L’Astrée/troisième partie/Au Roy

François Pomeray (Troisième partiep. ).


AU ROY.


SIRE,


Cette bergere qui s’oze presenter maintenant devant vos yeux est celle-là mesme qui autrefois prenant une semblable hardiesse, fut receue avec tant de faveurs par Henry le Grand, de tres-heureuse et tres-glorieuse memoire, pere de vostre Majesté. J’avois creu, en la luy dédiant, que cette Astrée, que la sage antiquité a tousjours prise pour la Justice ; se devoit offrir à celuy qui par ses armes luy avoit donné envie de descendre du Ciel, pour revenir dans les Gaules, son ancienne et plus agreable demeure. Mais, aussi-tost qu’elle a ouy le nom de Louys, que V. M. porte, elle a incontinent jugé qu’elle estoit bien plus obligée de se donner toute à vous, Sire, puis que par l’eslection d’une tres-heureuse destinée, s’il est vray que les lois soient une mesme chose que la justice, votre nom glorieux et le sien, ne signifient qu’une mesme chose : celuy de Louys ne pouvant estre escrit, que l’on n’y lise aussi cette sacrée parole de Louys. Considerant cette [3/4] heureuse rencontre de vostre nom, avec vostre louable inclination, j’avoue que je l’ay prise pour un infaillible augure que, comme nous avons eu un Henry le Grand, par qui la France chancelante avoit esté relevée et r’afermie, ou pour mieux dire, parce qu’estant perdue elle avoit esté reconquise : de mesme nous verrons en nos jours un Louys le Juste, qui luy rendra sa premiere splendeur, et la maintiendra en son ancienne majesté, avec tant de prudence et d’equité, que ce regne ne sera pas moins admirable ny redoutable, par les solides fondemens d’une durable paix, que celuy qui est passé l’a esté par la force et par les armes. Dieu qui a tousjours maintenu la couronne que vous portez avec de particuliers soins, par dessus toutes les autres de la terre, augmentera le nombre de ses graces en V. M., tant que ceste Astrée sera en vostre ame et en vos desseins, et tant que l’espée que vous aurez au costé ne sera employée que pour la maintenir, on ne tranchera que par ses mains. Ne l’esloignez donc point de vous, Sire ; mais au contraire, à l’imitation de ce grand Roy, Pere de V. M., aymez-la, et la cherissez avec une tres-certaine asseurance, que tant que vous reiglerez vos actions à son exemple, vous acquerrez une extreme gloire par dessus tous les princes de la terre, un tres-grand amour parmy vos peuples, et une infinie benediction de la main de Dieu. Toute l’Europe attend ces effects de V. M., tous les François les esperent, et tous bons et fideles subjects les souhaittent, et moy, Sire, en cette qualité, j’en supplie Dieu, avec tous ceux qui desirent la grandeur de vostre couronne, le repos de vos peuples, et la gloire de vostre nom, comme celuy qui sera à jamais, SIRE, Tres-humble, tres-fidelle, et tres-obeyssant serviteur et sujet de vostre Majesté,

HONORÉ D’URFÉ.