L’Antéchrist (Renan)/VII. Massacre des chrétiens

Michel Lévy (p. 153-181).


CHAPITRE VII.


MASSACRE DES CHRÉTIENS. — L’ESTHÉTIQUE DE NÉRON.


Une idée infernale lui vint alors à l’esprit. Il chercha s’il n’y avait pas au monde quelques misérables, encore plus détestés que lui de la bourgeoisie romaine, sur lesquels il pût faire tomber l’odieux de l’incendie. Il songea aux chrétiens. L’horreur que ces derniers témoignaient pour les temples et pour les édifices les plus vénérés des Romains rendait assez acceptable l’idée qu’ils fussent les auteurs d’un incendie dont l’effet avait été de détruire ces sanctuaires. Leur air triste devant les monuments paraissait une injure à la patrie. Rome était une ville très-religieuse, et une personne protestant contre les cultes nationaux se reconnaissait bien vite. Il faut se rappeler que certains juifs rigoristes allaient jusqu’à ne pas vouloir toucher une monnaie présentant une effigie et voyaient un aussi grand crime dans le fait de regarder ou de porter une image que dans celui de la sculpter. D’autres refusaient de passer par une porte de ville surmontée d’une statue[1]. Tout cela provoquait les railleries et le mauvais vouloir du peuple. Peut-être les discours des chrétiens sur la grande conflagration finale[2], leurs sinistres prophéties, leur affectation à répéter que le monde allait bientôt finir, et finir par le feu, contribuèrent-ils à les faire prendre pour des incendiaires. Il n’est même pas inadmissible que plusieurs fidèles aient commis des imprudences et qu’on ait eu des prétextes pour les accuser d’avoir voulu, en préludant aux flammes célestes, justifier à tout prix leurs oracles. Quel piaculum, en tout cas, pouvait être plus efficace que le supplice de ces ennemis des dieux ? En les voyant atrocement torturer, le peuple dirait : « Ah ! sans doute, voilà les coupables ! » Il faut se rappeler que l’opinion publique regardait comme choses avérées les crimes les plus odieux que l’on prêtait aux chrétiens[3].

Repoussons bien loin de nous l’idée que les pieux disciples de Jésus aient été coupables à un degré quelconque du crime dont on les accusait ; disons seulement que bien des indices purent égarer l’opinion. Cet incendie, ils ne l’avaient pas allumé, mais sûrement ils s’en réjouirent[4]. Les chrétiens désiraient la fin de la société et la prédisaient. Dans l’Apocalypse, ce sont les prières secrètes des saints qui brûlent la terre, la font trembler[5]. Pendant le désastre, l’attitude des fidèles dut paraître équivoque ; quelques-uns sans doute manquèrent de témoigner du respect et du regret devant les temples consumés, ou même ne cachèrent pas une certaine satisfaction. On conçoit tel conventicule au fond du Transtévère, où l’on se soit dit : « N’est-ce pas là ce que nous prédisions ? » Souvent il est dangereux de s’être montré trop prophète. « Si nous voulions nous venger, dit Tertullien, une seule nuit, quelques flambeaux suffiraient[6]. » L’accusation d’incendie était élevée fréquemment contre les juifs, à cause de leur vie à part[7]. Le même crime était un de ces flagitia cohærentia nomini[8] qui faisaient partie de la définition d’un chrétien.

Sans avoir contribué en rien à la catastrophe du 19 juillet, les chrétiens pouvaient donc être tenus, si l’on peut s’exprimer ainsi, pour des incendiaires de désir. Dans quatre ans et demi, l’Apocalypse nous offrira un chant sur l’incendie de Rome, auquel probablement l’événement de 64 fournit plus d’un trait. La destruction de Rome par les flammes fut bien un rêve juif et chrétien ; mais ce ne fut qu’un rêve ; les pieux sectaires se contentèrent sûrement de voir en esprit les saints et les anges applaudir du haut du ciel à ce qu’ils regardaient comme une juste expiation[9].

On a peine à croire que l’idée d’accuser les chrétiens de l’incendie du mois de juillet soit venue d’elle-même à Néron. Certes, si le césar eût connu de près les bons frères, il les eût étrangement haïs. Les chrétiens ne pouvaient naturellement comprendre le mérite qu’il y avait à poser ainsi en « jeune premier » sur l’avant-scène de la société de son temps ; or ce qui exaspérait Néron, c’était qu’on méconnût son talent d’artiste et de chef de rôle. Mais Néron ne fit sans doute qu’entendre parler des chrétiens ; il ne se trouva jamais en rapport personnel avec eux. Par qui l’atroce expédient dont il s’agit lui fut-il suggéré ? Il est probable d’abord que de plusieurs côtés dans la ville on conçut des soupçons[10]. La secte, à cette époque, était fort connue dans le monde officiel. On en parlait beaucoup[11]. Nous avons vu que Paul avait des relations avec des personnes attachées au service du palais impérial[12]. Une chose bien extraordinaire, c’est que, parmi les promesses que certaines personnes avaient faites à Néron, pour le cas où il viendrait à être destitué de l’empire, était celle de la domination de l’Orient et nommément du royaume de Jérusalem[13]. Les idées messianiques prenaient souvent chez les juifs de Rome la forme de vagues espérances d’un empire romain oriental ; Vespasien profita plus tard de ces imaginations[14]. Depuis l’avènement de Caligula jusqu’à la mort de Néron, les cabales juives ne cessèrent pas à Rome[15]. Les juifs avaient beaucoup contribué à l’avènement et au maintien de la famille de Germanicus. Soit par les Hérodes, soit par d’autres intrigants, ils assiégeaient le palais, trop souvent pour perdre leurs ennemis[16]. Agrippa II avait été très-puissant sous Caligula et sous Claude ; quand il demeurait à Rome, il y jouait le rôle d’un personnage influent. Tibère Alexandre, d’un autre côté, occupait les plus hautes fonctions[17]. Josèphe enfin se montre assez favorable à Néron ; il trouve qu’on l’a calomnié, il rejette tous ses crimes sur son mauvais entourage. Quant à Poppée, il en fait une pieuse personne, parce qu’elle était favorable aux juifs, qu’elle appuyait les requêtes des zélés, et aussi peut-être parce qu’elle adopta une partie de leurs rites. Il la connut en l’an 62 ou 63, obtint par elle la grâce de prêtres juifs arrêtés, et garda d’elle le plus reconnaissant souvenir[18]. Nous avons la touchante épitaphe d’une juive nommée Esther, née à Jérusalem et affranchie de Claude ou de Néron, qui charge son camarade Arescusus de veiller à ce qu’on ne mette rien sur sa pierre sépulcrale de contraire à la Loi, comme par exemple les lettres D. M[19]. Rome possédait des acteurs et des actrices d’origine juive[20] ; sous Néron, c’était là un moyen naturel d’arriver à l’empereur. On nomme en particulier un certain Alityrus, mime juif, fort aimé de Néron et de Poppée ; c’est par lui que Josèphe fut introduit auprès de l’impératrice[21]. Néron, plein de haine pour tout ce qui était romain, aimait à se tourner vers l’Orient, à s’entourer d’Orientaux[22], à nouer des intrigues en Orient[23].

Tout cela suffit-il pour fonder une hypothèse plausible ? Est-il permis d’attribuer à la haine des juifs contre les chrétiens le caprice féroce qui exposa les plus inoffensifs des hommes aux supplices les plus monstrueux ? Il est sûrement fâcheux pour les juifs d’avoir eu leurs entrées secrètes chez Néron et Poppée au moment où l’empereur conçut contre les disciples de Jésus une odieuse pensée[24]. Tibère Alexandre, en particulier, était alors dans sa pleine faveur[25] et un tel homme devait détester les saints. Les Romains confondaient d’ordinaire les juifs et les chrétiens[26]. Pourquoi cette fois la distinction fut-elle si bien faite ? Pourquoi les juifs, contre lesquels les Romains avaient la même antipathie morale et les mêmes griefs religieux que contre les chrétiens[27], ne furent-ils pas touchés cette fois ? Des supplices de juifs eussent été un piaculum tout aussi efficace. Clément Romain, ou l’auteur (certainement romain) de l’épître qu’on lui attribue, dans le passage où il fait allusion aux massacres des chrétiens ordonnés par Néron, les explique d’une manière très-obscure pour nous, mais bien caractéristique. Tous ces malheurs sont « l’effet de la jalousie[28] », et ce mot « jalousie » signifie évidemment ici des divisions intérieures, des animosités entre membres de la même confrérie[29]. De là naît un soupçon, corroboré par ce fait incontestable que les juifs, avant la destruction de Jérusalem, furent les vrais persécuteurs des chrétiens et ne négligèrent rien pour les faire disparaître[30]. Une tradition très-répandue au IVe siècle voulait que la mort de Paul et même celle de Pierre, qu’on ne séparait pas de la persécution de l’an 64, eussent eu pour cause la conversion d’une des maîtresses et d’un favori de Néron[31]. Une autre tradition y vit une conséquence de la défaite de Simon le Magicien[32]. Avec un personnage aussi fantasque que Néron, toute conjecture est hasardée. Peut-être le choix des chrétiens pour l’affreux massacre ne fut-il qu’une lubie de l’empereur ou de Tigellin[33]. Néron n’avait besoin de personne pour concevoir un dessein capable de déjouer par sa monstruosité toutes les règles ordinaires de l’induction historique.

On arrêta d’abord un certain nombre de personnes soupçonnées de faire partie de la secte nouvelle, et on les entassa dans une prison[34], qui était déjà un supplice à elle seule[35]. Elles confessèrent leur foi, ce qui put être considéré comme un aveu du crime qu’on en jugeait inséparable. Ces premières arrestations en amenèrent un très-grand nombre d’autres[36]. La plupart des inculpés paraissent avoir été des prosélytes observant les préceptes et les conventions du pacte de Jérusalem[37]. Il n’est pas admissible que de vrais chrétiens aient dénoncé leurs frères ; mais on put saisir des papiers ; quelques néophytes à peine initiés purent céder à la torture. On fut surpris de la multitude des adhérents qu’avaient réunis ces doctrines ténébreuses ; on en parla non sans épouvante. Tous les hommes sensés trouvèrent l’accusation d’avoir mis le feu extrêmement faible. « Leur vrai crime, disait-on, c’est la haine du genre humain. » Quoique persuadés que l’incendie était le crime de Néron, beaucoup de Romains sérieux virent dans ce coup de filet de la police une façon de délivrer la ville d’une peste très-meurtrière. Tacite, malgré quelque pitié, est de cet avis[38]. Quant à Suétone, il range parmi les mesures louables de Néron les supplices qu’il fit subir aux partisans de la nouvelle et malfaisante superstition[39].

Ces supplices furent quelque chose d’effroyable. On n’avait jamais vu de pareils raffinements de cruauté. Presque tous les chrétiens arrêtés étaient des humiliores, des gens de rien. Le supplice de ces malheureux, quand il s’agissait de lèse-majesté ou de sacrilège, consistait à être livrés aux bêtes ou brûlés vifs dans l’amphithéâtre[40], avec accompagnement de cruelles flagellations[41]. Un des traits les plus hideux des mœurs romaines était d’avoir fait du supplice une fête, et de la vue de la tuerie un jeu public[42]. La Perse, à ses moments de fanatisme et de terreur, avait connu d’affreux déploiements de tortures ; plus d’une fois elle y avait goûté une sorte de volupté sombre ; mais jamais avant la domination romaine on n’avait été jusqu’à chercher dans ces horreurs un divertissement public, un sujet de rires et d’applaudissements. Les amphithéâtres[43] étaient devenus les lieux d’exécution ; les tribunaux fournissaient l’arène. Les condamnés du monde entier étaient acheminés sur Rome pour l’approvisionnement du cirque et l’amusement du peuple[44]. Que l’on joigne à cela une atroce exagération dans la pénalité, qui faisait que de simples délits étaient punis de mort ; qu’on y ajoute de nombreuses erreurs judiciaires, résultat d’une procédure criminelle défectueuse, on concevra que toutes les idées fussent perverties. Les suppliciés étaient considérés bien plutôt comme des malheureux que comme des criminels ; en bloc, on les tenait pour presque innocents, innoxia corpora[45].

À la barbarie des supplices, cette fois, on ajouta la dérision. Les victimes furent gardées pour une fête, à laquelle on donna sans doute un caractère expiatoire. Rome compta peu de journées aussi extraordinaires. Le ludus matutinus, consacré aux combats d’animaux[46], vit un défilé inouï. Les condamnés, couverts de peaux de bêtes fauves, furent lancés dans l’arène, où on les fit déchirer par des chiens ; d’autres furent crucifiés[47] ; d’autres, enfin, revêtus de tuniques trempées dans l’huile, la poix ou la résine, se virent attachés à des poteaux et réservés pour éclairer la fête de nuit. Quand le jour baissa, on alluma ces flambeaux vivants. Néron offrit pour le spectacle les magnifiques jardins qu’il possédait au delà du Tibre et qui occupaient l’emplacement actuel du Borgo, de la place et de l’église Saint-Pierre[48]. Il s’y trouvait un cirque, commencé par Caligula, continué par Claude, et dont un obélisque, tiré d’Héliopolis (celui-là même qui marque de nos jours le centre de la place Saint-Pierre), était la borne[49]. Cet endroit avait déjà vu des massacres aux flambeaux. Caligula, en se promenant, y fit décapiter à la lueur des torches un certain nombre de personnages consulaires, de sénateurs et de dames romaines[50]. L’idée de remplacer les falots par des corps humains imprégnés de substances inflammables put paraître ingénieuse. Comme supplice, cette façon de brûler vif n’était pas neuve ; c’était la peine ordinaire des incendiaires, ce qu’on appelait la tunica molesta[51] ; mais on n’en avait jamais fait un système d’illumination. À la clarté de ces hideuses torches, Néron, qui avait mis à la mode les courses du soir[52], se montra dans l’arène, tantôt mêlé au peuple en habit de jockey, tantôt conduisant son char et recherchant les applaudissements. Il y eut pourtant quelques signes de compassion. Même ceux qui croyaient les chrétiens coupables et qui avouaient qu’ils avaient mérité le dernier supplice eurent horreur de ces cruels plaisirs. Les hommes sages eussent voulu qu’on fît seulement ce qu’exigeait l’utilité publique, qu’on purgeât la ville d’hommes dangereux, mais qu’on n’eût pas l’air de sacrifier des criminels à la férocité d’un seul[53].

Des femmes, des vierges furent mêlées à ces jeux horribles[54]. On se fit une fête des indignités sans nom qu’elles souffrirent. L’usage s’était établi sous Néron de faire jouer aux condamnés dans l’amphithéâtre des rôles mythologiques, entraînant la mort de l’acteur. Ces hideux opéras, où la science des machines atteignait à des effets prodigieux[55], étaient chose nouvelle ; la Grèce eût été surprise, si on lui eût suggéré une pareille tentative pour appliquer la férocité à l’esthétique, pour faire de l’art avec la torture. Le malheureux était introduit dans l’arène richement costumé en dieu ou en héros voué à la mort, puis représentait par son supplice quelque scène tragique des fables consacrées par les sculpteurs et les poëtes[56]. Tantôt c’était Hercule furieux, brûlé sur le mont Œta, arrachant de dessus sa peau la tunique de poix enflammée ; tantôt Orphée mis en pièces par un ours, Dédale précipité du ciel et dévoré par les bêtes, Pasiphaé subissant les étreintes du taureau, Attys[57] meurtri ; quelquefois, c’étaient d’horribles mascarades, où les hommes étaient accoutrés en prêtres de Saturne, le manteau rouge sur le dos, les femmes en prêtresses de Cérès, portant les bandelettes au front[58] ; d’autres fois enfin, des pièces dramatiques, au courant desquelles le héros était réellement mis à mort, comme Lauréolus[59], ou bien des représentations d’actes tragiques comme celui de Mucius Scævola[60]. À la fin, Mercure, avec une verge de fer rougie au feu, touchait chaque cadavre pour voir s’il remuait ; des valets masqués, représentant Pluton ou l’Orcus, traînaient les morts par les pieds, assommant avec des maillets tout ce qui palpitait encore[61].

Les dames chrétiennes les plus respectables durent se prêter à ces monstruosités. Les unes jouèrent le rôle des Danaïdes, les autres celui de Dircé[62]. Il est difficile de dire en quoi la fable des Danaïdes pouvait fournir un tableau sanglant. Le supplice que toute la tradition mythologique attribue à ces femmes coupables, et dans lequel on les représentait[63], n’était pas assez cruel pour suffire aux plaisirs de Néron et des habitués de son amphithéâtre. Peut-être défilèrent-elles portant des urnes[64], et reçurent-elles le coup fatal d’un acteur figurant Lyncée[65]. Peut-être vit-on Amymone, l’une des Danaïdes, poursuivie par un satyre et violée par Neptune[66]. Peut-être enfin ces malheureuses traversèrent-elles successivement devant les spectateurs la série des supplices du Tartare, et moururent-elles après des heures de tourments. Les représentations de l’enfer étaient à la mode. Quelques années auparavant (l’an 41), des Égyptiens et des Nubiens vinrent à Rome et eurent un grand succès, en donnant des séances de nuit, où l’on montrait par ordre les horreurs du monde souterrain[67], conformément aux peintures des syringes de Thèbes, notamment du tombeau de Séthi Ier.

Quant aux supplices des Dircés, il n’y a pas de doute. On connaît le groupe colossal désigné sous le nom de Taureau Farnèse, maintenant au musée de Naples. Amphion et Zéthus attachent Dircé aux cornes d’un taureau indompté, qui doit la traîner à travers les rochers et les ronces du Cithéron[68]. Ce médiocre marbre rhodien, transporté à Rome dès le temps d’Auguste, était l’objet de l’universelle admiration[69]. Quel plus beau sujet pour cet art hideux que la cruauté du temps avait mis en vogue et qui consistait à faire des tableaux vivants avec les statues célèbres ? Un texte et une fresque de Pompéi semblent prouver que cette scène terrible était souvent représentée dans les arènes, quand on avait à supplicier une femme[70]. Attachées nues par les cheveux[71] aux cornes d’un taureau furieux[72] les malheureuses assouvissaient les regards lubriques d’un peuple féroce. Quelques-unes des chrétiennes immolées de la sorte étaient faibles de corps[73] ; leur courage fut surhumain ; mais la foule infâme n’eut d’yeux que pour leurs entrailles ouvertes et leurs seins déchirés.

Néron fut sans doute présent à ces spectacles. Comme il était myope, il avait coutume de porter dans l’œil, quand il suivait les combats des gladiateurs, une émeraude concave qui lui servait de lorgnon[74]. Il aimait à faire parade de ses connaissances de sculpteur ; on prétend que sur le cadavre de sa mère il émit d’odieuses remarques, louant ceci, blâmant cela. Une chair palpitant sous la dent des bêtes, une pauvre fille timide, voilant sa nudité d’un geste chaste, puis soulevée par un taureau et mise en lambeaux sur les cailloux de l’arène, devaient offrir des formes plastiques et des couleurs dignes d’un connaisseur comme lui. Il était là, au premier rang, sur le podium[75], mêlé aux vestales et aux magistrats curules, avec sa mauvaise figure, sa vue basse, ses yeux bleus, ses cheveux châtains, bouclés en étages. sa lèvre redoutable, son air méchant et bête à la fois de gros poupard niais, béat, bouffi de vanité[76], pendant qu’une musique d’airain[77] vibrait dans l’air, ondulé par une buée de sang. Il raisonnait sans doute en artiste sur l’attitude pudique de ces nouvelles Dircés, et trouva, j’imagine, qu’un certain air de résignation donnait à ces femmes pures, près d’être déchirées, un charme qu’il n’avait pas connu jusque-là.

On se souvint longtemps de cette scène hideuse, et sous Domitien encore, quand on voyait un acteur mis à mort dans son rôle, surtout un Lauréolus, mourant effectivement sur la croix, on pensait aux piacula de l’an 64, on supposait que c’était un incendiaire de la ville de Rome[78]. Les noms de sarmentitii ou sarmentarii (gens sentant le fagot), de semaxii (poteaux de bûcher)[79], le cri populaire : « Les chrétiens aux lions[80] ! » paraissent aussi dater de ce temps. Néron, avec une sorte d’art savant, avait frappé le christianisme naissant d’une empreinte indélébile ; le nævus sanglant inscrit au front de l’Église martyre ne s’effacera plus.

Ceux des frères qui ne furent pas torturés eurent en quelque sorte leur part dans les supplices des autres par la sympathie qu’ils leur témoignèrent et le soin qu’ils prirent de les visiter dans les fers. Ils achetèrent souvent cette dangereuse faveur au prix de tous leurs biens. Les survivants de la crise furent entièrement ruinés. À peine y songeaient-ils ; ils ne voyaient que les biens durables du ciel et se disaient sans cesse : « Encore un peu, et celui qui doit venir viendra[81]. »

Ainsi s’ouvrit ce poëme extraordinaire du martyre chrétien, cette épopée de l’amphithéâtre, qui va durer deux cent cinquante ans, et d’où sortiront l’ennoblissement de la femme, la réhabilitation de l’esclave, par des épisodes comme ceux-ci : Blandine en croix, éblouissant les yeux de ses compagnons qui voient dans la douce et pâle servante l’image de Jésus crucifié ; Potamiène défendue contre les outrages par le jeune officier qui la conduit au supplice ; la foule saisie d’horreur quand elle aperçoit les seins humides de Félicité ; Perpétue épinglant dans l’arène ses cheveux piétinés par les bêtes, pour ne pas paraître affligée[82]. La légende raconte qu’une de ces saintes, marchant au supplice, rencontra un jeune homme qui, touché de sa beauté, eut pour elle un regard de pitié. Voulant lui laisser un souvenir, elle tire le mouchoir qui couvrait son sein et le lui donne ; enivré de ce gage d’amour, le jeune homme court un instant après au martyre. Tel fut, en effet, le charme dangereux de ces drames sanglants de Rome, de Lyon, de Carthage. La volupté des patients de l’amphithéâtre devint contagieuse, comme sous la Terreur la résignation des « victimes ». Les chrétiens se présentent avant tout à l’imagination du temps comme une race obstinée à souffrir ; le désir de la mort est désormais leur signe[83]. Pour arrêter le trop d’empressement au martyre, il faudra la menace la plus terrible, la note d’hérésie, l’expulsion de l’Église.

La faute que commirent les classes éclairées de l’empire en provoquant cette exaltation fiévreuse ne saurait être assez blâmée. Souffrir pour sa croyance est quelque chose de si doux à l’homme, que cet attrait seul suffit pour faire croire. Plus d’un incrédule s’est converti sans autre raison que celle-là ; en Orient même, on a vu des imposteurs mentir pour le plaisir de mentir et d’être victimes de leur mensonge. Il n’y a pas de sceptique qui ne regarde le martyr d’un œil jaloux, et ne lui envie le bonheur suprême, qui est d’affirmer quelque chose. Un secret instinct nous porte, d’ailleurs, à être avec ceux qui sont persécutés. Quiconque s’imagine arrêter un mouvement religieux ou social par des mesures coercitives fait donc preuve d’une complète ignorance du cœur humain, et témoigne qu’il ne connaît pas les vrais moyens d’action de la politique.

Ce qui est arrivé une fois peut arriver encore. Tacite se fût détourné avec indignation, si on lui eût montré l’avenir de ces chrétiens qu’il traitait de misérables. Les honnêtes Romains se fussent récriés, si quelque observateur doué d’esprit prophétique eût osé leur dire : « Ces incendiaires seront le salut du monde. » De là une objection éternelle contre le dogmatisme des partis conservateurs, un gauchissement sans remède de la conscience, une secrète perversion du jugement. Des misérables, honnis par tous les gens comme il faut, sont devenus des saints. Il ne serait pas bon que les démentis de cette sorte fussent fréquents. Le salut de la société veut que ses sentences ne soient pas trop souvent réformées. Depuis la condamnation de Jésus, depuis que les martyrs se sont trouvés avoir eu gain de cause dans leur révolte contre la loi, il y a toujours eu, en fait de crimes sociaux, comme un appel secret de la chose jugée. Pas de condamné qui n’ait pu dire : « Jésus aussi fut frappé ; les martyrs furent tenus pour des hommes dangereux dont il fallait purger la société, et pourtant les siècles suivants leur ont donné raison. » Grave blessure pour ces lourdes affirmations par lesquelles une société cherche à se figurer que ses ennemis manquent de toute raison et de toute moralité !

Après le jour où Jésus expira sur le Golgotha, le jour de la fête des jardins de Néron (on peut le fixer vers le 1er août de l’an 64) fut le plus solennel dans l’histoire du christianisme. La solidité d’une construction est en proportion de la somme de vertu, de sacrifices, de dévouement qu’on a déposée dans ses bases. Les fanatiques seuls fondent quelque chose ; le judaïsme dure encore, à cause de la frénésie intense de ses prophètes, de ses zélateurs ; le christianisme, à cause du courage de ses premiers témoins. L’orgie de Néron fut le grand baptême de sang qui désigna Rome, comme la ville des martyrs, pour jouer un rôle à part dans l’histoire du christianisme, et en être la seconde ville sainte. Ce fut la prise de possession de la colline Vaticane par ces triomphateurs d’un genre inconnu jusque-là. L’odieux écervelé qui gouvernait le monde ne s’aperçut pas qu’il était le fondateur d’un ordre nouveau, et qu’il signait pour l’avenir une charte, écrite avec du cinabre, dont les effets devaient être revendiqués au bout de dix-huit cents ans. Rome, rendue responsable de tout le sang versé[84], devint comme Babylone une sorte de ville sacramentelle et symbolique. Néron prit, en tout cas, ce jour-là une place de premier ordre dans l’histoire du christianisme. Ce miracle d’horreur, ce prodige de perversité fut pour tous un signe évident. Cent cinquante ans après, Tertullien s’écrie : « Oui, nous sommes fiers que notre mise hors la loi ait été inaugurée par un tel homme ! Quand on a bien appris à le connaître, on comprend que ce qui fut condamné par Néron n’a pu être qu’un grand bien[85]. » Déjà l’idée s’était répandue que la venue du vrai Christ serait précédée de la venue d’une sorte de Christ infernal, qui serait en tout le contraire de Jésus[86]. Il n’y avait plus à douter ; L’Antichrist, le Christ du mal, existait. L’Antichrist, c’était ce monstre à face humaine, composé de férocité, d’hypocrisie, d’impudicité, d’orgueil, qui courait le monde en héros ridicule, éclairait ses triomphes de cocher avec des flambeaux de chair humaine, s’enivrait du sang des saints, peut-être faisait pis encore. On est tenté de croire, en effet, que c’est aux chrétiens que se rapporte un passage de Suétone sur un jeu monstrueux que Néron avait inventé. On attachait nus aux poteaux de l’arène des adolescents, des hommes, des femmes, des jeunes filles. Une bête sortait de la cavea, s’assouvissait sur chacun de ces corps[87]. L’affranchi Doryphore faisait semblant d’abattre la bête. Or la bête, c’était Néron revêtu d’une peau d’animal fauve. Doryphore était un infâme[88], à qui Néron s’était marié, en poussant les cris d’une vierge qu’on outrage[89]… Le nom de Néron est trouvé ; ce sera la Bête. Caligula a été l’Anti-Dieu, Néron sera l’Anti-Christ. L’Apocalypse est conçue. La vierge chrétienne qui, attachée au poteau, a subi les hideux embrassements de la Bête, portera cette affreuse image avec elle dans l’éternité.

Ce jour fut également celui où se créa, par une antithèse étrange, la charmante équivoque dont l’humanité a vécu des siècles et en partie vit encore. Ce fut une heure comptée au ciel que celle où la chasteté chrétienne, jusque-là si soigneusement cachée, apparut au grand jour, devant cinquante mille spectateurs, et posa comme en un atelier de sculpteur, dans l’attitude d’une vierge qui va mourir. Révélation d’un secret qu’ignora l’antiquité, proclamation éclatante de ce principe que la pudeur est une volupté et à elle seule une beauté ! Déjà nous avons vu le grand magicien qu’on appelle l’imagination, et qui modifie de siècle en siècle l’idéal de la femme, travailler incessamment à mettre au-dessus de la perfection de la forme l’attrait de la modestie (Poppée ne régna qu’en s’en donnant les dehors) et d’une humilité résignée (là fut le triomphe de la bonne Acté). Habitué à marcher toujours à la tête de son siècle dans les voies de l’inconnu, Néron eut, ce semble, la primeur de ce sentiment, et découvrit, en ses débauches d’artiste, le philtre d’amour de l’esthétique chrétienne. Sa passion pour Acté et pour Poppée prouve qu’il était capable de sensations délicates, et, comme le monstrueux se mêlait à tout ce qu’il touchait, il voulut se donner le spectacle de ses rêves. L’image de l’aïeule de Cymodocée se réfracta, comme l’héroïne d’un camée antique, au foyer de son émeraude. En obtenant les applaudissements d’un connaisseur aussi exquis, d’un ami de Pétrone, qui peut-être salua la moritura de quelqu’une de ces citations de poëtes classiques qu’il aimait, la nudité timide de la jeune martyre devint rivale de la nudité, sûre d’elle-même, d’une Vénus grecque. Quand la main brutale de ce monde épuisé, qui cherchait sa fête dans les tourments d’une pauvre fille, eut arraché les voiles de la pudeur chrétienne, celle-ci put dire : Moi aussi, je suis belle. Ce fut le principe d’un art nouveau. Éclose sous les yeux de Néron, l’esthétique des disciples de Jésus, qui s’ignorait jusque-là, dut la révélation de sa magie au crime qui, déchirant sa robe, lui ravit sa virginité.

  1. Philosophumena, IX, 26. « Non Cæsaribus honor. » Tac., Hist., V, 5.
  2. Comp. Carmina sibyllina, IV, 172 et suiv. (morceau écrit vers l’an 75). Cf. II Petri, iii, 7-13.
  3. Tacite, Ann., XV, 44.
  4. Apoc., xviii.
  5. Apoc., viii, 35.
  6. Tertullien, Apol., 37.
  7. Les Juifs, en 67, furent accusés d’avoir voulu brûler Antioche. Jos., B. J., VII, iii, 2-4.
  8. Pline, Epist., X, 97.
  9. Apoc., xviii.
  10. Dion Cassius, LXII, 18 (τοῖς τὴν πόλιν ἐμπρήσασι καταρώμενοι).
  11. « Cum maxime Romæ orientem. » Tertullien, Apolog., 5.
  12. Phil., iv, 22.
  13. Suétone, Néron, 40. Cf. Tacite, Ann., XV, 36.
  14. Tacite, Hist., I, 10 ; V, 13 ; Suét., Vesp., 4. Cf. Jos., B. J., III, viii, 9 ; Talm. de Bab., Gittin, 56 a.
  15. Notez l’importance des juifs aux yeux de Martial, de Perse et de Juvénal. Voyez surtout Perse, v, 179 et suiv.
  16. Josèphe, Ant., XVIII, XIX, XX.
  17. Mém. de l’Académie des inscr. et belles-lettres, XXVI, lre partie, p. 294 et suiv.
  18. Jos., Ant., XX, viii, 3, 11 ; xi, 1 ; B. J., IV, ix, 2 ; Vita, 3. Voir ci-dessus, p. 29.
  19. Mommsen, Inscr. regni Neap., no 6467 (sans égard pour les observations de Garrucci, Cimitero, p. 24-25 ; j’ai vérifié l’inscription au musée de Naples). Pour le nom d’Aster, v. Renier, Insc. de l’Alg., no  3340.
  20. C’est à tort, cependant, qu’on a conclu des larves funéraires qui se voient sur le couvercle du sarcophage de la juive Faustina (Lupi, Epit. Sev., p. 177-178 ; Corpus inscr. gr., no 9920) que cette Faustina était actrice.
  21. Jos., Vita, 3.
  22. Hélius, Polyclète, Icèle, Patrobius, Épaphrodite. Cf. Tacite, Hist., II, 95.
  23. Tac., Ann., XV, 30 ; Suét., Néron, 34, 36, 40, 47 ; Carm. sib., V, 146 et suiv.
  24. L’hypothèse d’une jalousie de la juive Poppée et de la chrétienne Acté est bien peu probable, puisque le christianisme d’Acté est douteux.
  25. Jos., B. J., II, xv, 1.
  26. Tertullien, Apol., 21. Sénèque ne les distinguait pas ; les chrétiens n’eurent jamais d’individualité pour lui. Augustin, De civit. Dei, VI, c. 11.
  27. Comp. Tac., Ann., XV, 44 ; Hist., V, 5, et la phrase restituée, d’après Sulpice Sévère, par Bernays, Über die Chronik des Sulp. Severus, p. 57.
  28. Διὰ ζῆλον. Clém. Rom., Ad Cor. I, ch. 3, 5 et 6.
  29. Clém. Rom., épître citée, c. 3.
  30. Actes des Apôtres à chaque page. Comp. Actes de saint Polycarpe, 17-18. Notez licet contrarias sibi, dans le discours de Titus. Sulp. Sev. (Tacite), II, xxx, 6.
  31. Voir ci-dessus, p. 11, note 2.
  32. Acta Petri et Pauli, 78 ; Pseudo-Marcellus ; Pseudo-Lin ; Pseudo-Abdias, I, 18 ; Pseudo-Hégésippe, III, 2 ; Grégoire de Tours, Hist. eccl., I, 24.
  33. L’intervention de Tigellin y compromettrait Poppée. « Poppæa et Tigellino coram, quod erat sævienti principi intimum consiliorum. » Tacite, Ann., XV, 61.
  34. Συνηθροίσθη. Clém. Rom., Ad Cor. I, 6.
  35. Pasteur d’Hermas, I, vis. iii, 2.
  36. Multitudo ingens, Tacite, Ann., XV, 44 ; πολὺ πλῆθος ἐκλεκτῶν, Clém. Rom., Ad Cor. I, 6 ; ὄχλος πολύς, Apoc., vii, 9, 14.
  37. Apoc., xii, 17, qui paraît une allusion aux atrocités de l’an 64.
  38. Ann., XV, 44.
  39. Néron, 16.
  40. Paul, Sentent., V, xxix, 1 : « Humiliores bestiis objiciuntur vel vivi exuruntur ; honestiores capite puniuntur. » Ulpien, Digeste, 1, 6, pr.. ad legem Juliam peculatus (xlviii, 13). Comp. θεατριζόμενοι, Hebr., x, 33 ; Jos., B. J., VII, iii, 1 ; lettre des Églises de Lyon et de Vienne, dans Eus., H. E., V, 1 ; Mart. Polyc., 11-13 ; Tertullien, Apol., 12 ; Lactance, De mortibus persecut., 13, 21. Mourir dans le cirque était aussi la peine des esclaves criminels. Pétrone, p. 145-146 (éd. Bücheler).
  41. Past. d’Herm., I, vis. iii, 2. Comp. les Actes des martyrs de Lyon (Eus., H. E., V, i, 38) et d’Afrique, § 18 (Ruinart, p. 100).
  42. Philon, In Flaccum, § 10 ; Jos., B. J., VIII, iii, 1 ; Suétone, Néron, 12.
  43. Les amphithéâtres de ce temps étaient en bois. La construction des amphithéâtres en pierre date des empereurs flaviens. Suét., Vesp., 9.
  44. Martyrium S. Ignatii, 2 : εἰς τρέψιν τοῦ δήμου.
  45. Manilius, Astron., V, 616 et suiv. Comparez les idées que le moyen âge attacha aux mots marturiare, martroi.
  46. Sénèque, Epist., 7, ; Suétone, Claude, 34 ; Martial, X, xxv ; XIII, xcv ; Tertullien, Apol., 15. Cf. Ovide, Metam., XI, 26 ; Virgile (redeunt spectacula mane) ; Orelli, nos 2553, 2534. Les martyrs de Carthage (§ 17) font leur dernier repas le soir.
  47. La leçon aut flammandi atque donne lieu à des doutes (v. Bernays, Ueber die Chronik des Sulp. Sev., p. 54-55, note), mais sans grave conséquence. Peut-être le second aut est-il de trop. Flammandi, au sens de ut flammarentur, est bon.
  48. Le « Pré Noiron » du moyen âge.
  49. Suétone, Claude, 21 ; Tacite, Ann., XIV, 14 ; Pline, Hist. nat., XVI, xl (76) ; XXXVI, xi (15). Ce cirque est la « naumachie » dont parlent les Actes de Pierre. Cf. Platner et Bunsen, Beschreibung der Stadt Rom, II, i, 39. L’obélisque a été déplacé par Sixte V. Il était autrefois dans la sacristie de Saint-Pierre.
  50. Sénèque, De ira, III, 18.
  51. Juvénal, Sat., i, 155-156 ; viii, 233-235 ; Martial, Epigr., X, xxv, 5. Comp. Sénèque, De ira, III, 3. Notez l’uri de l’engagement des gladiateurs. Hor., Sat., II, vii, 58 ; Pétrone, p. 149 (Bücheler) ; Sénèque, Epist., 37.
  52. Suétone, Néron, 35.
  53. Tacite, Ann., XV, 44 ; Suét., Néron, 16 ; Clém. Rom., Ad Cor. I, c. 6 ; Tertullien, Apol., 5 (il en appelle aux commentarii officiels) ; Ad nat., I, 7 ; Scorpiace, 15 ; Eus., H. E., II, 22, 25 ; Chron., ad ann. 13 Ner. ; Lactance, De mort. persec., 2 ; Sulpice Sévère, Hist. sacra, II, 29 ; Orose, VII, 7 ; Grégoire de Tours, I, 24 ; Georges le Syncelle, Chron., p. 339. L’écho de cette persécution et les allusions aux supplices qu’on fit souffrir aux chrétiens se trouvent dans Apoc., vi, 9 et suiv. ; vii, 9 et suiv. ; xii, 10-12 et même 17 ; xiii, 7, 10, 15-16 ; xiv, 12-13 ; xvi, 6 ; xii, 6 ; xviii, 24 ; xx, 4 ; Hebr., x, 32 et suiv. ; Pasteur d’Hermas, I, visio iii, c. 2 ; Carm. sibyll., IV, 136 ; V, 136 et suiv., 385 et suiv., peut-être Matth., xxiv, (θλίψις). Nous montrerons bientôt que l’Apocalypse est sortie directement de la persécution de Néron. L’inscription relative à cette persécution (Orelli, no 730) est fausse.
  54. Clém. Rom., Ad Cor. I, c. 6. Διὰ ζῆλος διωχθεῖσαι γυναῖκες Δαναΐδες καὶ Δίρκαι, αἰκίσματα δεινὰ καὶ ἀνόσια παθοῦσαι ἐπὶ τὸν τῆς πίστεως βέϐαιον δρόμον κατήντησαν, καὶ ἔλαϐον γέρας γενναῖον αἱ ἀσθενεῖς τῷ σώματι.
  55. Martial, Spectac., xxi.
  56. Martial, Spectac., v (cf. Suétone, Néron, 12 ; Apulée, Metam., I, 10), viii (cf. Suét., l. c.), xxi ; Tertullien, Apolog., 15 (cf. 9) ; Ad nationes, I, 10. La tunica molesta impliquait d’ordinaire la représentation d’Hercule sur le mont Œta (Juv., viii, 235 ; Martial, X, xxv, 5).
  57. Peut-être le confondait-on avec Adonis tué par un sanglier.
  58. Actes des martyrs d’Afrique, § 18.
  59. V. ci-dessus, p. 45.
  60. Martial, Epigr., VIII, xxx ; X, xxv.
  61. Tertullien, Apol., 15. Cf. Suétone, Néron, 36.
  62. Clém. Rom., Ad Cor. I, c. 6.
  63. Pausanias, X, xxxi, 9, 11 ; Musée Pio-Clém., t. IV, tab. 36.
  64. Musée Pio-Clémentin, II, 2 ; Guigniaut, Rel. de l’ant., pl. no 606 a. Cf. Bullettino dell’ Inst. di corr. arch., 1843, p. 119-123.
  65. Schol. d’Euripide, Hécube, v. 886 ; comp. Servius, ad Virg. Æn., X, 497.
  66. Hygin, Fabulæ, 169. Comp. ci-après, p. 179.
  67. Suétone, Caïus, 57.
  68. Real Museo Borbonico, t. XIV, tav. iv et v ; Guigniaut, Relig. de l’antiquité, pl. 728, 728 a ; Gargiulo, t. I, nos 1-3 ; III, no 23. Comparez Memorie della R. Accademia Ercolanese. t. III, p. 386 et suiv, ; t. IV. (1re partie ; t. VII. p. 1 et suiv. ; Raoul Rochette, Choix de peint. de Pompéi, pl. xxiii, p. 277-288 ; Ann. de l’Institut de corr. arch., t. XI (1839), p. 287-292 ; Helbig, Wandgemälde, nos 1151, 1152, 1153 ; Jahn, Archæol. Zeitung, 1853. nos 36 et suiv.
  69. Pline, XXXVI. v (4). Voir Brunn, cité ci-dessus, p. 129, note 3.
  70. « Videt… memorandi spectaculi scenam, non tauro sed asino dependentem Dircen aniculam. » Apulée, Metam., VI, 127 (édit. Oudendorp, p. 435-436). Cf. Lucien, Lucius, 23 (lisez γραῦν Δίρκην οὐκ ἐκ ταύρου ἀλλ’ ἐξ ὄνου). Voir surtout Memorie della R. Accademia Ercolanese, vol. VII, planche du 1er mémoire, où le supplice paraît représenté comme un spectacle [observation de M. Minervini].
  71. « Dircen ad taurum crinibus religatam necant. » Hygin. Fabulæ, fab. 8.
  72. Comparez le supplice de sainte Blandine, exposée dans un filet à un taureau, et celui de sainte Perpétue et de sainte Félicité, exposées également, dans un filet à une vache furieuse. Lettre dans Eusèbe, H. E., V, 4 ; Martyrs d’Afrique, § 20.
  73. Clém. Rom., Ad Cor. I, c. 6.
  74. Pline, H. N., XXXVII, v (16).
  75. Suétone, Néron, 12.
  76. Voir ses portraits aux musées du Capitole, du Vatican, du Palatin, du Louvre. Cf. Pline, H. N., XI, xxvii (54).
  77. Voir la mosaïque de Nennig.
  78. Martial, Spectac., vii, 10 ; Juvénal, viii, 233-235.
  79. De semaxis, demi-ais, auquel on attachait les malheureux condamnés à être brûlés vifs.
  80. Tertullien, Apol., c. 14, 40.
  81. Hebr., x, 32 et suiv.
  82. « Dispersos capillos infibulavit ; non enim decebat martyrem disparsis capillis pati, ne in sua gloria plangere videretur. »
  83. Moriendi contemptus de Tacite, Hist., V, 5, s’applique, il est vrai, aux juifs, non aux chrétiens (Tacite fait bien la distinction des deux religions). Ce que Épictète et Marc-Aurèle disent des Galiléens s’applique aussi aux fanatiques du siège. Voir les Apôtres, p. 235, note 4.
  84. Apoc., xviii, 24 ; xix, 2.
  85. Apolog., 5 ; Ad nationes, I, 7. Cf. Sulpice Sévère, II, 28.
  86. Voir Saint Paul, p. 252 et suiv.
  87. « Inguina invadebat, et cum affatim desævisset… »
  88. Doryphore était probablement son nom de théâtre. Tacite (Ann., XV, 37) et Dion Cassius (LXII, 28 ; LXIII, 13, 22) l’appellent Pythagore. V. cependant Dion Cassius, LXI, 5.
  89. Suétone, Néron, 29 ; Dion Cassius, LXIII, 13 (cf. LXII, 28 : LXIII, 12). Rapprocher Tacite, Ann., XV, 44 ; Clém. Rom., Ad Cor. I, c. 6. (γυναῖκες… αἰκίσματα δεινὰ καὶ ἀνόσια παθοῦσαι), et surtout le rôle de Néron dans l’Apocalypse sous le nom de τὸ θηρίον. Cf. Hebr., x, 33 ; Carm. sibyll., livre V (écrit vers l’an 140). v. 385 et suiv.