L’Antéchrist (Renan)/III. État des Églises de Judée

Michel Lévy (p. 46-72).


CHAPITRE III.


ÉTAT DES ÉGLISES DE JUDÉE. — MORT DE JACQUES.


Le mauvais vouloir dont l’Église chrétienne était l’objet à Rome, peut-être même en Asie Mineure et en Grèce, se faisait sentir jusqu’en Judée[1] ; mais la persécution avait ici de tout autres causes. C’étaient les riches sadducéens, l’aristocratie du temple, qui se montraient acharnés contre les bons pauvres et blasphémaient le nom de « chrétien[2] ». Vers le temps où nous sommes, se répandit une lettre de Jacques, « serviteur de Dieu et du Seigneur Jésus-Christ », adressée « aux douze tribus de la dispersion[3] ». C’est un des plus beaux morceaux de la première littérature chrétienne, rappelant tantôt l’Évangile, tantôt la sagesse douce et reposée de l’Ecclésiaste[4]. L’authenticité de tels écrits, vu le nombre des fausses lettres apostoliques qui circulaient[5], est toujours douteuse. Peut-être le parti judéo-chrétien, habitué à faire jouer à son gré l’autorité de Jacques, lui attribua-t-il ce manifeste, où le désir de contredire les novateurs se fait sentir[6]. Certainement, si Jacques y eut quelque part, il n’en fut pas le rédacteur. Il est douteux que Jacques sût le grec ; sa langue était le syriaque[7] ; or l’Épître de Jacques est de beaucoup l’ouvrage le mieux écrit du Nouveau Testament ; la grécité en est pure et presque classique[8]. À cela près, le morceau convient parfaitement au caractère de Jacques. L’auteur est bien un rabbin juif ; il tient fortement à la Loi ; pour désigner la réunion des fidèles, il se sert du mot de « synagogue[9] » ; il est adversaire de Paul ; son épître ressemble pour le ton aux Évangiles synoptiques, que nous verrons plus tard sortir de la famille chrétienne dont Jacques avait été le chef. Et néanmoins, le nom du Christ y est mentionné à peine deux ou trois fois, avec la simple qualité de Messie, et sans aucune des hyperboles ambitieuses qu’entassait déjà l’ardente imagination de Paul.

Jacques, ou le moraliste juif qui a voulu se couvrir de son autorité, nous introduit tout d’abord dans un petit cénacle de persécutés. Les épreuves sont un bonheur, car, en mettant la foi au creuset, elles produisent la patience ; or la patience est la perfection de la vertu ; l’homme éprouvé recevra la couronne de vie[10]. Mais ce qui préoccupe surtout notre docteur, c’est la différence du riche et du pauvre. Il avait dû se produire dans la communauté de Jérusalem quelque rivalité entre les frères favorisés de la fortune et ceux qui ne l’étaient pas. Ceux-ci se plaignaient de la dureté des riches, de leur superbe, et gémissaient entre eux[11].

Que le frère humble songe à sa noblesse et le riche à sa bassesse ; car la richesse passera comme la fleur des champs[12]… Mes frères, point de différence de personnes en la foi de Notre-Seigneur Jésus, le Christ de gloire. Je suppose qu’il entre dans votre synagogue un homme ayant un anneau d’or au doigt et revêtu d’habits brillants, qu’il entre aussi un pauvre en habits sales, que vous disiez au premier : « Toi, prends cette bonne place, » et que vous disiez au pauvre : « Toi, reste debout, » ou bien « Assieds-toi sous l’escabeau de mes pieds » ; n’est-ce pas là ce qui s’appelle faire des distinctions entre frères, vous établir juges, dans le mauvais sens ? Écoutez, mes frères bien-aimés. Dieu n’a-t-il pas choisi les pauvres selon le monde pour les enrichir selon la foi et les constituer héritiers du royaume qu’il a promis à ceux qui l’aiment ? Et après cela, vous faites affront au pauvre ! Ne sont-ce pas les riches qui vous tyrannisent et qui vous traînent devant les tribunaux ? Ne sont-ce pas eux qui blasphèment le beau nom[13] qu’on prononce en vous nommant[14] ?…

L’orgueil, la corruption, la brutalité, le luxe des riches sadducéens étaient, en effet, arrivés à leur comble[15]. Les femmes achetaient d’Agrippa II le pontificat pour leur mari à prix d’or[16]. Martha, fille de Boëthus, l’une de ces simoniaques, quand elle allait voir officier son mari, faisait étendre des tapis depuis la porte de sa maison jusqu’au sanctuaire[17]. Le pontificat s’était ainsi singulièrement abaissé. Ces prêtres mondains rougissaient de ce que leurs fonctions avaient de plus saint. Les pratiques du sacrifice étaient devenues repoussantes pour des gens raffinés, que leur devoir condamnait au métier de boucher et d’équarrisseur ! Plusieurs se faisaient faire des gants de soie, pour ne pas gâter par le contact des victimes la peau de leurs mains. Toute la tradition talmudique, d’accord sur ce point avec les Évangiles et avec l’Épître de Jacques, nous représente les prêtres des dernières années avant la ruine du temple comme gourmands, adonnés au luxe, durs pour le pauvre peuple. Le Talmud contient la liste fabuleuse de ce qu’il fallait pour l’entretien de la cuisine d’un grand prêtre ; cela dépasse toute vraisemblance, mais indique l’opinion dominante. « Quatre cris sortirent des parvis du temple, dit une tradition ; le premier : « Sortez d’ici, descendants d’Éli ; vous souillez le temple de l’Éternel ; » le second : « Sortez d’ici, Issachar de Kaphar-Barkaï, qui ne respectez que vous-même, et qui profanez les victimes consacrées au ciel » (c’était celui qui s’enveloppait les mains de soie en faisant son service) ; le troisième : « Ouvrez-vous, portes ; laissez entrer Ismaël, fils de Phabi, le disciple de Pinehas[18], pour qu’il remplisse les fonctions du pontificat ; » le quatrième : « Ouvrez-vous, portes ; laissez entrer Jean, fils de Nébédée, le disciple des gourmands, pour qu’il se gorge de victimes[19]. » Une sorte de chanson ou plutôt de malédiction contre les familles sacerdotales, qui courut vers le même temps les rues de Jérusalem, nous a été conservée :

Peste soit de la maison de Boëthus !
Peste soit d’eux à cause de leurs bâtons !
Peste soit de la maison de Hanan !
Peste soit d’eux à cause de leurs complots !
Peste soit de la maison de Canthéras !
Peste soit d’eux à cause de leurs kalams !
Peste soit de la famille d’Ismaël fils de Phabi !
Peste soit d’eux à cause de leurs poings !

Ils sont grands prêtres, leurs fils sont trésoriers, leurs gendres préposés, et leurs valets frappent sur nous avec des bâtons[20].

La guerre était ouverte entre ces prêtres opulents, amis des Romains, prenant les emplois lucratifs pour eux et leur famille, et les prêtres pauvres, soutenus par le peuple. C’étaient tous les jours des rixes sanglantes. L’impudence et l’audace des familles pontificales alla jusqu’à envoyer leurs gens sur les aires pour enlever les dîmes qui appartenaient au haut clergé ; ils battaient ceux qui refusaient ; les pauvres prêtres étaient dans la misère[21]. Qu’on se figure les sentiments de l’homme pieux, du démocrate juif, riche des promesses de tous les prophètes, maltraité dans le temple (sa maison !) par les laquais insolents de prêtres épicuriens et incrédules ! Les chrétiens groupés autour de Jacques faisaient cause commune avec ces opprimés, qui probablement étaient comme eux de saintes gens (hasidim), très-agréables au peuple. La mendicité semblait devenue une vertu et le signe du patriotisme. Les classes riches étaient amies des Romains, et, à vrai dire, la grande fortune dépendant des Romains, on ne pouvait guère y arriver que par une sorte d’apostasie et de trahison. Haïr les riches était ainsi une marque de piété. Forcés pour ne pas mourir de faim de travailler à ces constructions des Hérodiens, où ils ne voyaient qu’un pompeux étalage de vanité, les hasidim se considéraient comme victimes des infidèles. « Pauvre » passait pour synonyme de « saint[22] ».


Maintenant, riches, pleurez, hurlez sur les malheurs qui vont vous arriver. Vos richesses sont pourries ; vos habits sont mangés aux vers ; votre or, votre argent sont rouilles ; leur rouille rendra témoignage contre vous[23], et mangera vos chairs comme un feu. Vous avez thésaurisé dans les derniers jours[24] ! Voilà que le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos campagnes crie, et la voix des faucheurs est venue jusqu’aux oreilles du Seigneur Sabaoth. Vous avez fait bonne chère sur la terre, vous avez vécu dans les délices ; vous avez été comme les bêtes, qui mangent le jour où on doit les égorger. Vous avez condamné, vous avez tué le juste qui ne vous résistait pas[25].


On sent déjà fermenter dans ces curieuses pages l’esprit des révolutions sociales qui allaient dans quelques années ensanglanter Jérusalem. Nulle part ne s’exprime avec autant de force le sentiment d’aversion pour le monde qui fut l’âme du christianisme primitif. « Se garder immaculé du monde » est le précepte suprême[26]. « Celui qui veut être l’ami du monde est constitué l’ennemi de Dieu[27]. » Tout désir est une vanité, une illusion[28]. La fin est si proche ! Pourquoi se plaindre les uns des autres ? Pourquoi se faire des procès ? Le vrai juge arrive ; il est à la porte[29].


Et maintenant, vous autres qui dites : « Aujourd’hui ou demain, nous irons dans telle ville, et nous y passerons un an, et nous ferons le commerce, et nous gagnerons de l’argent, » sans savoir ce que sera demain votre vie (car vous n’êtes qu’une vapeur visible un moment, puis disparaissant), que vous feriez bien mieux de dire : « Si le Seigneur veut et si nous vivons, nous ferons ceci ou cela[30] ! »


Quand il parle de l’humilité, de la patience, de la miséricorde, de l’exaltation des humbles, de la joie qui est au fond des larmes[31], Jacques semble avoir gardé le souvenir des propres paroles de Jésus. On sent néanmoins qu’il tenait beaucoup à la Loi[32]. Tout un paragraphe de son épître[33] est consacré à prémunir les fidèles contre la doctrine de Paul sur l’inutilité des œuvres et sur le salut par la foi[34]. Une phrase de Jacques (ii, 24) est la négation directe d’une phrase de l’Épître aux Romains (iii, 28). En opposition avec l’apôtre des gentils (Rom., iv, 1 et suiv.), l’apôtre de Jérusalem soutient (ii, 21 et suiv.) qu’Abraham fut sauvé par les œuvres, que la foi sans les œuvres est une foi morte. Les démons ont la foi, et apparemment ne sont pas sauvés. Sortant ici de sa modération habituelle, Jacques appelle son adversaire un « homme creux[35] ». Dans un ou deux autres endroits[36], on peut voir une allusion détournée aux débats qui divisaient déjà l’Église, et qui rempliront l’histoire de la théologie chrétienne quelques siècles plus tard.

Un esprit de haute piété et de charité touchante animait cette Église de saints. « La religion pure et immaculée devant le Dieu Père, disait Jacques, est de veiller sur les orphelins et les veuves dans leur détresse[37]. » Le pouvoir de guérir les maladies, surtout par des onctions d’huile[38], était considéré comme de droit commun parmi les fidèles ; même les non-croyants voyaient dans cette médicamentation un don particulier aux chrétiens[39]. Les anciens furent censés en jouir au plus haut degré, et devinrent ainsi des espèces de médecins spirituels. Jacques attache à ces pratiques de médecine surnaturelle la plus grande importance. Le germe de presque tous les sacrements catholiques était déjà posé. La confession des péchés, depuis longtemps pratiquée par les juifs[40], était regardée comme un excellent moyen de pardon et de guérison, deux idées inséparables dans les croyances du temps[41].


Quelqu’un parmi vous est-il dans la peine ? qu’il prie. Quelqu’un est-il dans la joie ? qu’il chante. Quelqu’un parmi vous est-il malade ? qu’il appelle les anciens de l’Église, et que ceux-ci prient sur lui, en l’oignant d’huile au nom du Seigneur, et la prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur le rétablira, et, s’il a commis des péchés, ils lui seront remis. Confessez donc vos péchés les uns aux autres, et priez l’un sur l’autre, afin que vous guérissiez. Car la prière d’un juste est bien forte, quand elle s’applique à un objet déterminé.


Les apocalypses apocryphes, où les passions religieuses du peuple s’exprimaient avec tant de force, étaient avidement accueillies dans ce petit groupe de juifs exaltés[42], ou plutôt naissaient à côté de lui, presque dans son sein, de telle sorte que le tissu de ces écrits singuliers et celui des écrits du Nouveau Testament sont souvent difficiles à démêler l’un de l’autre[43]. On prenait réellement ces pamphlets, nés de la veille, pour des paroles d’Hénoch, de Baruch, de Moïse. Les croyances les plus étranges sur les enfers, sur les anges rebelles, sur les géants coupables qui amenèrent le déluge, se répandaient et avaient pour source principale les livres d’Hénoch[44]. Il y avait en toutes ces fables de vives allusions aux événements contemporains. Ce prévoyant Noé, ce pieux Hénoch, qui ne cessent de prédire le déluge à des étourdis qui, pendant ce temps-là, mangent, boivent, se marient, s’enrichissent[45], que sont-ils, si ce n’est les voyants des derniers jours, avertissant en vain une génération frivole, qui ne veut pas admettre que le monde est près de finir ? Une branche entière, une sorte de période de vie souterraine s’ajoutait à la légende de Jésus. On se demandait ce qu’il fit durant les trois jours qu’il passa dans le tombeau[46]. On voulut que pendant ce temps il fût descendu, en livrant un combat à la Mort, dans les prisons infernales où étaient renfermés les esprits rebelles ou incrédules[47] ; que là il eût prêché les ombres et les démons, et préparé leur délivrance[48] Cette conception était nécessaire pour que Jésus fût, dans toute la force du terme, l’universel sauveur ; aussi saint Paul s’y prêtait-il en ses derniers écrits[49]. Pourtant les fictions dont il s’agit ne prirent point leur place dans le cadre des Évangiles synoptiques, sans doute parce que ce cadre était déjà fixé quand elles naquirent. Elles restèrent flottantes hors des textes évangéliques, et ne trouvèrent leur forme que bien plus tard dans l’écrit apocryphe dit « Évangile de Nicodème[50] ».

Le travail par excellence de la conscience chrétienne s’accomplissait cependant dans le silence en Judée ou dans les pays voisins. Les Évangiles synoptiques se créaient membre par membre, comme un organisme vivant se complète peu à peu et atteint, sous l’action d’une mystérieuse raison intime, la parfaite unité. À la date où nous sommes, y avait-il déjà quelque texte écrit sur les actes et les paroles de Jésus ? L’apôtre Matthieu, si c’est de lui qu’il s’agit, avait-il rédigé en hébreu les discours du Seigneur ? Marc, ou celui qui prit son nom, avait-il confié au papier ses notes sur la vie de Jésus[51] ? On en peut douter. Paul, en particulier, n’avait sûrement entre les mains aucun écrit sur les paroles de Jésus. Possédait-il du moins une tradition orale, et en quelque sorte mnémonique, de ces paroles ? On remarque chez lui une telle tradition pour le récit de la Cène[52], peut-être pour celui de la Passion, et jusqu’à un certain point pour celui de la Résurrection[53], mais non pour les paraboles et les sentences. Jésus est à ses yeux une victime expiatoire, un être surhumain, un ressuscité, non un moraliste. Ses citations des paroles de Jésus sont indécises et ne se rapportent pas aux discours que les Évangiles synoptiques mettent dans la bouche de Jésus[54]. Les épîtres apostoliques que nous possédons, outre celles de Paul, ne font non plus supposer l’existence d’aucune rédaction de ce genre.

Ce qui paraît résulter de là, c’est que certains récits, comme celui de la Cène, de la Passion et de la Résurrection, étaient sus par cœur, en des termes qui n’admettaient que peu de variantes[55]. Le plan des Évangiles synoptiques était déjà probablement arrêté[56] ; mais, tandis que les apôtres vivaient, des livres qui eussent prétendu fixer la tradition dont ils se croyaient les seuls dépositaires n’auraient eu aucune chance de se faire accepter[57]. Pourquoi, d’ailleurs, écrire la vie de Jésus ? Il va revenir. Un monde à la veille de finir n’a pas besoin de livres nouveaux. C’est quand les témoins seront morts qu’il sera capital de rendre durable par l’écriture une image qui va s’effaçant chaque jour[58]. À cet égard, les Églises de Judée et des pays voisins avaient une grande supériorité. La connaissance des discours de Jésus y était bien plus exacte et plus étendue qu’ailleurs. On remarque sous ce rapport une certaine différence entre l’Épître de Jacques et les épîtres de Paul. Le petit écrit de Jacques est tout imprégné d’une sorte de parfum évangélique ; on y entend parfois comme un écho direct de la parole de Jésus ; le sentiment de la vie de Galilée s’y retrouve encore avec vivacité[59].

Nous ne savons rien d’historique sur les missions envoyées directement par l’Église de Jérusalem. Cette Église, d’après ses principes mêmes, devait n’être guère portée à la propagande. En général, il y eut peu de missions ébionites et judéo-chrétiennes. L’esprit étroit des ébionim n’admettait que des missionnaires circoncis. D’après le tableau qui nous est tracé par des écrits du second siècle, suspects d’exagération, mais fidèles à l’esprit hiérosolymitain, le prédicateur judéo-chrétien était tenu dans une sorte de suspicion ; on s’assurait de lui ; on lui imposait des épreuves, un noviciat de six ans[60] ; il devait avoir des papiers en règle, une sorte de confession de foi libellée, conforme à celle des apôtres de Jérusalem. De telles entraves étaient un obstacle absolu à un apostolat fécond ; dans de pareilles conditions, le christianisme n’eût jamais été prêché. Aussi les envoyés de Jacques nous paraissent-ils bien plus occupés de renverser les fondations de Paul que de fonder pour leur compte. Les Églises de Bithynie, de Pont, de Cappadoce, qui apparaissent vers ce temps à côté des Églises d’Asie et de Galatie[61], ne provenaient pas, il est vrai, de Paul ; mais il n’est pas probable qu’elles fussent davantage l’œuvre de Jacques ou de Pierre ; elles durent sans doute leur fondation à cette prédication anonyme des fidèles qui fut la plus efficace de toutes. Nous supposons, au contraire, que la Batanée, le Hauran, la Décapole et en général toute la région à l’est du Jourdain, qui sera bientôt le centre et la forteresse du judéo-christianisme, furent évangélisés par des adeptes de l’Église de Jérusalem. On trouvait bien vite de ce côté la limite de la puissance romaine. Or les pays arabes ne se prêtaient nullement à la prédication nouvelle, et les terres soumises aux Arsacides étaient peu ouvertes aux efforts venant des pays romains. Dans la géographie des apôtres, la terre est fort petite. Les premiers chrétiens ne songent jamais au monde barbare ni au monde persan ; le monde arabe lui-même existe à peine pour eux. Les missions de saint Thomas chez les Parthes, de saint André chez les Scythes, de saint Barthélemi dans l’Inde appartiennent à la légende. L’imagination chrétienne des premiers temps se tourne peu vers l’Est ; le but des pérégrinations apostoliques était l’extrémité de l’Occident[62] ; à l’Orient, on dirait que les missionnaires regardent déjà le terme comme atteint.

Édesse entendit-elle dès le premier siècle le nom de Jésus ? Y eut-il dès cette époque du côté de l’Osrhoène une chrétienté parlant syriaque ? Les fables dont cette Église a entouré son berceau ne permettent pas de s’exprimer sur ce point avec certitude[63]. Il est bien probable cependant que les fortes relations que le judaïsme avait de ce côté[64] servirent à la propagation du christianisme. Samosate et la Comagène eurent de bonne heure des personnes instruites faisant partie de l’Église ou du moins très-favorables à Jésus[65]. Ce fut d’Antioche en tout cas que cette région de l’Euphrate reçut la semence de la foi[66].

Les nuages qui s’amoncelaient sur l’Orient troublèrent le cours de ces prédications pacifiques. La bonne administration de Festus ne put rien contre le mal que la Judée portait dans son sein. Les brigands, les zélotes, les sicaires, les imposteurs de toute espèce couvraient le pays. Un magicien se présenta, après vingt autres, promettant au peuple le salut et la fin de ses maux, s’il voulait l’accompagner au désert. Ceux qui le suivirent furent massacrés par les soldats romains[67] ; mais personne ne fut désabusé des faux prophètes. Festus mourut en Judée vers le commencement de l’an 62. Néron lui donna pour successeur Albinus. Vers le même temps, Hérode Agrippa II ôta le pontificat à Joseph Cabi pour le donner à Hanan, fils du célèbre Hanan ou Anne, qui avait contribué plus que personne à la mort de Jésus. Ce fut le cinquième des fils d’Anne qui occupa cette dignité[68].

Hanan le Jeune était un homme hautain, dur, audacieux. C’était la fleur du sadducéisme, la complète expression de cette secte cruelle et inhumaine, toujours portée à rendre l’exercice de l’autorité insupportable et odieux. Jacques, frère du Seigneur, était connu dans tout Jérusalem comme un âpre défenseur des pauvres, comme un prophète à la façon antique, invectivant contre les riches et les puissants[69]. Hanan résolut sa mort. Profitant de l’absence d’Agrippa et de ce que Albinus n’était pas encore arrivé en Judée, il rassembla le sanhédrin judiciaire, et fit comparaître devant lui Jacques et quelques autres saints. On les accusait de violation de la Loi ; ils furent condamnés à la lapidation. L’autorisation d’Agrippa était nécessaire pour rassembler le sanhédrin[70], et celle d’Albinus eût dû être légalement requise pour procéder au supplice ; mais le violent Hanan passait par-dessus toutes les règles. Jacques fut en effet lapidé, près du temple. Comme on avait peine à l’achever, un foulon lui cassa la tête avec le bâton qui lui servait pour apprêter les étoffes. Il avait, dit-on, quatre-vingt-seize ans[71].

La mort de ce saint personnage fit le plus mauvais effet dans la ville. Les dévots pharisiens, les stricts observateurs de la Loi furent très-mécontents. Jacques était universellement estimé ; on le tenait pour un des hommes dont les prières avaient le plus d’efficacité. On prétend qu’un réchabite (probablement un essénien) ou, selon d’autres, Siméon, fils de Clopas, neveu de Jacques, s’écria pendant qu’on le lapidait : « Cessez ; que faites-vous ? Quoi ! vous tuez le juste, qui prie pour vous ? » On lui appliqua le passage d’Isaïe, iii, 10, tel qu’on l’entendait alors : « Supprimons, disent-ils, le juste, parce qu’il nous est incommode ; voilà pourquoi le fruit de leurs œuvres est dévoré. » On fit sur sa mort des élégies hébraïques, pleines d’allusions à des passages bibliques et à son nom d’Obliam[72]. Presque tout le monde enfin se trouva d’accord pour inviter le roi Hérode Agrippa II à mettre des bornes à l’audace du grand prêtre. Albinus fut informé de l’attentat de Hanan, quand il était déjà parti d’Alexandrie pour la Judée. Il écrivit à Hanan une lettre menaçante, puis il le destitua. Hanan n’occupa ainsi le pontificat que trois mois. Les malheurs qui fondirent bientôt sur la nation furent regardés par beaucoup de personnes comme la conséquence du meurtre de Jacques[73]. Quant aux chrétiens, ils virent dans cette mort un signe des temps, une preuve que les catastrophes finales approchaient[74].

L’exaltation, en effet, prenait à Jérusalem des proportions étranges. L’anarchie était à son comble ; les zélotes, quoique décimés par les supplices, étaient maîtres de tout. Albinus ne ressemblait nullement à Festus ; il ne songeait qu’à faire argent de sa connivence avec les brigands[75]. De toutes parts, on voyait les pronostics de quelque chose d’inouï. Ce fut sur la fin de l’an 62 qu’un nommé Jésus, fils de Hanan, sorte de Jérémie ressuscité, commença à courir jour et nuit les rues de Jérusalem en criant : « Voix de l’Orient ! Voix de l’Occident ! Voix des quatre vents ! Voix contre Jérusalem et le temple ! Voix contre les mariés et les mariées ! Voix contre tout le peuple ! » On le fouetta : il répéta le même cri. On le battit de verges jusqu’à ce qu’on lui découvrît les os ; à chaque coup, il répétait d’une voix lamentable : « Malheur ! malheur sur Jérusalem ! » On ne le vit jamais parler à personne. Il allait répétant toujours : « Malheur ! malheur sur Jérusalem ! » sans injurier ceux qui le battaient, ni remercier ceux qui lui donnaient l’aumône. Il continua ainsi jusqu’au siège, sans que sa voix parût jamais affaiblie[76].

Si ce Jésus, fils de Hanan, ne fut pas disciple de Jésus, son cri fatidique fut au moins l’expression vraie de ce qu’il y avait au fond de la conscience chrétienne. Jérusalem avait comblé la mesure. Cette ville qui tue les prophètes, lapide ceux qu’on lui envoie, flagelle les uns, crucifie les autres, est désormais la ville de l’anathème. Vers le temps où nous sommes arrivés, se formaient ces petites apocalypses que les uns attribuaient à Hénoch[77], les autres à Jésus, et qui offrent les plus grandes analogies avec les exclamations de Jésus, fils de Hanan[78]. Ces morceaux entrèrent plus tard dans le cadre des Évangiles synoptiques ; on les présenta comme des discours que Jésus aurait tenus en ses derniers jours[79]. Peut-être déjà le mot d’ordre était-il donné de quitter la Judée et de fuir vers les montagnes[80]. Toujours est-il que les Évangiles synoptiques portèrent profondément le signe de ces angoisses ; ils en gardèrent comme une marque de naissance, une empreinte indélébile. Aux tranquilles axiomes de Jésus, se mêlèrent les couleurs d’une apocalypse sombre, les pressentiments d’une imagination inquiète et troublée. Mais la douceur des chrétiens les mit à l’abri des folies qui agitaient les autres parties de la nation possédées comme eux des idées messianiques. Pour eux, le Messie était venu ; il avait été au désert ; il était monté au ciel depuis trente ans ; les imposteurs ou les exaltés qui cherchaient à entraîner le peuple derrière eux étaient de faux christs et de faux prophètes[81]. La mort de Jacques et peut-être de quelques autres frères[82] les portait, d’ailleurs, de plus en plus à séparer leur cause de celle du judaïsme. En butte à la haine de tous, ils se consolaient en songeant aux préceptes de Jésus. Selon plusieurs, Jésus avait prédit qu’au milieu de toutes ces épreuves, un seul de leurs cheveux ne tomberait pas[83].

La situation était si précaire, on sentait si bien qu’on était à la veille d’une catastrophe, qu’il ne fut pas donné de successeur immédiat à Jacques dans la présidence de l’Église de Jérusalem[84]. Les autres « frères du Seigneur », tels que Jude, Siméon, fils de Clopas, continuèrent d’être les principales autorités dans la communauté. Après la guerre, nous les verrons servir de point de ralliement à tous les fidèles de Judée[85]. Jérusalem n’a plus que huit ans à vivre, et même, bien avant l’heure fatale, l’éruption du volcan lancera au loin le petit groupe de Juifs pieux que rattachait les uns aux autres le souvenir de Jésus.

  1. Jac., i, 2-4, 12 ; iv, 9 ; v, 7 et suiv. L’épître de Jacques et celle de Pierre débutent par une exhortation à la patience.
  2. Jac., ii, 6-7 ; v, 1 et suiv.
  3. Voir ci-après, p. 114-115.
  4. Voir surtout le chap. iii, sur la langue, charmant petit morceau dans le goût des anciens parabolistes hébreux.
  5. II Thess., ii, 2.
  6. Comp. Rom., iii, 27-28 ; iv, 2-5 ; v, 1, à Jac., ii, 21-24.
  7. Eusèbe, Demonstr. evang., III, 5 et 7.
  8. L’Épître de Jude a le même caractère.
  9. Jac., ii, 2. Plus loin, v, 14, il emploie ἐκκλησία.
  10. Jac., i, 2-4, 12.
  11. Cf. Jac., iv, 11 ; v, 9.
  12. Jac., i, 9-11.
  13. C’est-à-dire le nom de « Christ », d’où christianus est dérivé.
  14. Jac., ii, 1 et suiv.
  15. Talm. de Bab., Ioma, 9 a, 35 b ; Derenbourg, Hist. de la Palest., p. 234-236.
  16. Ainsi Martha, fille de Boëthus, pour Jésus fils de Gamala. Mischna, Jebamoth, vi, 4 ; Talm. de Bab., Jebamoth, 61 a ; Ioma, 18 a ; Jos., Ant., XX, ix, 4, 7 ; Derenbourg, Hist. de la Pal., p. 248-249.
  17. Midrasch Eka, i, 16.
  18. Allusion au fils d’Éli, qui profitait des sacrifices, et non au pontife modèle des temps mosaïques. Ce Pinehas, fils d’Éli, n’est pas, il est vrai, un personnage légendaire ; son frère Hophni avait autant de droits d’être cité que lui ; mais on a pu choisir Pinehas pour amener un jeu de mots. V. Derenbourg, Hist. de la Palest., p. 233-234, note.
  19. Talm. de Bab., Pesachim, 57 a ; Kerithoth, 28 a.
  20. Tosifta Menachoth, ad calcem ; Talm. de Bab., Pesachim, 57 a. Derenbourg, Hist. de la Pal., p. 233 et suiv.
  21. Jos., Ant., XX, viii, 8 ; ix, 2.
  22. Voir Vie de Jésus, p. 187 et suiv. (13e édit.).
  23. Cette rouille prouve, en effet, que le riche est avare et amasse depuis très-longtemps.
  24. Thésauriser, quand la fin du monde est si évidemment proche, ne peut passer que pour de la folie.
  25. Jac., v, 1 et suiv.
  26. Jac., i, 27.
  27. Ibid., iv, 4.
  28. Ibid., i, 14 et suiv. ; iv, 1 et suiv.
  29. Ibid., iv, 1 ; v, 7-9.
  30. Jac., iv, 13-15. Comp. Luc, xii, 15 et suiv.
  31. Jac., ii, 8 et suiv. ; iv, 6 et suiv. ; v, 7 et suiv.
  32. Ibid., ii, 10 et suiv. ; iv, 11.
  33. Ibid., ii, 14 et suiv.
  34. En cela Jacques est ébionite. Voir Philosophumena, VII, 34 ; X, 22.
  35. Jac., ii, 20. Comparez le mot de Rabbi Siméon, contemporain de Jacques. Pirke aboth, i, 17.
  36. Jac., i, 22 et suiv., v, 19-20.
  37. Ibid., i, 27.
  38. Cf. Grégoire de Tours, I, 41. La médecine par l’huile et la prière a toujours été par excellence la médecine sémitique. On la retrouve chez les Arabes.
  39. Voir les récits des guérisons opérées par des minim de Caphar-Nahum (chrétiens), dans le Talmud. Le guérisseur en pareil cas s’appelle presque toujours Jacques (Jacob de Caphar-Schekania, Jacob de Caphar-Naboria, Jacob de Caphar-Hanania), et la guérison s’opère au nom de Jésus, fils de Pandéra. Midrasch Kohéleth, i, 8 ; vii, 26 ; Talm. de Babyl., Aboda zara, 27 b ; Talmud de Jérusalem, Aboda zara, ii, fol. 40 d ; Schabbath, xiv, sub fin. Ces traditions se rapportent au premier siècle. Cf. Vie de Jésus, 13e édit., p. 506, note 3.
  40. II Sam., xii, 13 ; Lévit., v, 1 ; Ps. xxxii ; Jos., Ant., VIII, v, 6 ; Mischna, Ioma, iii, 9 ; iv, 2 ; vi, 3.
  41. Math., iii, 6 ; Marc, i, 5 ; Act., xix, 18. Cf. Vie de Jésus, p. 260 et suiv.
  42. Jud., 6, 9, 14-15 ; I Petri, iii, 19-20.
  43. Voir Vie de Jésus, 13e édit., p. xlii-xliii, note 4.
  44. I Petri, iii, 19-20, 22 ; Jud., 6, 9 ; Apoc., xx, 7 ; II Petri, ii, 4, 11. Voir Hénoch, ch. 6 et suiv., en comparant Gen., v, 22 ; vi, 1 et suiv. ; Étienne de Byz., au mot Ἰκόνιον.
  45. Cf. Luc, xvii, 26 et suiv.
  46. Pour l’acheminement de l’imagination vers ce dogme, voir Act., ii, 24, 27, 31.
  47. I Petri, iii, 22, Vulgate.
  48. I Petri, iii, 19-20, 22 ; iv, 6 ; passage interpolé de Jérémie ; Justin, Dial. cum Tryph., 72 ; Irénée, III, xx, 4 ; IV, xxii, 1 ; xxvii, 2 ; xxxiii, 1, 12 ; V, xxxi, 1 ; Tertullien, De anima, 7, 55 ; Clém. d’Alex., Strom., VI, 6 ; Origène, Contra Cels., II, 43 ; Hippolyte, De Antichristo, c. 26. Les efforts des théologiens protestants pour atténuer ce vieux mythe chrétien pèchent contre toute critique.
  49. Phil., ii, 10 ; Col., i, 20 ; Ephes., i, 10 ; iv, 9. Voir déjà Rom., xiv, 9. Cf. Hermas, Past., Sim., ix, 16 ; Clém. d’Alex., Strom., II, 9 ; VI, 6.
  50. Deuxième partie de cet écrit. Cette partie peut n’être que du IVe siècle. Comp. symbole de Sirmium, dans Socrate, Hist. eccl., II, 37.
  51. Papias, dans Eusèbe, H. E., III, 39. Que l’Évangile de Luc n’existât pas, c’est ce que I Petri, ii, 23, comparé à Luc, xxiii, 34, suffirait pour prouver.
  52. I Cor., xi, 23 et suiv. La version de Paul se rapproche surtout de celle de Luc.
  53. I Cor., xv, 3 et suiv.
  54. I Thess., iv, 8, 9 ; v, 2, 6 ; Gal., v, 14 ; I Cor., vii, 10, 12, 25, 40 ; xiii, 2 ; II Cor., iii, 6 ; Rom., xii, 14, 19 ; xiii, 9, 10. Act., xx, 35, ne prouve rien pour Paul.
  55. I Cor., xi, 23 et suiv. Notez la ressemblance du récit de la Passion dans le quatrième Évangile et dans les synoptiques.
  56. Il est bien remarquable que la légende de la vie souterraine de Jésus n’entre pas dans ce plan. Or la légende de la vie souterraine se forma vers l’an 60.
  57. Irénée, Adv. hær., III, 1, veut que Marc n’ait écrit qu’après la mort de Pierre.
  58. L’Église saint-simonienne présente de nos jours un phénomène du même ordre. La mort d’Enfantin a été le signal d’ouvrages sur Saint-Simon et les origines de la secte ; de son vivant, Enfantin n’eût pas souffert de tels écrits, qui eussent été une diminution de son importance.
  59. Notez Jac., i, 6, 27 ; ii, et suiv., 8, 10, 13 ; iv, 11 et suiv., 13 et suiv. ; v, 12, et surtout le passage v, 14 et suiv., si conforme aux idées des synoptiques sur les guérisons de malades et la rémission des péchés. Notez aussi dans Jacques l’exaltation de la pauvreté et la haine des riches.
  60. Attestation de Jacques, en tête des Homélies pseudo-clémentines, § 1. Cf. Saint Paul, p. 292.
  61. I Petri, i, 1.
  62. V. Saint Paul, p. 493 et suiv.
  63. La liste régulière des évêques d’Édesse commence vers l’an 300. V. Assémani, Bibl. or., I, p. 424 et suiv. Ce qu’on lit dans Cureton, Ancient syriac documents relative to the earliest establishment of christianity in Edessa (Londres, 1864), p. 23, 61, 71-72, est plein d’anachronismes et de contradictions. Tout ce qui concerne l’apostolat de Thaddée ou Adée (ce deuxième nom n’est qu’une altération du premier) et le christianisme de l’Abgar Uchamas est apocryphe et fabuleux. Le faux Leboubna d’Édesse, dans Cureton, ouvr. cité, p. 6-23 (cf. ibid., 108-112) ; le même, traduit de l’arménien, publié par Alishan (Venise, 1868), et dans V. Langlois, Coll. des hist. de l’Arm., I, p. 313 et suiv. (cf. Cureton, p. 166). Comp. Moïse de Khorène, Hist. d’Arm., II, ch. 26-36 ; Faustus de Byzance, III, 1 ; Généal. de la fam. de saint Grég., 1 (Langlois, Coll. précitée, t. II) ; Eusèbe, H. E., I, 13 ; II, 1 ; Assém., Bibl. or., I, 318 ; III, 1re part., p. 289, 302, 611 ; Nicéphore, II, 7, 40 ; saint Éphrem, Carmina nisibena, p. 138 (édit. Bickell) ; Lequien, Oriens christ., II, col. 1101-1102. Les actes des martyrs Scherbil et Barsamia, qui auraient souffert sous Trajan (Cureton, ouvr. cité, p. 41-72 ; cf. Acta SS. Jan., II, p. 1026), n’ont pas beaucoup de valeur. La version Peschito est de la fin du second siècle. Bardesane, il est vrai, suppose avant lui un assez long établissement du christianisme.
  64. Se rappeler tout ce qui concerne le séjour de la famille royale de l’Adiabène à Jérusalem.
  65. Lettre de Mara, fils de Sérapion, dans Cureton, Spicil. syr., p. 73-74. Cet écrit est probablement de l’an 73.
  66. Le faux Leboubna, dans Cureton, op. cit., p. 23 ; dans Langlois, p. 325. Édesse et même Séleucie sur le Tigre reconnurent d’abord la suprématie ecclésiastique d’Antioche. Assémani, Bibl. or., II, p. 396 ; III, 2e partie, p. dcxx; Lequien, Or. christ., II, col. 1104-1105.
  67. Jos., Ant., XX, viii, 10 ; B. J., II, xiv, 1.
  68. Jos., Ant., XX, ix, 1. Josèphe, dans la Guerre des Juifs, parle de Hanan le Jeune avec beaucoup d’éloges (B. J., IV, v, 2) ; mais on sent, dans la Guerre, la tendance à relever tous ceux que les révolutionnaires de Jérusalem ont assassinés. Les Antiquités méritent ici plus de créance.
  69. Jac., v, 1 et suiv. Il n’est pas impossible que ce morceau ait été publié dans Jérusalem comme une sorte de prophétie. Le verset 4 semble contenir une allusion au fait raconté par Josèphe, Ant., XX, viii, 8 ; ix, 2.
  70. Dans le membre de phrase χωρὶς τῆς ἐκείνου γνώμης, ἐκείνου paraît se rapporter au roi ; cette explication est plus conforme à ce qu’on sait de la constitution d’alors.
  71. Jos., Ant., XX, ix, 1 ; Hégésippe, dans Eus., H. E., II, 23, et IV, 22 ; Clément d’Alex., dans Eus., H. E., II, 1 ; Épiph., hær. lxxviii, 14. Le récit d’Hégésippe est légendaire dans les détails.
  72. On en sent des traces dans le morceau d’Hégésippe.
  73. Josèphe et Eusèbe, endroits cités. V. Saint Paul, p. 80, note 4, pour ce qui concerne l’addition faite par Origène au passage de Josèphe.
  74. Il est permis de voir des allusions à la mort de Jacques dans Matth., xxiv, 9 ; Marc, xiii, 9 et suiv. ; xxi, 12 et suiv.
  75. Jos., Ant., XX, ix ; B. J., II, xiv, 1.
  76. Josèphe, B. J., VI, v, 3.
  77. Cf. Épître de Barnabé, 4, 16 (texte grec), en comp. Matth., xxiv, 22 ; Marc, xiii, 20. Voir Vie de Jésus, 13e édit., p. xlii-xliii, note 4.
  78. Comparez surtout φωνὴ ἐπὶ νυμφίους καὶ νύμφας (Jos., l. c.) à Matth. xxiv, 19 ; Marc, xiii, 17 ; Luc, xxi, 23.
  79. Matth., xxiv, 3 et suiv. ; Marc, xiii, 3 et suiv. ; Luc, xxi, 7 et suiv.
  80. Matth., xxiv, 16 ; Marc, xiii, 14 ; Luc, xxi, 21.
  81. Comp. Jos., Ant., XX, viii, 6, 10, à Matth., xxiv, 5, 11, 23, 26 ; Marc, xiii, 6, 21, 22 ; Luc, xxi, 8.
  82. Τινὰς ἑτέρους, dit Josèphe, Ant., XX, ix, 1. Mais il n’est pas sûr que ces « quelques autres » fussent chrétiens.
  83. Luc, xxi, 18-19.
  84. Eusèbe, Hist. eccl., III, 11.
  85. Eusèbe, Hist. eccl., III, 11 ; IV, 5, 20, 22 (d’après Hégésippe) ; Const. apost., VII, 46.