L’Edda de Sæmund-le-Sage/Le second Poème sur Helge, le vainqueur de Hunding

anonyme
Traduction par Mlle Rosalie du Puget.
Les EddasLibrairie de l’Association pour la propagation et la publication des bons livres (p. 305-308).

IV

LE SECOND POÈME SUR HELGE

LE VAINQUEUR DE HUNDING




Le roi Sigmund Vœlsungsson possédait Borghild de Brôlun ; ils nommèrent leur fils Helge d’après Helge Hjœrvardsson[1]. Le jeune prince fut élevé par Hagal. Hunding était un roi fort riche ; il a donné son nom au Hundland. C’était en même temps un guerrier célébré, et il avait beaucoup de fils, tous occupés d’expéditions lointaines. La discorde et l’inimitié régnaient entre Sigmund et Hunding, ils tuaient réciproquement leurs parents ; le roi Sigmund et sa race portaient le nom de Vœl et d’Ilfing. Helge espionna secrètement la cour de Hunding, et Hœming était le fils de ce dernier. Lorsque Helge retourna chez son père, il rencontra un jeune garçon qui menait paître les troupeaux, et chanta :


1. Dis à Hæming que le guerrier couvert de la cotte de mailles, ce loup gris assis dans votre salle, et que le roi Hunding supposait être Hamal, est Helge.

(Hamal était le fils de Hagal. Le roi Hunding envoya des guerriers vers Hagal pour chercher Helge ; ce dernier, n’ayant pas d’autre moyen de se tirer d’embarras, prit des vêtements de servante et s'en fut moudre. On chercha donc Helge sans le trouver ; alors Blinder la rusée chanta.)

2. « L’esclave de Hagal, qui est dans le moulin, a les yeux bien pénétrants ; elle ne sort pas d’une race de paysan. Les meules se brisent, le panier se remplit ; quand le roi est obligé de moudre de l’orge, le guerrier peut se plaindre de sa destinée. La poignée d’un glaive conviendrait bien mieux à cette main que la roue d’un moulin. »

hagal chanta.

3. « Lorsque la meule est tournée par une fille de roi, il n’est pas étonnant que le panier se remplisse. Cette esclave planait au-dessus des nuages, et aurait pu combattre comme un pirate ; mais Helge lui a donné des fers. Elle est sœur de Hœgne et de Sigar ; c’est pourquoi la fille d’Yfing a les yeux si pénétrants. »

(Helge s’échappa et se rendit sur les navires de guerre. Il tua le roi Hunding et fut appelé depuis Helge, le vainqueur de Hunding. Il se tenait avec son armée à Bruna-Vôg, tua en ce lieu des bestiaux et mangea bien. Hœgne était un roi dont la fille se nommait Sigrun ; elle était valkyrie et chevauchait dans l’espace et les mers ; c’était Svava, née de nouveau. Sigrun chevaucha vers les navires de Helge et chanta.)

sigrun.

4. À qui appartiennent ces navires flottants près de la côte ? Chefs, où est votre patrie ? qu’attendez-vous ici ? où allez-vous ?

helge chanta.

5. Cette flotte appartient à Hamal ; notre patrie est l’île de Hlessœ, nous attendons le vent d’Orient.

sigrun chanta.

6. Prince, où as-tu réveillé Hildur[2] et rassasié les oiseaux frère du combat ? Comment se fait-il que ta cotte de mailles est tachée de sang ? Pourquoi mange-t-on la chair crue sous le casque ?

helge chanta.

7. Le descendant d’Ylfing s’est nourri ainsi près de la mer de l’occident, après avoir pris l’ours du bosquet de Brage et nourri les aigles avec la récolte des javelots. Maintenant, jeune fille, je t’ai dit pourquoi nous avons mangé de la chair crue sur le rivage.

sigrun.

8. Tu annonces la guerre, et le roi Hunding s’évanouit sous les coups de Helge : dans la mêlée, vous avez vengé vos morts, et le tranchant du glaive était taché de sang.

helge.

9. Comment sais-tu, vaillante jeune fille, que nous avons vengé nos morts ? Ces braves fils du combat sont nombreux, et leur souvenir est vif dans la mémoire des hommes de notre race.

sigrun.

10. Je n’étais pas loin, prince du javelot ! tu as donné la mort à bien des chefs. Je tiens le fils de Sigmund pour un sage, puisqu’il sait raconter la bataille en termes choisis.

11. Je t’ai vu déjà une fois, lorsque tu habitais sur tes longs navires à la proue sanglante, devant lesquels folâtraient les vagues bleues et froides. Le héros cherche maintenant à me faire prendre le change, mais la fille de Hœgne le connaît.


  1. C’est à-dire fils de Hjœrvard ; la terminaison son ajoutée aux noms propres suédois a presque toujours cette signification. (Tr.)
  2. La guerre. (Tr.)