Librairie Hachette et Cie (p. 86-102).


VII

UN AMI SAUVÉ.


L’après-midi se passa en conversations et promenades ; mais on évita d’aller du côté de l’auberge Bournier. Ce ne fut qu’après le souper, quand il commença à faire nuit, que Moutier, accompagné de Jacques, se dirigea de ce côté pour tâcher d’avoir des nouvelles du pauvre Torchonnet. Ils firent un grand détour pour arriver par les derrières de l’auberge ; Moutier marchait, guidé par Jacques, dans les sentiers et les ruelles les plus désertes. Ils arrivèrent ainsi jusqu’aux bâtiments qui servaient de communs. Tout était sombre et silencieux ; les portes étaient fermées. Pas moyen de pénétrer dans l’intérieur. Un hangar ouvert leur permit d’approcher ; ils y étaient depuis quelques instants, cherchant un moyen d’arriver jusqu’à Torchonnet, lorsqu’une porte de derrière s’ouvrit. Un homme en sortit sans bruit ; Moutier reconnut l’aubergiste, faiblement éclairé par la lanterne sourde qu’il tenait à la main. Il se dirigea vers le charbonnier, séparé du hangar par une cloison en planches ; il en ouvrit la porte avec précaution et entra.

« Voilà ton souper que je t’apporte, dit-il d’une voix rude, mais basse. L’étranger est parti ; demain tu reprendras ton ouvrage, et si tu as le malheur de raconter un mot de ce que tu as vu et entendu, de dire à n’importe qui comme quoi tu as été enfermé ici pendant que l’étranger était à l’auberge, je te briserai les os et je te brûlerai à petit feu… Entends-tu ce que je te dis, animal ?

— Oui, monsieur, » répondit la voix tremblante de Torchonnet.

L’aubergiste sortit, referma la porte et rentra dans la maison.

Quand Moutier fut bien assuré qu’on ne pouvait pas l’entendre, il s’approcha de la cloison et dit à Jacques d’appeler Torchonnet à voix basse.

« Torchonnet, mon pauvre Torchonnet, dit Jacques, pourquoi es-tu enfermé dans ce trou noir ?

TORCHONNET.

C’est vous, mon bon Jacques ? Comment avez-vous su que ce méchant homme m’avait enfermé ? Je ne sais pas pourquoi il m’a mis ici.

JACQUES.

Depuis quand y es-tu ?

TORCHONNET.

Depuis le jour où est arrivé un beau monsieur, dans une belle voiture, avec une cassette pleine de choses d’or. Il a eu pitié de moi ; il a dit à mon maître que j’avais l’air malade et malheureux. Il lui a proposé de donner de l’argent pour me placer ailleurs ; mon maître a refusé. Alors ce bon monsieur m’a donné une pièce d’or en me disant d’aller lui acheter pour un franc de tabac et de garder le reste pour moi. Mon maître m’a suivi, m’a arraché la pièce d’or avant que j’eusse seulement eu le temps de sortir dans la rue. J’ai voulu crier ; il m’a saisi par le cou, m’a entraîné dans ce charbonnier et m’a jeté dedans en me disant que, si j’appelais, il me tuerait. Il m’apporte tous les soirs un morceau de pain et une cruche d’eau.

MOUTIER.

Pauvre garçon ! »

La voix de Moutier fit tressaillir Torchonnet.

TORCHONNET.

Mon Dieu ! mon Dieu ! Il y a quelqu’un avec vous, Jacques ? Mon maître le saura ; il dira que j’ai parlé, et il me tuera.

MOUTIER.

Sois tranquille, pauvre enfant ! C’est moi qui t’ai aidé, il y a trois ans, à porter ton sac de charbon ; je suis l’ami, le père de Jacques, et je ne te trahirai pas. Quand le monsieur est-il parti ?

TORCHONNET.

Le maître dit qu’il est parti, mais je ne crois pas ; car j’ai entendu ce soir la voix du monsieur, qui parlait très-haut, puis mon maître qui jurait, et puis beaucoup de bruit comme si on se battait, et puis le frère et la femme de mon maître qui parlaient très-fort, puis rien ensuite, et il est venu m’apporter mon pain. »

Moutier frémissait d’indignation. « Auraient-ils commis un crime ? se demanda-t-il, ou bien se préparent-ils à en commettre un ? Comment faire pour l’empêcher, s’il n’est déjà trop tard ? Tout est fermé… Impossible d’entrer sans faire de bruit… Ce n’est pas que je les craigne ! Avec mon poignard algérien et mes pistolets de poche, j’en viendrais facilement à bout ; mais, si le pauvre étranger vit encore, ils le tueront avant que je puisse briser une porte et entrer dans cette caverne de brigands. Que le bon Dieu m’inspire et me vienne en aide ! Chaque minute de retard peut causer la mort de l’étranger. »

Moutier se recueillit un instant et dit à Jacques :


L’aubergiste sortit à pas de loup. (Page 90.)

« Rentre à la maison, mon enfant ; tu me gênerais dans ce que j’ai à faire.

JACQUES.

Je ne vous quitterai pas, mon bon ami. Je crois que vous voulez voir s’il y a quelque chose à craindre pour l’étranger, et je veux rester près de vous pour vous venir en aide.

MOUTIER.

Au lieu de m’aider, tu me gênerais, mon garçon. Va-t’en, je le veux… Entends-tu ? je te l’ordonne. »

Ces derniers mots furent dits à voix basse comme le reste, mais d’un ton qui ne permettait pas de réplique ; Jacques lui baisa la main et partit. À peine était-il assez éloigné pour qu’on n’entendît plus ses pas, au moment où Moutier allait quitter le hangar sombre qui l’abritait, la porte de l’auberge s’ouvrit encore une fois ; l’aubergiste Bournier sortit à pas de loup, écouta, et, se retournant, dit à voix basse :

« Personne ! pas de bruit ! Dépêchons-nous ; la lune va se lever, et notre affaire serait manquée. »

Il rentra, laissant la porte ouverte ; Moutier s’y glissa après lui, le suivit, et s’arrêta en face d’une chambre dans laquelle entra l’aubergiste. Une faible lumière éclairait cette pièce ; un homme était étendu par terre, garrotté et bâillonné. Le frère et la femme de Bournier le soulevèrent par les épaules, l’aubergiste prit les jambes, et tous trois s’apprêtaient à se mettre en marche, quand Moutier bondit sur eux, et cassa la cuisse de l’aubergiste d’un coup de pistolet, brisa le crâne du frère avec la poignée de ce pistolet, et renversa la femme d’un coup de poing sur la tête. Tous trois tombèrent ; l’aubergiste seul poussa un cri en tombant. Moutier le roula dans un coin, sans avoir égard à ses hurlements, coupa avec son poignard les cordes qui attachaient le malheureux étranger, arracha le mouchoir qui l’étouffait, garrotta l’aubergiste, courut dans la salle d’entrée, ouvrit la porte qui donnait sur la rue et tira un coup de pistolet en l’air en criant :

Tous trois tombèrent. (Page 90.)

« Au voleur ! à l’assassin ! »

Une douzaine de portes s’ouvrirent, des têtes épouvantées apparurent.

« Par ici, à l’auberge ! cria Moutier. Arrivez vite ; il n’y a plus de danger. »

Cette assurance donna du courage aux plus hardis. Quelques hommes armés de couteaux et de bâtons se dirigèrent, non sans trembler, vers l’auberge ; ils entrèrent avec hésitation dans la salle et se groupèrent près de la porte, n’osant avancer, dans l’incertitude des dangers qu’ils pouvaient courir encore et dans l’ignorance des événements qui se passaient.

Pendant qu’ils hésitaient et se consultaient, Elfy entra précipitamment ; elle avait entendu le coup de pistolet, l’appel de Moutier, et accourait en appelant les gens du village pour le secourir, ainsi que Jacques qu’elle croyait encore avec Moutier.

ELFY.

Que se passe-t-il ici ? Pourquoi restez-vous dans la salle ? Où est M. Moutier ? Pourquoi n’entrez-vous pas dans les appartements ?

un brave.

C’est que voyez-vous, mademoiselle Elfy, on ne sait pas ce qui peut arriver ; ce n’est pas prudent de se trop avancer sans savoir à qui on a affaire. Ce Bournier est un mauvais gueux ! On n’aime pas à se faire des querelles avec des gens comme ça.

ELFY.

Et vous laissez peut-être égorger quelqu’un de peur d’attraper un coup ou de vous faire un ennemi ? Moi, femme, j’aurai plus de courage que vous. »

Elfy, arrachant un couteau des mains d’un des trembleurs indécis, se précipita dans les chambres qui se trouvaient près de la salle en appelant : « Monsieur Moutier, où êtes-vous ? Où est Jacques ? Que vous est-il arrivé ? On vient à votre aide ! » Elle ne tarda pas à entrer dans la pièce où étaient étendus l’aubergiste garrotté, le frère ne donnant aucun signe de vie, la femme évanouie. Moutier jetait de l’eau sur le visage saignant de l’étranger, qui était resté par terre ; il ignorait s’il n’y avait aucune blessure grave et si le sang dont il avait le visage inondé provenait d’une blessure ou d’un fort saignement de nez. À la voix d’Elfy, il se releva, et, allant à elle :

« Ma bonne, ma chère Elfy, je suis désolé de vous voir ici ; n’y restez pas, je vous en prie. Envoyez-moi du monde. Pourquoi êtes-vous venue ?

ELFY.

J’avais entendu le coup de pistolet et votre voix, je craignais qu’il ne vous fût arrivé malheur, et je suis accourue. Ils sont là dans la salle une douzaine d’hommes, mais ils n’osent pas entrer ; alors je suis venue.

— Sans avoir égard au danger ! Je n’oublierai pas cela, Elfy ! dit Moutier lui serrant affectueusement les mains. Non, jamais !… Mais, puisque vous voilà, appelez-moi du monde ; il faut soigner ces gueux-là, aller chercher les gendarmes et tirer d’ici ce pauvre monsieur qu’ils ont voulu tuer pour le voler sans doute. J’avais renvoyé Jacques près de vous avant d’entrer. »

Elfy, sans faire de questions, retourna à la salle, dit brièvement aux hommes ce que Moutier leur demandait, et retourna en toute hâte à l’Ange-Gardien pour rassurer sa sœur, qui était restée avec Paul. Elfy rencontra à la porte de l’auberge de Bournier le petit Jacques qui accourait aussi tout effrayé ; il avait entendu le coup de pistolet, et il se dépêchait d’arriver au secours de son ami. Il avait été retardé par le chemin plus long qu’il avait dû prendre pour revenir au village. Elfy lui expliqua en peu de mots ce qui venait d’arriver, et le ramena avec elle, pensant qu’il gênerait Moutier plus qu’il ne lui servirait.

Les hommes qu’Elfy avait trouvés tremblants dans la salle de l’auberge déployèrent un courage héroïque, aussitôt qu’ils eurent appris par Elfy où en étaient les choses et le genre de secours que leur demandait Moutier. Ils se lancèrent bruyamment dans la chambre où gisaient les blessés, et s’empressèrent d’offrir au vainqueur l’aide de leurs bras pour terrasser ses ennemis.

MOUTIER.

Quant à cela, Messieurs, je ne vous ai pas laissé d’ouvrage, les voilà tous par terre ; mais il faut que vous m’aidiez à les loger, aux frais de l’État, dans la prison de la ville la plus proche. Je ne suis ici qu’en passant ; je n’y connais personne. Et puis vous voudrez bien, quelques-uns de vous, m’aider à transporter le pauvre étranger qu’ils ont voulu égorger et qui n’a pas encore repris connaissance ; pour celui-là, c’est un médecin qu’il faut et de bons soins. »

Les vaillants habitants se mirent à la disposition de Moutier, dont l’habit militaire, la croix et les galons de sergent les disposaient au respect. Il en dépêcha deux à la ville pour requérir les gendarmes ; il donna à quatre autres la garde des malfaiteurs, avec injonction de garrotter la femme et son frère. Il en envoya un demander à madame Blidot si elle pouvait recevoir l’étranger, et il garda les autres pour l’aider à faire revenir le blessé et pour aller délivrer Torchonnet dont il indiqua la prison. Madame Blidot ne fit pas attendre la réponse.

« Tout ce que vous voudrez et quand vous voudrez, vous fait dire madame Blidot, monsieur le sergent. Tout sera prêt pour recevoir votre monsieur. »


Aidé de trois hommes vigoureux, il l’emporta.

Moutier posa un matelas par terre, étendit dessus l’étranger ; aidé de trois hommes vigoureux, il l’emporta ainsi et le déposa chez madame Blidot, dans la chambre et sur le lit qu’elle leur indiqua. Elle aida Moutier à lui enlever ses vêtements, à laver le sang figé sur son visage et qui le rendait méconnaissable. Quand il fut bien nettoyé, Moutier le regarda ; il poussa une exclamation de surprise.

« Quelle chance, ma bonne madame Blidot ! Savez-vous qui je viens de sauver du couteau de ces coquins ? Mon pauvre général prisonnier ! c’est lui ! Comment diantre a-t-il été se fourrer par là ? Le voilà qui ouvre les yeux ; il va revenir tout à fait. »

En effet, le général reprenait connaissance, regardait autour de lui, cherchait à se reconnaître ; il examinait madame Blidot. Il ne voyait pas encore Moutier, qui s’était effacé derrière le rideau du lit ; mais quand le général demanda : « Où suis-je ? Qu’est-il arrivé ? » Moutier se montra et, lui prenant la main :

« Vous êtes ici chez mes bonnes amies, mon général. Le brigand chez lequel vous étiez descendu a la cuisse cassée, son frère a le crâne défoncé, et la femme a reçu un coup d’assommoir dont il lui restera quelque chose si elle en revient.

LE GÉNÉRAL.

Comment ! encore vous, mon brave Moutier ? C’est pour vous que je suis venu me fourrer dans ce guêpier, et c’est vous qui m’en tirez, qui êtes encore une fois mon brave sauveur ?

MOUTIER.

Trop heureux, mon général, de vous avoir rendu ce petit service. Mais comment est-ce pour moi que vous avez pris vos quartiers chez ces coquins ? »

Avant de répondre, le général demanda un verre de vin ; il l’avala, se sentit remonté et dit à Moutier :

« Vous m’aviez dit que vous vouliez passer par ici pour voir vos bonnes amies et les enfants ; j’ai voulu vous épargner la route par étapes d’ici jusqu’aux eaux de Bagnoles, et je suis venu vous attendre chez ce scélérat qui a si bien manqué m’égorger.

MOUTIER.

Comment ont-ils fait pour s’emparer de vous ? Et pourquoi voulaient-ils vous tuer ?

LE GÉNÉRAL.

Nous avons eu une querelle au sujet d’un pauvre petit diable qui avait l’air si malheureux, si malade, si terrifié, que j’en ai eu compassion. Je lui ai donné une commission et vingt francs pour en payer un, le surplus pour lui. Le fripon d’aubergiste a volé les vingt francs, car je n’ai plus revu l’enfant. Je lui en ai reparlé le lendemain. J’ai su que l’enfant était le fils d’une mendiante, qui l’a laissé à l’aubergiste pour l’aider dans son ouvrage ; j’ai vu que l’enfant devait être traité fort durement. J’ai demandé à payer son apprentissage quelque part ; le coquin a refusé. J’ai dit que j’irais le demander au maire de l’endroit ; il est entré en colère et m’a parlé grossièrement. J’avais eu la sottise de lui laisser voir ma bourse pleine d’or, des billets de banque et des bijoux dans ma cassette, et je lui dis qu’il avait perdu par sa grossièreté une bonne occasion d’avoir quelques milliers de francs. Il s’est radouci, m’a dit qu’il acceptait le marché ; j’ai refusé à mon tour, et j’ai tout remis dans ma cassette. L’homme m’a lancé un regard de démon et s’en est allé. Une heure après, la femme m’a fait passer dans une petite salle éloignée et m’a apporté mon déjeuner ; le mari est rentré comme je finissais. Je n’y ai pas fait attention. J’ai entendu qu’en sortant, ils fermaient la porte à double tour.


Pas moyen de sauter dehors. (Page 100.)


J’ai sauté sur la porte, j’ai secoué, j’ai poussé, j’ai appelé ; personne et pas moyen d’ouvrir. J’ai été à la fenêtre, j’ai ouvert ; pas moyen de sauter dehors : des barreaux de fer énormes et serrés à n’y pas passer un écureuil. J’ai crié comme un sourd, mais aussitôt les volets se sont fermés ; j’ai entendu barricader au dehors. Pour le coup, la peur m’a pris ; j’étais là comme dans une souricière. Pas d’armes ! je n’en avais pas sur moi, et ils avaient enlevé le couvert et les couteaux. Je criais ; c’est comme si j’étais resté muet. Personne ne m’entendait. Que faire ? Attendre ? C’est ce que j’ai fait. Il faudra bien qu’ils m’apportent à manger, pensais-je ; en me mettant près de la porte, je m’élancerai dehors dès qu’elle sera entr’ouverte. J’attendis longtemps, et, quand on vint, ce ne fut pas la porte qui s’entr’ouvrit, mais le volet ; on me passa des tranches de pain.

« Il y a de l’eau dans la carafe, » dit la voix de l’aubergiste, et le volet se referma.

« Je restai ainsi deux jours fatigué à mourir, n’ayant qu’une chaise pour me reposer, du pain et de l’eau pour me nourrir, horriblement inquiet de ce qui allait m’arriver ; je bouillonnais quand je pensais que vous étiez peut-être ici, à cinq cents pas de moi et ne pouvant me porter secours. Enfin, le troisième jour, j’entendis un mouvement inaccoutumé du côté de la porte ; je repris mon poste, prêt à me jeter sur le premier qui paraîtrait. En effet, j’entends approcher, la clef tourne dans la serrure, la porte s’ouvre lentement ; l’obscurité de ma prison ne leur permettait pas de me voir. J’attends que l’ouverture de la porte soit assez large pour me laisser passer, et je me lance sur celui qui entre ; je reçois un coup de poing dans le nez. Le sang jaillit et me gêne la vue, ce qui ne m’empêche pas de chercher à me faire jour ; mais ils étaient plusieurs, à ce qu’il paraît, car je sentais les coups tomber comme grêle sur ma tête, sur mon dos et surtout sur mon visage. Le sang m’aveuglait ; je ne voyais plus où j’étais. J’appelle, je crie au secours ; les coquins jurent comme des templiers et parviennent enfin à me jeter par terre. L’un d’eux saute sur ma poitrine, pendant que d’autres me garrottent les pieds, les mains, et m’enfoncent dans la bouche un mouchoir qui m’étouffait. J’ai bientôt perdu connaissance, et je ne sais pas comment j’ai été délivré ni comment vous avez pu deviner le danger où je me trouvais.

MOUTIER.

Je vous raconterai cela, mon général, quand vous vous serez reposé ; vous avez l’air fatigué. Il vous faut un médecin, et je vais l’aller chercher.

LE GÉNÉRAL.

Je ne veux rien que du repos, mon ami. Pas de médecin, pour l’amour de Dieu ! Laissez-moi dormir. La pensée que je me trouve ici, chez vos bonnes amies et près de vous, me donne une satisfaction et un calme dont je veux profiter pour me reposer. À demain, mon brave Moutier, à demain. »

Le général avala un second verre de vin, tourna la tête sur l’oreiller et s’endormit.