Arras au clair beffroi renaîtra dans les nues De sa propre fumée.
Le soir magicien souffle de ses cornues Des villes enflammées.
Voguera le clocher et vogueront les dômes Par les humides plaines,
Comme Thèbes, Ninive, et les villes fantômes Depuis l’histoire humaine ;
Comme Jérusalem, dont les chiens ont flairé Les cadavres épars ;
Troie, où s’accoude Hélène, aux cheveux étirés Par le vent du rempart.
Cinéma du passé, le ciel crépusculaire, Ô Reims, pourpre du sacre,
Rebâtira tes murs libérés de la terre, D’or, de gemme et de nacre.
Quand les canons lointains de l’orage, les glaives De l’éclair, et le vent
Ruineront le spectre obstiné, notre rêve Le refera vivant.
Voici le doux hameau qui revient de la guerre Dans la Flandre assoupie,
Et la lune rassemble à sa lanterne claire Les moutons de charpie.
Les vieux moulins, jadis prisonniers des collines, Avec leurs bras perclus,
Ont le grave retour des barques pèlerines Qu’ils ne jalousent plus.
La veuve en noir regarde en la mélancolie Illusoire des brumes
Rentrer le beau soldat en capote pâlie Dans sa maison posthume.
Pour qu’au front du mourant ne soit pas refusé Le signe d’oraison,
L’Église de campagne où il fut baptisé Accourt à l’horizon.
25 avril 1915.
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