gospodi pomiloui », l’Église russe chanterait le Kyrie eleison en grec, qu’il n’y aurait sans doute jamais eu de panslavisme. Si cette chimère venait un jour à prendre corps, la liturgie slave n’y serait pas étrangère. Quand, chez le Serbe et le Bulgare, le slavon cyrillique serait entièrement supplanté par les langues nationales, il n’en aurait pas moins, dans le passé, rendu à la Russie un service inappréciable : il a contribué à empêcher la dénationalisation des Malo-Russes et des Biélo-Russes, sujets de la Lithuanie et de la Pologne, et préparé la réunion de la Petite-Russie et de la Russie-Blanche à la Russie moscovite. Bien plus, comme l’orthodoxie elle-même, il a été un des facteurs de la nationalité russe. À l’intérieur de la Grande-Russie, longtemps couverte de tribus finno-turques, l’idiome sacré donnait à l’élément slave un immense avantage sur les éléments allophyles. La langue de l’Église, a dit Solovief[7], tendait à slaviser les tribus finnoises converties à l’Évangile. Le slavon liturgique a été un instrument de russification ; après huit siècles il l’est encore aujourd’hui. Tout comme les Kniaz de Kief, de Novgorod ou de Vladimir, tout comme les tsars de Moscou, les empereurs de toutes les Russies se servent du rit pravoslave pour affermir leur puissance en Orient et en Occident, sur l’Asie et sur l’Europe. Lorsqu’ils traduisaient la liturgie grecque pour leurs prosélytes slaves et inventaient un alphabet pour cet idiome barbare. Méthode et Cyrille travaillaient, à leur insu, à la grandeur d’un peuple qu’ils ne connaissaient peut-être point de nom.


La langue slavonne, en usage dans la liturgie, peut servir de symbole à la situation de l’Église russe au milieu des autres confessions chrétiennes. Comme les catholiques, les Russes, dans leurs livres sacrés, se servent d’une langue ancienne ; comme les protestants, ils emploient un idiome national, un dialecte hérité de leurs ancêtres slaves, et non emprunté à des hommes d’une autre race. Ressemblant à la fois aux uns et aux autres, ils sont, sur ce point, demeurés également éloignés de Rome et de la Réforme. Il en est de l’Église russe elle-même comme de sa langue liturgique. L’orthodoxie orientale est à une distance presque égale du catholicisme romain et des sectes protestantes qui se disent orthodoxes. Vis-à-vis des deux grands partis qui, depuis le seizième siècle, divisent le christianisme occidental, l’Orient se trouve, à plus d’un égard, dans une situation intermédiaire et comme moyenne. Par sa conception de l’autorité et de l’unité de l’Église, par la liberté de l’interprétation du dogme, par la constitution et la discipline de son clergé, par son mode de gouvernement, ses relations avec l’État et les fidèles, par tout le côté moral et politique du christianisme, par l’esprit, sinon par les pratiques du culte, l’orthodoxie diffère presque autant de Rome que des filles révoltées de Rome. Contrairement à l’opinion vulgaire, elle est peut-être moins voisine de la papauté romaine que des églises épiscopales sorties de la Réforme. Le pauvre prince d’Anhalt, père de Catherine II, n’était pas en réalité aussi dupe qu’il en avait l’air, alors que, pour la conversion de sa fille à l’Église russe, il se laissait persuader que luthéranisme ou culte grec, c’était au fond à peu près la même chose[8].

L’immobilité séculaire de l’Orient explique cette position intermédiaire entre les Églises de l’Occident. Assoupie durant près de mille ans et comme pétrifiée dans ses traditions, pendant que catholiques et protestants développaient chacun leur principe, les uns marchant à droite vers l’autorité et la centralisation, les autres à gauche vers le libre examen et l’individualisme, l’orthodoxie gréco-russe s’est, au sortir de son isolement, réveillée à un intervalle presque égal des deux grands partis dont la rupture a déchiré le monde occidental. Cela ne veut point dire que l’Église d’Orient soit un milieu et comme un compromis entre le catholicisme et le protestantisme ; elle a ses tendances propres, originales, qui la distinguent de l’un et de l’autre, et l’opposent à tous deux à la fois. Il n’en est pas moins vrai que, par certains côtés, elle est à moitié route entre Rome et la Réforme. Ses apologistes l’ont plus d’une fois reconnu, et plusieurs lui en ont fait un mérite[9]. « L’Église orthodoxe, disent-ils, est demeurée au centre du christianisme, également éloignée de ses pôles contraires, parce qu’elle est l’Église primitive, initiale, dont les Occidentaux n’ont dévié que pour aboutir, par deux chemins opposés, à l’autocratie catholique et à l’anarchie protestante. » La torpeur, la léthargie que ses adversaires lui reprochent, ses avocats l’en glorifient sous le nom d’immutabilité ; ils la félicitent d’avoir soustrait l’Église, comme le dogme, à la loi du développement ou du progrès qui régit les choses humaines.

Catholiques et protestants se font illusion lorsqu’ils se représentent l’attitude de l’orthodoxie gréco-russe comme humble et presque honteuse vis-à-vis de ses antagonistes occidentaux. Appuyés sur l’immobilité de leur Église comme sur un roc, ses théologiens contemplent avec une hauteur mêlée de pitié les discussions religieuses de l’Occident. L’accueil fait par les membres de l’Église russe aux offres d’union des vieux-catholiques ou des anglicans est, à cet égard, d’un intérêt singulier. Vis-à-vis des uns ou des autres, les orthodoxes ont toujours été loin de montrer aucun empressement hâtif ; ils ont toujours repoussé tout compromis contraire aux traditions ou aux usages de leur Église.

Entre les protestants et les orthodoxes, entre l’Église anglicane surtout et l’Église russe, il y a eu plusieurs tentatives de rapprochement, et les avances sont d’ordinaire venues de l’Occident. C’est ainsi que, dès le seizième siècle, les luthériens s’adressaient au patriarcat de Constantinople, espérant obtenir du patriarche Jérémie l’approbation de la confession d’Augsbourg, qu’ils avaient, pour lui, fait traduire en grec. Si stériles que soient toujours restés de pareils appels, ils se sont reproduits à des époques plus voisines de nous. C’est naturellement l’Église d’Angleterre et, dans cette Église, l’école historique en réaction contre les influences protestantes, l’école où l’on aime à s’intituler « catholique anglais », qui a le plus caressé ces rêves d’union entre la fille rebelle de Rome et sa sœur séparée d’Orient[10]. De toutes les tentatives de ce genre, la plus digne d’attention est celle d’un théologien d’Oxford, ami du docteur Newman, W. Palmer ; il fit, sous le règne de Nicolas, avec l’approbation de ses chefs ecclésiastiques, un voyage théologique en Russie, moins pour étudier sur place l’Église russe que pour entrer en communion avec elle. Palmer en était arrivé à croire à la presque identité de la doctrine orthodoxe et de la doctrine anglicane ; il ne voyait guère de difficultés que pour le culte des images, sanctionné par le deuxième concile de Nicée. Fort de cette conformité de croyances, le docteur anglais prétendait être admis à la communion par les orthodoxes. Il vit les principaux dignitaires de l’Église russe, sans parvenir à leur faire partager ce point de vue[11]. Aux yeux des prélats russes, pour que les anglicans pussent ainsi entrer en communion avec eux, il eût fallu une entente de la hiérarchie des deux Églises, sinon l’autorisation d’un concile. Par le fait, le manque d’autorité centrale dans l’Église orthodoxe lui rend tout accord de ce genre plus difficile qu’à l’Église catholique, dont l’autorité pontificale peut toujours ouvrir la communion. En consentant à traiter les anglicans comme des orthodoxes, les Russes risqueraient de scandaliser leurs frères d’Orient et de perdre d’un côté ce qu’ils gagneraient de l’autre. Aussi, indépendamment des divergences de doctrine ou de discipline, toute intercommunion des Églises épiscopales de l’Orient et de l’Occident semble, malgré leurs sympathies réciproques, de longtemps malaisée.

Les vieux-catholiques de Suisse ou d’Allemagne n’ont guère été plus heureux dans des efforts analogues. Ils ont eu beau, dans leurs congrès, exprimer l’espoir d’une réunion avec l’Église orientale[12], celle-ci a montré peu d’empressement à leur ouvrir son sein. Elle n’a pas cherché à se créer en Occident des communautés de Latins Unis. Une société de Pétersbourg, composée de laïques et d’ecclésiastiques, la Société des amis de l’Instruction religieuse, s’était, par des écrits et des délégués, mise en rapport avec les vieux-catholiques d’Allemagne. Nul mouvement ne pouvait être plus sympathique aux orthodoxes russes, qui, pour l’infaillibilité papale, ont la même répulsion que les protestants allemands. À toutes les avances des transfuges latins ils n’en ont pas moins répondu avec réserve, sur le ton d’une Église qui a foi dans son principe et ne transige point avec lui. En encourageant ces vieux-catholiques, parfois près de verser en pleine Réforme, les Russes ne leur ont point ménagé les leçons. — Si vous voulez vous unir à nous, leur disait un des inspirateurs des slavophiles, ce n’est point assez de rejeter le dernier concile du Vatican, c’est sur dix siècles de traditions latines qu’il vous faut revenir[13].

Cette Église impassible devant les adversaires qui l’attaquent à la fois, des deux rives opposées, ne peut entièrement échapper à leur influence. Comme toute confession placée dans une position intermédiaire, entre la centralisation catholique et l’individualisme protestant, elle ne saurait manquer de subir une certaine attraction vers l’un ou l’autre des deux pôles du christianisme. Tant qu’elle se fait équilibre, cette double attraction en sens contraire peut, il est vrai, contribuer à la maintenir à distance des deux extrêmes.

Ainsi que l’Église anglicane, l’Église russe est, par sa situation mitoyenne et par les besoins mêmes de la controverse, exposée à deux tendances divergentes : d’un côté, à droite, sinon vers le catholicisme romain, du moins dans la même direction que Rome, vers la concentration de l’autorité et l’ascendant de la tradition, — de l’autre, à gauche, non point précisément vers le protestantisme, mais vers la liberté d’interprétation, vers la foi individuelle et l’émancipation du clergé inférieur ou des laïques. Cette double aimantation remonte aux premiers jours du contact de la Russie avec l’Occident ; c’est un des aspects les moins remarqués et non les moins curieux de l’influence de l’Europe sur la Russie[14]. Sous Pierre le Grand, les deux penchants se personnifient dans les deux membres les plus influents de l’Église, Étienne Iavorski, le suppléant du patriarche dans l’intervalle laissé par Pierre entre la mort du dernier titulaire et l’érection du Saint-Synode, et Théophane Procopovitch, le conseiller du tsar dans sa réforme ecclésiastique. De là, depuis Pierre 1er, deux écoles dans le clergé, l’une mettant davantage en relief l’opposition de l’orthodoxie au catholicisme, l’autre son opposition au protestantisme, — la première prenant dans sa lutte contre Rome une teinte protestante, la seconde une couleur catholique dans ses attaques contre la Réforme[15]. De la controverse, cette double tendance a passé dans les catéchismes et les traités de théologie, parfois même dans les questions de rite et de discipline, les uns se montrant plus strictement conservateurs, les autres moins éloignés des réformes ou des innovations.

Sous le règne de Nicolas et l’administration du comte Protasof, procureur du Saint-Synode, il y eut une réaction contre les influences protestantes qui avaient dominé l’Église durant presque tout le dix-huitième siècle. Le gouvernement s’inspirait en tout du principe d’autorité et de l’idée de tradition ; il n’oublia pas de les relever dans l’Église contre l’école de Procopovitch, le collaborateur spirituel de Pierre le Grand. Les tendances protestantes ou « évangéliques » perçaient dans les écrits des deux plus illustres prélats de la Russie moderne, Platon et Philarète, l’un et l’autre métropolitains de Moscou[16]. L’éloquent Philarète dut, sous Nicolas, remanier son célèbre catéchisme, pour s’écarter davantage des théologiens de la Réforme[17]. L’Église russe a, depuis lors, cessé de s’orienter vers Luther ou vers l’anglicanisme. S’arrêtant dans les voies où l’avaient jetée Pierre le Grand et ses successeurs, elle s’est appliquée à s’en tenir strictement au principe de l’immobilité traditionnelle. Impuissante à supprimer entièrement les deux tendances qui se la disputent, elle a, durant la seconde moitié du dix-neuvième siècle, cherché à les maintenir en équilibre.

Aujourd’hui encore, les idées protestantes n’en sont pas moins en faveur dans une partie du clergé, et souvent dans la plus instruite. Cela s’explique par la fréquentation des écoles et des livres protestants. Le renouvellement des études théologiques, les efforts pour relever le niveau intellectuel du clergé n’y sont pas étrangers. L’esprit de la Réforme s’insinue silencieusement dans les séminaires et les académies ecclésiastiques avec les ouvrages des théologiens allemands. Il en est de même des laïcs, dans les classes éclairées du moins. Beaucoup, et parfois les plus pieux, ne sont, à leur insu, que des protestants ritualistes. En religion, comme en toutes choses, hommes et femmes du monde font, du reste, souvent preuve d’un singulier éclectisme. On en voit, à l’étranger, fréquenter presque indifféremment les diverses églises, appréciant en amateurs impartiaux les prédicateurs des confessions rivales.

L’esprit traditionnel et l’esprit de discipline, qui ont fait sa force, refrènent dans l’Église les penchants novateurs. Le besoin de rester en communion avec l’Orient, la crainte de scandaliser le peuple et de donner de nouvelles forces aux sectes dissidentes, opposent une barrière à l’esprit d’innovation. La cohésion de l’Église sous la main de l’État la préserve du déchirement des factions et des querelles d’écoles. Loin d’en troubler le fond, les courants spirituels qui la traversent en font à peine onduler la surface.

Chez elle, rien d’analogue à l’antagonisme des deux ou trois partis de l’Église anglicane. Les institutions et les mœurs permettraient peut-être encore moins des partis dans l’Église que dans l’État. Si la Russie a son high church et son low church, c’est dans la sourde rivalité de ses deux clergés, le haut clergé monastique et célibataire et le bas clergé pourvu de famille. Sous cette compétition de classes se retrouvent, il est vrai, les deux tendances contraires, le haut clergé, par sa situation et son genre de vie, étant naturellement plus conservateur ou plus aristocratique, le clergé inférieur plus novateur ou plus égalitaire.

Un des épisodes les plus curieux de la lutte, dans l’Église russe, des « protestantisants et des catholicisants », comme disait J. de Maistre, c’est, sans contredit, l’histoire des Sociétés Bibliques. En principe, la position de l’Église orthodoxe vis-à-vis des Écritures est à peu près la même que celle de l’Église latine. Pour toutes deux, l’autorité de la tradition égale l’autorité des livres saints ; l’Écriture ne peut être interprétée que conformément à l’enseignement de l’Église, aux Conciles et aux Pères[18]. Dans la pratique, le dogme étant moins défini, la tradition n’ayant pas pour la confirmer de souverain pontife, l’interprétation reste plus libre pour les orthodoxes. Le slavon ecclésiastique étant beaucoup moins éloigné de l’idiome populaire que ne l’est le latin de nos langues néo-latines, la question de la traduction des Écritures en langue vulgaire ne pouvait, en Russie, avoir la même importance qu’en Occident. Longtemps le peuple même préféra lire l’Évangile dans la langue hiératique. Bien qu’il n’eût pas pour cela les mêmes raisons que les Grecs, la version en dialecte populaire lui semblait dégrader et comme profaner le texte sacré.

Chez les Russes, de même que chez les Grecs, la pratique, à cet égard, a plus d’une fois varié. D’un côté, le désir de se distinguer des Latins s’est joint aux influences protestantes pour encourager les traductions en langue vulgaire ; d’un autre côté, la hiérarchie était retenue par la crainte de prêter aux nouveautés et de fournir un aliment aux ignorantes sectes de la Grande-Russie. C’est sous Alexandre Ier, le mystique ami de Mme de Krüdener, que le peuple fut invité à recevoir la Bible dans sa langue. Il est vrai que, dans cette nation de serfs, bien peu encore savaient lire. Chez les rares moujiks ou les petits marchands un peu lettrés, les Vies des saints, les livres d’heures et quelques traités des Pères, joints à des apocryphes de toute sorte, étaient alors plus répandus que les deux Testaments, exception faite du Psautier, de tout temps un des préférés de la dévotion russe. En certaines régions, le peuple considérait même comme un péché de garder chez soi les Évangiles : l’église seule lui semblait digne d’abriter les livres sacrés.

Les sociétés bibliques anglaises avaient, dès 1812, essayé d’établir des succursales en Russie : elles y parvinrent en 1813. L’empereur Alexandre Ier se fit inscrire parmi les membres de la Société biblique russe ; le prince Alex. Galitzine, ministre des cultes, en fut le président. Sous un tel patronage, en un pays aussi épris de tout ce qui est officiel, une pareille œuvre devait prendre une extension rapide. Près de trois cents sociétés affiliées couvrirent en peu de temps la surface de l’empire. Un moment, on vit un archevêque catholique y siéger à côté de prélats orthodoxes et des zélateurs de l’illuminisme alors en vogue. La Bible, traduite en vingt langues différentes, fut distribuée par centaines de milliers d’exemplaires : une version française était destinée au beau monde. Sous le couvert des deux Testaments, les promoteurs de l’entreprise, des missionnaires anglicans, espéraient voir l’esprit de la Réforme s’insinuer peu à peu dans l’Église russe. Des membres du clergé s’en effrayèrent. Aussi la Société biblique russe n’eut-elle qu’une courte existence. Son puissant patron, le mobile Alexandre Ier, la prit lui-même en suspicion. Le prince Galitzine fut obligé d’abandonner la présidence au métropolitain de Pétersbourg, Séraphim. Elle eut beau être épurée, la Société ne survécut pas à l’empereur Alexandre. Un des premiers actes de Nicolas fut de la dissoudre[19] (1826).

Pour apprécier le rôle de la Société biblique et les querelles suscitées par elle, il importe de se rappeler qu’à la même époque les Jésuites, recueillis par Catherine, élevaient dans leurs collèges une partie de la jeunesse russe, tandis que Joseph de Maistre et les émigrés français introduisaient dans certains salons les idées catholiques. Les influences étrangères en lutte à Pétersbourg atteignaient jusqu’à la religion. Sous les souffles du dehors, deux courants opposés agitaient la surface d’une Église d’ordinaire stagnante. L’autorité ecclésiastique et civile ne pouvait manquer de s’en inquiéter. Entre les Jésuites d’un côté et la Société biblique de l’autre, la vieille orthodoxie semblait prise entre deux feux ; l’étranger menaçait la sainte Russie d’une double invasion. Le gouvernement autocratique, de sa nature défiant de toute impulsion indépandante, ne pouvait longtemps voir remuer des idées qui risquaient de troubler le calme habituel de l’Église. Il en assura le repos en frappant, à peu d’intervalle, les foyers des deux tendances contraires, la Société biblique et la Compagnie de Jésus. La première semblait triompher avec la fermeture des collèges des Pères ; elle fut dissoute peu de temps après leur exil. C’est ainsi que, selon le procédé russe, le gouvernement fit la paix en faisant le silence.

Depuis la suppression de la Société biblique, le Saint-Synode russe s’est singulièrement rapproché des pratiques de l’Église romaine. S’il encourage la diffusion de l’Évangile et du Nouveau Testament en langue vulgaire, il n’en est pas de même de l’Ancien Testament[20]. Tout comme chez les catholiques, le livre des Psaumes est le seul qui fasse exception. Les Psaumes ont, de tout temps, été fort populaires en Russie. Dans certaines contrées, on croyait qu’en lisant quarante fois le psautier on obtenait la rémission des plus grands péchés. On s’en sert aussi, particulièrement du psautier slavon, pour dire la bonne aventure.

De même encore que l’Église romaine, le Saint-Synode de Pétersbourg veille avec un soin jaloux sur la traduction des livres saints. Il s’est fait réserver le monopole des versions russes, même pour les protestants, les catholiques ou les juifs. Admet-il des Nouveaux Testaments imprimés à l’étranger, c’est toujours sur une version approuvée par lui.

Il s’est reformé sous Alexandre II, en 1863, une « Société pour la propagation de l’Écriture sainte ». Elle dure encore aujourd’hui. Comme l’ancienne Société biblique, bien qu’à un moindre degré, elle jouit du patronage officiel ; mais, à tout autre égard, elle diffère de sa fameuse devancière. Les seuls livres qu’elle cherche à répandre sont les Psaumes et le Nouveau Testament, surtout l’Évangile. Ses ressources sont minimes ; une bonne partie lui vient des protestants du dehors. En une vingtaine d’années, elle n’avait guère écoulé qu’un million de volumes. Aujourd’hui elle en répand cent mille par an. En outre, elle est autorisée à distribuer les exemplaires que lui envoient les opulentes sociétés bibliques de Londres et des États-Unis. La Société russe emploie pour sa propagande des procédés américains. Elle a ses colporteurs à la foire de Nijni, comme ses comptoirs aux expositions de Moscou ; et sa marchandise trouve bon accueil auprès du peuple. Ses membres se servent aussi volontiers des chemins de fer. J’ai moi-même rencontré en wagon des dames qui, d’une main, me présentaient un tronc pour leur œuvre, et de l’autre, des évangiles russes ou slavon[21].

Si la Bible est toujours rare en Russie, plus rare peut-être que certains apocryphes, il n’en est pas de même du Nouveau Testament. Ce dernier y est probablement plus répandu qu’en aucune autre contrée de l’Europe, sauf les pays protestants. L’Évangile est sans conteste le livre le plus goûté du Russe ; on le trouve chez l’ouvrier comme chez le paysan. Le moujik lettré le lit aux autres ; chacun des progrès de l’enseignement populaire lui vaut de nouveaux lecteurs. Le menu peuple y puise tout ce qu’il possède d’instruction religieuse ou morale. On ne saurait nier l’influence de ce petit livre sur l’âme russe. En dépit de son ignorance et de ses superstitions, la foi du peuple mérite le nom d’évangélique si, pour cela, il suffit d’être nourri de la moelle de l’Évangile.



  1. Voyez Les catholiques libéraux, l’Église et le libéralisme (Plon, 1885), p. 285-288.
  2. Sur la situation de l’Église russe vis-à-vis de l’État et de l’autocratie, voyez ci-dessous, chapitre vi.
  3. S’il se retrouve dans quelques anciennes inscriptions, à Sainte-Sophie de Kief par exemple, le grec, en Russie, n’a guère persisté que dans certains sigles ou initiales de l’iconographie, à côté de la tête du Christ ou de la Vierge notamment.
  4. Voyez l’Histoire des littératures slaves de M. Pypine et la Bulgarie de M. L. Léger.
  5. On distingue ainsi, dans les manuscrits slavons, trois formes on rédactions principales : la bulgare, la plus ancienne, la serbe et la russe.
  6. Ainsi, par exemple, Nadejdine, en cela suivi par Pypine (voyez le Vestnik Europy, juin 1882).
  7. Shornik Gosoud, Znanii, tome VII (1879).
  8. Voyez l’étude de M. A. Rambaud sur Catherine II : Revue des Deux Mondes du 1er février 1874.
  9. Par exemple, Samarine, Iésouity i ikh otnochénié k Rossii, p. 363, et, chez les Grecs, Nicolas Domalas, dans l’ouvrage intitulé Peri arxôn, Leipzig, 1865.
  10. Les anglicans de toute nuance ont, dès longtemps, manifesté leur intérêt pour l’Église orientale ; il leur a inspiré de nombreux travaux, parmi lesquels on peut citer ceux de J. Neale History of the hohy Eastern Church, 4 vol.) et de Stanley, le célèbre doyen de Westminster (Lectures on the history of the Eastern Church).
  11. Palmer a laissé le récit de cette curieuse négociation dans des notes de voyage, imprimées quarante ans plus tard par les soins de son ami le cardinal Newman : Notes of a visit to the Russian Church.
  12. Dès leur premier congrès, notamment, à Munich, en 1871.
  13. Khomiakof, Brief an Döllinger von einem Laien der russischen orthodoxen Kirche. Berlin, 1872.
  14. Le même phénomène se rencontre, quoique à un moindre degré, dans l’Église grecque proprement dite. C’est ainsi qu’au dix-septième siècle les tendances calvinistes du patriarche Cyrille Loucaris ont agité toute la hiérarchie orientale.
  15. Voyez à ce sujet l’introduction de Samarine aux œuvres de Khomiakof.
  16. Platon, mort en 1812 ; Philarète, mort en 1832.
  17. Le catéchisme de Philarèle a été traduit en allemand, sur la 59e édition russe, et publié on appendice d’une traduction de l’Histoire de l’Église russe d’un autre Philarète, archevêque de Tchernigof.
  18. Un point à remarquer, c’est que chez les Orientaux, chez les Grecs notamment, le nombre des livres canoniques n’a pas été aussi nettement fixé que chez les catholiques ou chez les protestants. L’Église russe est, aujourd’hui du moins, d’accord avec les réformés pour rejeter comme apocryphes les livres de l’Ancien Testament considérés comme tels par les Juifs.
  19. Toute cette histoire a été racontée, au point de vue protestant, par le principal agent des Missions anglaises en Russie, le Dr Pinkerton : Russia or Miscellaneous observations, 1833. On trouve dans le même ouvrage de curieux témoignages des penchants « évangéliques » de Philarète et de son maître Platon. Cf. Fürst Alex, Nik, GaliUin und seine Zeit, aus der Erlebnissen von P. von Gœtze (1885).
  20. Le patriarcat de Constantinople procède à peu près de la même manière. Ce n’est qu’en 1817 qu’il a autorisé l’impression du Nouveau Testament en grec moderne ; et si, un peu plus tard, il permettait également la traduction de l’Ancien Testament, cette dernière donna lieu à de vives polémiques.
  21. D’après les comptes rendus de la Société que j’ai sous les yeux, sur près de 100 000 volumes écoulés par elle en une année, le nombre des Anciens Testaments ne dépasse guère 200. La plupart des exemplaires, les neuf dixièmes, sont en russe, le reste en russe et slavon. Il semble en résulter qu’aujourd’hui, en dehors des sectaires appelés vieux-croyants, l’homme du peuple préfère lire l’Évangile en langue vulgaire.