Librairie Beauchemin, Limitée (p. 23-31).

CHAPITRE II.

LA GESTATION


« Jamais on n’apprendra assez aux jeunes filles à respecter le sentiment sacré et émouvant de l’amour. Jamais, non plus on ne les mettra trop tôt dans le voisinage si doux des tout petits.

Quand elles seront pénétrées de la grandeur du sentiment qui, seul, devrait conduire au mariage, et qu’elles souhaiteront passionnément serrer dans leurs bras maternels un petit enfant, elles seront supérieurement instruites des choses du cœur et parfaitement en état de suivre, en santé et en joie, les belles lois de la nature. Elles aimeront, elles auront des enfants, elles seront dans le sens même de la vie et tout leur deviendra doux et facile. »

Yvonne Sarcey.


Avant d’entrer dans le détail des conseils d’hygiène de la grossesse, rappelons un principe de droit naturel, codifié dans les législations ecclésiastique et civile : le respect, que la mère doit à la vie du fruit de ses entrailles. Tout attentat contre ce droit primordial du fœtus est condamné par la morale naturelle, encourt les censures de l’Église et tombe sous la sanction du code criminel. Le Paganisme a, malheureusement, méconnu cette obligation du respect de la vie de l’enfant ; l’avortement volontaire et l’infanticide sont de ces crimes qui souillaient le foyer domestique et déshonoraient la société ancienne. Mais, le Christianisme est venu mettre fin à ce mépris du droit le plus sacré et à l’égoïsme brutal qui l’inspirait. Désormais, l’être humain depuis sa conception sera protégé par ce précepte : « Tu ne tueras point. »

Pourtant, les annales criminelles des pays, même chrétiens, nous font voir que la plaie hideuse de l’infanticide ronge encore l’organisme social. Il suffit de la signaler à la femme qui écoute la voix de son cœur et de sa conscience pour lui inspirer l’horreur et la réprobation.

Recueillons plutôt les conseils de la science médicale pour assurer le bien-être physique et moral de la femme enceinte. Fidèlement suivis, ils seront profitables et à la mère et à l’enfant.

L’union de l’âme et du corps étant très étroite et très intime, il en résulte que les dispositions morales de l’âme influent sur la santé du corps et que les phénomènes physiologiques, qui se produisent dans celui-ci, ont une sorte de répercussion dans le domaine psychologique de l’âme et de ses facultés.

Conséquemment à ce principe, le traitement à suivre par la femme enceinte a son côté moral comme son côté physique.

Ainsi, d’une façon générale, elle doit surveiller son système nerveux pour le maintenir dans le calme, lui éviter la surexcitation, les émotions trop vives, les impatiences, les échappées de caractère. Elle se rappellera que la gaieté et la bonne humeur lui prépareront un enfant souriant et pacifique. Le repos, la distraction, les sorties au grand air, une nourriture saine, voilà ce qui lui permettra de traverser sans danger la période de la grossesse.

Pour favoriser cet apaisement du système nerveux et ce bien-être général, les personnes qui vivent en relation de société avec la future mère ne s’arrêteront pas à des saillies de caractère ou à des mouvements passagers d’aigreur, elles y répondront plutôt par la douceur, la patience, l’affection et le dévouement.

« Il est difficile pour l’homme de comprendre la profondeur et la sainteté du sentiment maternel de la femme — ses joies et ses espérances, ses lourds poids de soins et d’anxiétés. Le fardeau de la grossesse, sa tendre sollicitude, ses craintes, l’absorption de sa vie dans la vie de l’enfant, même son consentement à donner sa vie pour que l’enfant naisse en sûreté : ce sont des choses que l’homme, — excepté s’il est un artiste ou un inventeur — s’imagine faiblement.

Puis, plus tard les jours et les nuits de labeur et d’inquiétude, dans lesquels elle s’oublie, de tendres soins pour lesquels il n’y a pas de reconnaissance — si ce n’est dans un avenir lointain ; — le sacrifice des intérêts personnels et des expansions dans l’accomplissement étroit de ses travaux domestiques : pour ces choses la femme n’attend pas beaucoup de sympathie de l’autre sexe. Mais, le fait que l’homme ne le comprend pas, ne rend pas la tragédie moins triste ! ”

Edward Carpenter.

On excuse plus facilement des caprices inconnus jusque-là et des goûts bizarres, quand on sait qu’ils sont le produit de réflexes nerveux, et de fatigue organique.

Le docteur Héricourt fait à ce sujet une observation très utile : « Les préoccupations, les chagrins, l’excès de fatigue peuvent être l’origine de tares physiques et mentales qui prendront l’enfant à sa naissance et le tourmenteront tout le cours de son existence. »

Rappelons que la conception est suivie de la gestation dans le sein de la mère. La maternité étant pour la femme ce qu’il y a de plus naturel il s’en suit que la grossesse est nullement un état pathologique, mais plutôt une expansion de la nature, une fonction physiologique.

La femme enceinte ne doit pas s’alarmer de quelques malaises qu’elle éprouve, tels que : étourdissements, maux de cœur, vomissements, etc., car ce sont toujours des réflexes nerveux qui disparaîtront en général au troisième ou quatrième mois de la grossesse.

Nombre de femmes sont lâches devant les douleurs à subir pour être mère ! Si elles savaient que les artifices honteux dont elles se servent leur occasionneront un ébranlement nerveux qui leur sera peut-être funeste ou du moins dommageable toute la vie. Si elles savaient les conséquences terribles de leurs actes, gâcheraient-elles consciemment leur santé en se privant à la fois du bonheur de la maternité ?

D’autres femmes, plus lâches encore, vont jusqu’à causer un arrêt volontaire de la grossesse. Elles n’ont pas le cœur assez généreux pour accepter les responsabilités d’une mère. Elles provoquent un avortement criminel !

Celles-là, comme les premières, sont, punies dans leur péché, car, la plupart des métrites sont la conséquence de cet acte odieux.

Voyons maintenant les détails techniques nécessaires à l’hygiène de la grossesse.

Il est important que dès les premiers mois le médecin soit consulté.

L’analyse de l’urine doit être faite tous les mois durant le premier semestre, tous les quinze jours dans le dernier trimestre, afin de constater la présence ou l’absence de l’albumine.

Les crises d’éclampsie, la plupart fatales à la mère et à l’enfant, sont trop souvent dues à la négligence de cet examen.

L’alimentation de la femme enceinte demande de la prudence : le lait, la crème et les œufs seront préférés à toute autre chose.

Il faut écarter impitoyablement : l’alcool, les vins mousseux, les liqueurs à essences, telles que : chartreuse, bénédictine, etc., afin d’empêcher l’albuminerie chez la mère et plus tard des convulsions et du rachitisme chez l’enfant.

L’exercice est salutaire, mais, durant les trois ou quatre premiers mois, il faut éviter tout mouvement et les fortes secousses, surtout pour les femmes sujettes aux fausses couches.

À partir du cinquième mois, la femme enceinte devra faire une marche au grand air tous les jours, elle devra, s’interdire tout effort laborieux à cause d’un arrêt possible dans le développement du fœtus.

La régularité dans le fonctionnement de l’intestin est de rigoureuse nécessité ; dans le cas de constipation ou de paresse intestinale recourir à un lavement, ou à un laxatif.

On ne saurait trop recommander la propreté minutieuse exigée en tout temps, mais de nécessité absolue à l’époque de la gestation. On recommande donc les bains quotidiens, un peu plus chauds dans la dernière période de la grossesse, mais éviter soigneusement tout refroidissement.

Prendre un soin tout particulier de la bouche : une cuillerée de lait de magnésie avec une partie égale d’eau gardée dans la bouche pendant quelques instants atténuera l’acidité de l’estomac.

Vers la fin de la grossesse, on devra se donner des douches vaginales d’eau bouillie afin d’empêcher les pertes jaunes et blanches qui se produisent quelquefois à cette époque.

Vers le huitième mois, il serait bon de se badigeonner quotidiennement les bouts de seins avec de l’alcool «afin de les endurcir et de les prémunir contre le danger des gerçures qui causent à la nourrice des douleurs aiguës.

L’usage du corset pour les femmes enceintes est condamnable puisqu’il est un obstacle au développement du fœtus et peut causer un malaise grave à la mère elle-même.

Seul, le corset, dit « corset maternité » souple et élastique, peut être toléré. De même, les jarretières et les chaussures doivent être relâchées pour éviter les varices.

Le temps de la grossesse est normalement de neuf mois ou 270 jours, ces mois comptent généralement à partir des quelques jours avant ou après la dernière menstruation.

Après quatre mois et demi de gestation se font sentir les premiers mouvements du fœtus : ces mouvements coïncidant avec les battements du cœur fœtal sont des signes certains d’une grossesse et en marquent la première moitié.

À la fin de la période de gestation, la mère songera à préparer le cher petit trousseau qui sera comme l’anticipation de l’arrivée de celui qu’elle attend avec une si légitime impatience.

Ce trousseau varie, naturellement, selon la condition et la fortune de chacun.

Dans le cas d’une fausse couche il y a des règles de prudence à suivre ; en attendant l’arrivée du médecin, la malade se mettra immédiatement au lit et gardera autant que possible la position horizontale afin d’éviter toute hémorragie.

Permettez-nous de clore ce chapitre par un sonnet inspiré à l’auteur de cet ouvrage lors de la naissance de sa fille Hélène.

À notre premier-né.

Petit être chéri qui palpite en mon être
je t’aime et te bénis, sois-tu fille ou garçon,
ton papa, ta maman, saluent d’un doux frisson,
l’aurore de tendresse où tu vas apparaître.

Tout petit chérubin, adorable enfançon,
tel Jésus à Noël, tu seras notre maître.
La maison qui t’attend et qui te verra naître
se remplira bientôt de ta fraîche chanson.

Quand, près de ton berceau, charmés par ton sourire
nous serons là, penchés, lisant bien tendrement
sur tes lèvres, Bébé, ce que tu veux nous dire…

Tes doux yeux verront-ils dans notre attachement
combien l’on t’aime, enfant, et comme on le désire
pendant des mois entiers le cher avènement !