L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons/L’Art de séduire les hommes/09

LE CHARME DANS LE CHOIX DES MEUBLES,
DANS LA CONVERSATION ET AU LIT

Quand on dit d’une femme : « C’est une femme charmante ! » on fait d’elle un éloge banal, mais si l’on dit : « C’est une femme qui a du charme ! » on la pare alors d’une inestimable grâce.

Le charme est insaisissable et il n’est pas localisé. C’est le rapport d’une âme séduisante avec un physique qui y correspond. Ce rapport ne se précise ni dans le nez, ni dans l’oreille, ni dans toute autre partie du corps en particulier. Un profil parfait ne comporte pas toujours du charme. Le charme est le résultat d’un ensemble.

De chaque individu émane un rayonnement qui se répand sur les objets qui l’entourent et qui sont le cadre de ses habitudes. Une femme est charmante par son milieu, par l’appartement qu’elle habite.

Il y a des femmes qui vivent toujours parmi des objets inanimés. Autour d’elles, les meubles sont sans pensée et sans visage ; les portes font du bruit, mais ne parlent pas ; la lumière filtre sans bienveillance à travers les carreaux.

D’autres, au contraire, par une magie spéciale, ont donné à leurs fauteuils le don d’ouvrir les bras avec un geste d’hospitalité ; elles ont mis un petit cœur dans la pendule et tous les portraits de leurs murs, grâce à elles, se connaissent entre eux. Si elles s’amusent à coudre, les ciseaux et le dé deviennent des dieux d’argent industrieux et rapides ; quand elles lisent, sur le cuir repoussé qui recouvre leur livre apparaît une fleur doucement nuancée comme doit être leur rêverie.

Le charme d’une femme d’intérieur sera fait en partie du choix de ses meubles.

Une femme fine adopte du Louis XVI. Une femme de moins bon goût a du Louis XV. La parvenue a des meubles Régence. L’Empire est un mobilier de politicienne militante où l’on doit recevoir des députés et des ministres. Une femme aristocrate du Louis XIV. Les femmes artistes et scientifiques, les étudiantes russes enrichies, les jeunes filles du monde qui font de la peinture adoptent le mobilier Renaissance. Les étrangers qui arrivent à Paris, les demi-mondaines, les rastaquouères ont des meubles anglais.

Du charme dépend la distinction.

La distinction est une question de proportions, comme la beauté.

C’est l’art de trouver une harmonie, une juste mesure entre ses qualités physiques, sa situation dans la vie et l’idéal qui vous est propre. L’absence d’affectation est la caractéristique de la femme distinguée.

Le charme c’est aussi le tact, la délicatesse naturelle.

Il y a quelques principes élémentaires qu’il convient de ne jamais violer. Ils font partie de la bonne éducation, mais la bonne éducation et le charme sont étroitement liés.

Il ne faut pas se montrer antisémite avec un juif, ni dire qu’on n’aime pas les « cabots » devant un comédien.

Si l’on prend le thé quelque part, on doit parler à voix assez basse pour que vos voisins immédiats n’entendent pas votre conversation.

Ce serait une grande force de pouvoir ne jamais dire du mal des autres femmes et même de parler avec mesure de leur élégance ou de leur beauté. Mais il nous est impossible d’avoir assez d’empire sur nous-mêmes pour ne pas dénigrer une toilette qui n’est pas à notre goût, une chevelure mal teinte, une démarche sans grâce. Au moins, si nous nous laissons aller à ce penchant, faut-il que nous le fassions avec un désintéressement simulé, et poussées seulement par un apparent esprit d’équité.

Car c’est une erreur de croire que lorsque nous critiquons devant l’homme aimé une femme qui pourrait être une rivale nous faisons à celle-ci le moindre tort.

L’homme répond quelquefois :

— Vous avez raison, cette femme est très laide, sans distinction, sans esprit.

Mais il a senti naître en lui, par le fait de nos critiques, un prodigieux et secret désir de connaître la femme en question, qu’il n’aurait pas eu sans nos imprudentes paroles.

C’est dans l’intimité qu’une femme doit surtout faire preuve de charme.

Elle ne doit jamais s’exposer à laisser voir sa jambe avec un bas qui retombe sur ses chevilles.

Quand elle se baisse et qu’elle est soit en chemise, soit sans chemise, elle s’arrangera pour que son amant ne voie pas ses seins. Quelles que soient leur forme pure et leur dureté, cette position ne les présente pas à leur avantage.

Les soins de propreté doivent comporter un certain mystère. La porte du cabinet de toilette doit être close et il n’est pas jusqu’au clapotement de l’eau qui ne doive être atténué.

Je ne sais pas jusqu’à quel point je dois rapporter l’étrange confidence d’Annie, qui prétendait que les soins mis par son amant à se cacher pour les ablutions lui causaient un trouble voluptueux en particulier et le désir d’ouvrir la porte. Que d’hommes sont pareils à Annie !

Le charme au lit est le plus difficile à obtenir et le plus important pour les hommes.

La femme doit savoir, en se couchant, quitter avec sa robe les formes de sa vie quotidienne et trouver, à l’instant où elle apparaît nue sous sa chemise, une personnalité nouvelle et inattendue.

Ses cheveux sont défaits ou arrangés selon le type de sa physionomie et sans souci de la mode. C’est la ligne de ses épaules qui apparaît sous son cou mince au lieu du col montant, c’est le corps vivant et chaud qui s’agite, libéré de la prison du corset, c’est le pied blanc aux ongles roses qui va pouvoir jouer un rôle, c’est le parfum de la nuit qui doit être différent de celui du jour, bien qu’il soit le même, parce qu’au lieu de se dégager des vêtements, il émane de toute la chair et se mélange étroitement à son parfum intime.

Heure délicieuse où le charme a le premier rôle ! Que le visage candide devienne tout à coup tendrement pervers, que les ingénuités soient voluptueuses, que le regard se pose où il veut, que le sourire exprime le désir et le goût des sensations prochaines, que la pudeur soit oubliée, que les draps soient rejetés, que les audaces soient accomplies, il n’importe ! Toutes les initiatives sont permises à la femme, il n’est pas de caresses défendues à celle qui sait prendre et se donner avec charme.