L’Au delà et les forces inconnues/Note de l’Auteur
ET LES FORCES INCONNUES
Ce livre aurait pu se passer de commentaire, il dit suffisamment par lui-même ce qu’il est, son but. Il essaie de porter les questions de l’Au delà et des forces inconnues sur un terrain respectable et nouveau. Le grand public et les scientistes sont appelés à se méfier, — sinon toujours de la sincérité, — au moins de l’esprit critique propre aux spécialistes du mystère. Si les apparitions, la télépathie, les pressentiments, les dédoublements de la personnalité, les oracles des tables ou des mains automatiques, l’extériorisation des forces nerveuses et de la pensée, les miracles de la suggestion, de l’auto-suggestion, de la foi sont véridiques, ils ne sauraient être réservés à un petit nombre d’habitués qui en font non seulement leur attribution, mais leur affaire. Aussi n’ai’je questionné que l’Elite dans l’art, la philosophie, la littérature et la science, ceux dont l’existence, les travaux, l’attitude sont une garantie sérieuse de sincérité et d’indépendance.
Pour ceux-là, se déclarer des chercheurs, même seulement des témoins en cet ordre de faits qui relèvent du merveilleux en attendant d’être classés par une science plus large, c’est plutôt se compromettre qu’y trouver un avantage quelconque… Le cerveau national est ainsi fait qu’amoureux jusqu’à l’excès des vérités admises et de la clarté, il jetterait volontiers un certain discrédit sur les intelligences qui ne se contentent pas des chemins battus, et, plus hardies, explorent l’inconnu.
Les témoignages que je cite sont donc plus précieux et plus concluants que les affirmations des spécialistes. Aucun de ceux qui ont correspondu ou causé avec moi et dont je suis ici que le greffier n’est un occultiste, un spirite ou un théosophe et ne voudrait pour tout au monde le devenir. Ils ont trop conscience de l’universalité de la vérité et qu’appartenir à une secte, c’est mutiler cette vérité en soi-même.
À côté des témoins et des chercheurs, fat placé les sceptiques. Sceptiques surtout dans le sens primitif du mot, qui veut dire des analystes ([1]). Chercher, c’est espérer ; regarder et dire ce que l’on a vu, même sans le commenter, c’est déjà croire un peu. Le sceptique, dont on a tort de faire un ennemi de la certitude, est un crible conscient où s’épurent non seulement ses propres impressions mais aussi les opinions des autres et les phénomènes qu’ils ont observés. Sceptique ne veut pas dire détracteur.
Je n’aurais pas fait mon devoir de sincérité et d’impartialité si je n’avais pas accordé aux sceptiques, dans ce recueil, une large place. Ils expurgent et ils équilibrent ; sans esprit critique les plus belles trouvailles, les plus féconds enthousiasmes ne seraient rien. Je pense, au rebours du vulgaire, que le croyant, — le croyant tout court, et tout seul, — est un homme dangereux. Il est par définition aveuglé et fanatique ; il ne saurait rendre de service efficace pour les recherches impartiales et impassibles de la science.
Pour ma part, je fais ici un double acte de foi et de scepticisme en rédigeant ce livre qui n’est qu’un procès-verbal. Ma foi est incontestable puisque, ayant mieux à faire, je ne perdrais pas mon temps à rassembler ce que j’aurais traité à l’avance de billevesées ; et mon scepticisme est également certain, car je crois bien que tout le monde peut se tromper, même les plus habiles, même les plus prudents, surtout dans un sujet aussi délicat et encore aussi obscur.
Je n’ai donné ici que l’opinion de contemporains, que j’ai connus, que j’ai vus, à qui j’ai parlé et qui m’ont écrit. Quelques-uns de ceux-là sont morts depuis les confidences qu’ils me firent. J’ai pensé que ce n’était pas une raison suffisante pour les exclure de cette enquête car ils viennent à peine de nous quitter, et leur influence nous domine encore. Leur parole demeure toute sonore, quoique leurs lèvres aient disparu.
Peut-être s’étonner a-t-on que je m’abstienne de terminer cette enquête par un jugement personnel. Ce n’est pas que je veuille par système le réserver. Le Miracle moderne, le Monde invisible et surtout le Testament d’un occultiste exprimeront aussi nettement que possible l’impression intellectuelle qui résulte pour moi de tant de doctrines étranges et de tant de faits extraordinaires, à l’étude desquels ma jeunesse tout entière se voua.
Mais pour aujourd’hui, je veux simplement me contenter d’offrir aux foules, en gerbe, les opinions de l’Elite sur l’Au delà et les Forces inconnues.
- ↑ Sceptique, de σχεπτω, couper, analyser.