Librairie Beauchemin, Limitée (p. 11-21).

CHAPITRE I.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES


Enfant, sous les langes de toile
Dont s’enveloppe ton sommeil,
Dis-nous, à ton premier réveil,
Le doux mystère qui te voile.

Dis, quelque chérubin vermeil
T’a-t-il apporté dans son voile ?
Es-tu le reflet d’une étoile ?
N’es-tu qu’un rayon de soleil ?

Et le petit que l’on adore
De son regard que le ciel dore,
De son regard tendre et vainqueur,

Répond : “Je suis l’être éphémère
“Né du sourire de ma mère
“Reflété dans un noble cœur”.

Louis Fréchette


Quelle femme appelée au bonheur de la maternité n’a pas senti cette ivresse de l’attente !… C’est une joie anticipée de quelques mois, de quelques semaines, de quelques jours, elle éveille des désirs infinis, des espérances sans borne !

La nouvelle maman sous l’impulsion de légitimes ambitions, assure à l’avance, que son enfant, lorsqu’il sera devenu grand, sera la consolation de ses parents, l’honneur de sa famille, la gloire de sa patrie !

Être mère !… Quel monde de nobles idées éveille cette perspective, c’est s’associer à l’œuvre de Dieu : Père et Créateur.

Être mère, c’est reculer les limites du foyer, y faire pénétrer une clarté nouvelle, fournir la preuve de sa fécondité. « Qu’il est beau le sourire de l’enfance, écrit le Père Monsabré, c’est comme un rayon de soleil au foyer ; et, plus il y a de sourires, plus le foyer resplendit ! »

Être mère, c’est avoir conscience que par son rôle d’éducatrice naturelle, on va préparer l’homme de demain, on va donner à l’état, le facteur nécessaire à sa vie économique et sociale, l’homme de science, de lettres. d’art, l’homme de loi, le politicien, le guerrier, qui sait, le prêtre même !

Gustave Droz, dans son livre intitulé : « L’Enfant » nous raconte en ces termes émus et délicats l’arrivée de son premier-né : « J’étais, dit-il, comme un ouvrier qui, sans s’en douter, enfante un chef-d’œuvre. La naissance est aussi imposante que la mort ; à leur approche on sent que Dieu n’est pas loin ; et, tandis que mille sentiments divers s’emparent de votre cœur et de votre esprit, on est ému, comme en cintrant dans le sanctuaire. »

Pourquoi faut-il donc que la femme de nos jours redoute le fardeau, rejette l’honneur de la maternité ?… Quelle tristesse de constater combien de jeunes filles à la veille du mariage, veulent être épouses, mais ne veulent pas être mères, veulent faire un contrat mais entendent lui soustraire son objet principal.

Sous la pression de cette idée, des époux égoïstes se proposant le plaisir pour but de l’union la plus ancienne, la plus naturelle, la plus sainte, emploient pour limiter la puissance divine des artifices humiliants que la bête elle-même ne connaît pas : ils ne reculent même pas devant le meurtre d’un fœtus portant déjà le caractère humain. « Empêcher de naître, s’écriait le grave Tertulien, c’est tuer à l’avance : car, celui-là est homme qui doit le devenir : tout fruit est dans son germe. »

Les prétextes ne manquent pas à ces partisans de la morale utilitaire, la sophistique n’a pas de secret pour eux. Par exemple : la conception et l’enfantement font courir, prétendent-ils, un grave péril à la vie de la mère, elles sont une cause d’affaiblissement, le point de départ de complications organiques, etc., etc.

Il ne peut en être ainsi, car l’Auteur de la nature fait bien tout ce qu’Il fait ; les lois qu’Il a établies sont pour protéger la vie et non pour provoquer la mort et par conséquent son action ne saurait être en défaut dans le fonctionnement de l’organisme essentiel à l’humanité. Un maître de la science médicale, le docteur Héricourt, nous affirme que la femme n’atteint au complet développement de son organisme et à l’épanouissement de sa santé qu’après son troisième enfant.

Un second motif invoqué pour n’avoir pas d’enfant ou pour en limiter le nombre est celui qu’on appelle « Le coût élevé de la vie ». Ayons confiance, Celui qui du haut du Ciel donne le soleil et la pluie à l’herbe des champs, nourrit les passereaux, Celui-là prendra davantage soin de ses enfants les héritiers de son royaume. Le Dieu qui multiplie les enfants autour de votre table, ne peut-il pas répéter sur cette table le miracle de la multiplication des pains ?…

L’expérience, depuis longtemps, démontre que les familles nombreuses ne sont pas de ce fait les plus nécessiteuses ; bien au contraire : on a toujours constaté que l’esprit de travail et d’industrie, la variété des talents, le succès dans les luttes de la vie ont favorisé les mariages féconds et ont établi la prospérité aux foyers d’un rayon étendu.

Voici quelques lignes tracées par la plume d’un brave Français : « Les poilus qui laissent une nombreuse nichée ne sont pas les plus à plaindre, même s’ils sont pauvres. Les familles nombreuses sont une telle école de solidarité entre frères et sœurs, une telle école de discipline morale, une si merveilleuse école de fraternité que la plus grande richesse qu’un homme puisse laisser à un enfant, ce sont des frères et des sœurs qui partageront avec lui les joies et les peines de la vie. »

On ose à peine, tant cela dénote d’étroitesse d’esprit et de sécheresse de cœur, mentionner un troisième prétexte de stérilité voulue : la déformation de la femme mère, la perte de sa fraîcheur et de son éclat. Ces affirmations sont loin d’être prouvées, nous voyons tous les jours des exemples qui démontrent. le contraire. Mais, quand cela serait, il faudrait avoir perdu tout sentiment du devoir envers Dieu, envers la société et vis-à-vis de soi-même, pour mettre l’élégance de ses formes corporelles au-dessus de tout. La femme grecque, douée d’une merveilleuse fécondité, n’est-elle pas le type classique de la beauté esthétique ?

« Si les femmes savaient que pour rester belles, saines et équilibrées, rien ne peut remplacer quelques maternités qui renouvellent leur jeunesse, on ne verrait pas autant de femmes détraquées, neurasthéniques : la nature se venge. En pensant ménager leurs charmes, elles ne font qu’en hâter la disparition[1]. »

Le problème de la natalité intéresse, au premier chef, un pays soucieux de son avenir ; c’est pourquoi, là, où est érigée en système la tentative de tarir la vie dans sa source, les autorités législatives cherchent les moyens les plus efficaces d’empêcher « le suicide de la race ». Ce moyen ne se trouve pas en dehors du code de la morale naturelle et chrétienne. La France nous a donné le plus beau spectacle de valeur militaire et de courage surhumain, mais le mal de la dépopulation volontaire, ne lui a-t-il pas été plus funeste que l’invasion des armées ennemies ?… Puisse cet exemple inspirer de généreuses résolutions aux nations imbues de Malthusianisme !…

Grâce à Dieu, le Canada n’en est pas encore là, mais, la natalité élevée n’est-elle pas frustrée de ses heureux effets par les ravages de la mortalité infantile ? Et oppose-t-on à ses ravages tous les moyens de défense dont on dispose de par la nature elle-même, aidée par le secours de la science ?…

L’hygiène et quelques notions de médecine sont essentielles à la mise au monde et à l’éducation physique de l’enfant, sans vouloir nier l’opportunité de certaines suggestions de l’instinct maternel.

Une mère désireuse de procurer l’évolution normale d’un enfant né dans des conditions favorables, doit s’éclairer des lumières d’une science et d’un art destinés à compléter et à perfectionner la nature.

Le monde entier doit hommage et reconnaissance aux maîtres de la médecine et de l’hygiène, qui consacrent leur talent, leur enseignement, leur plume au service de l’humanité menacée de décroissance, non justifiée.

Le cri d’alarme jeté de tous côtés mettra-t-il fin aux préjugés populaires ?

Le médecin de famille reprendra-t-il au foyer la place qu’il aurait dû toujours occuper ? Son action sera-t-elle toujours entravée à son insu par les conseils d’une grand’maman, d’une tante stérile ou d’une voisine prolifique ?

La compétence que donne l’expérience, le titre de mère de nombreux enfants ne suffit pas aux parents qui veulent sauver le fruit de leur union.

Combien de maladies de la digestion et de la nutrition sont causées par une suralimentation, due, hélas, à l’ignorance des mères !

Bébé pleure-t-il ? Vite, on lui donne du lait qui est une nourriture, et on oublie souvent de lui donner de l’eau et alors le petit ne se désaltère pas.

Nombre de maladies des voies respiratoires, bronchites, pneumonies, etc., sont causées par le moindre refroidissement chez le tout petit enveloppé trop chaudement.

Parfois, on prive même l’enfant de passer d’une chambre à l’autre par crainte d’un changement de température.

De même, des parents inexpérimentés n’écoutant que l’impulsion d’un amour sensible, très légitime sans doute, mais manquant de mesure dans ses manifestations extérieures, secouent, bercent et accablent de caresses violentes un petit être frêle à l’organisme délicat et risquent ainsi de le rendre malade ou infirme quand ils veulent simplement lui prouver leur affection.

Anxieux de conserver la santé de notre progéniture, entourons-la d’une protection efficace contre le danger de la contamination, en la soustrayant du contact de personnes capables de lui communiquer le germe des maladies contagieuses.

Hélas ! le premier mot de la médecine familiale est presque toujours un calmant.

Le Bébé est-il agité ? A-t-il une digestion laborieuse ou souffre-t-il ? Aussitôt, on lui administre une dose de sirop ou de parégorique.

On oublie que ces remèdes brevetés sont trop souvent à base d’alcool, d’opium ou de morphine.

Sans le vouloir, ces mères inconscientes préparent l’alcoolique, le morphinomane, le narcotique, le déséquilibré de plus tard.

La femme a le plus grand rôle dans l’humanité : jeune fille elle se prépare à être mère ; devenue mère, sa charge se multiplie dans l’éducation physique, intellectuelle et morale de ses enfants qui lui est confiée du berceau à la tombe.

« Quand la jeune fille considérera le mariage, non plus comme une cérémonie, mais comme un sacrement, au lieu de “vierges folles” à la lampe éteinte, les hommes auront des “vierges sages” à la lampe allumée. Tant pis pour ceux que la clarté gênera[2]. »

Concluons de tout cela, que l’éducation physique de la première enfance est une science et un art que les mères doivent apprendre à tout prix et qu’elles doivent appliquer avec une rigoureuse exactitude.

Le traitement hygiénique que rien ne peut remplacer, se ramène à ces trois points capitaux : une nourriture consistant en bon lait et en eau pure donnés en quantités suffisantes et à des heures régulières, du sommeil dans une pièce bien aérée et un vêtement approprié aux exigences des saisons. Avec cela, la tâche de la mère sera facile et agréable.

Une science éclairée mettra fin à ces préjugés qui font tant de mal aux petits.

On ne saura jamais trop s’instruire sur les soins à donner à l’enfance !

Parmi les livres à consulter sont, les ouvrages de MM. les docteurs Marfan, Comby, Budin, Roux, Variot, Terrien dont on a « Alimentation des jeunes Enfants », Donnadieu, auteur de « Pour lire en attendant bébé », Preyer, Garbini, Binet, Maurice de Fleury et Bernard Pérez qui a tant écrit sur l’Enfant !

  1. Extrait de : « La vie et le rêve » de Mme Henriette Tassé.
  2. Pierre de Coulevain.