L’Antéchrist (Renan)/IV. Dernière activité de Paul

Michel Lévy (p. 73-108).


CHAPITRE IV.


DERNIÈRE ACTIVITÉ DE PAUL.


Paul, cependant, subissait en prison les lenteurs d’une administration à moitié détraquée par l’extravagance du souverain et son mauvais entourage. Timothée, Luc, Aristarque et, selon certaines traditions, Titus, étaient avec lui. Tychique l’avait rejoint de nouveau. Un certain Jésus, surnommé Justus[1], lequel était circoncis, un Démétrius ou Démas, prosélyte incirconcis[2], qui était, ce semble, de Thessalonique, un personnage douteux du nom de Crescent, figurent encore près de sa personne et lui servent de coadjuteurs[3]. Marc, qui, selon notre hypothèse, était venu à Rome en compagnie de Pierre, se réconcilia, paraît-il, avec celui dont il avait partagé la première activité apostolique, et dont il s’était séparé violemment[4] ; il servait probablement d’intermédiaire entre Pierre et l’apôtre des gentils[5]. En tout cas, Paul, vers ce temps, était très-mécontent des chrétiens de la circoncision ; il les jugeait peu bienveillants envers lui, et déclarait ne pas trouver parmi eux de bons collaborateurs[6].

D’importantes modifications, amenées peut-être par les relations nouvelles qu’il eut dans la capitale de l’empire, centre et confluent de toutes les idées, s’accomplissent, vers le temps où nous sommes, dans la pensée de Paul, et rendent les écrits de cette époque de sa vie sensiblement différents de ceux qu’il composa durant sa deuxième et sa troisième mission. Le développement interne de la doctrine chrétienne s’opérait rapidement. En quelques mois de ces années fécondes, la théologie marchait plus vite qu’elle ne le fit ensuite en des siècles. Le dogme nouveau cherchait son équilibre, et se créait de tous les côtés, pour appuyer ses parties faibles, des suppléments, des étais. On eût dit un animal dans sa crise génétique, se poussant un membre, se transformant un organe, se coupant un appendice, pour arriver à l’harmonie de la vie, c’est-à-dire à l’état où tout dans l’être vivant se répond, s’épaule et se tient.

Le feu d’une activité dévorante n’avait jamais jusque-là laissé à Paul le loisir de mesurer le temps, ni de trouver que Jésus tardait beaucoup à reparaître ; mais ces longs mois de prison le forcèrent à se replier sur lui-même. La vieillesse, d’ailleurs, commençait à venir pour lui[7] ; une sorte de maturité triste succédait aux ardeurs de sa passion. La réflexion se faisait jour et l’obligeait à compléter ses idées, à les réduire en théorie. Il devenait mystique, théologien, spéculatif, de pratique qu’il était. L’impétuosité d’une conviction aveugle et absolument incapable de revenir en arrière ne pouvait l’empêcher de s’étonner parfois que le ciel ne s’ouvrît pas plus vite, que la trompette finale ne retentît pas plus tôt. La foi de Paul n’en était pas ébranlée, mais elle voulait d’autres points d’appui. Son idée du Christ se modifiait. Son rêve désormais, c’est moins le Fils de l’homme, apparaissant sur les nuées, et présidant à la résurrection générale, qu’un Christ établi dans la divinité, incorporé à elle, agissant en elle et avec elle. La résurrection pour lui n’est plus dans l’avenir ; elle a l’air d’avoir eu déjà lieu[8]. — Quand on a changé une fois, on change toujours ; on peut être à la fois le plus passionné et le plus mobile des hommes. Ce qu’il y a de sûr, c’est que les grandes images de l’apocalypse finale et de la résurrection, qui étaient autrefois si familières à Paul, qui se présentent en quelque sorte à chaque page des lettres de la seconde et de la troisième mission, et même dans l’épître aux Philippiens[9], ont une place secondaire dans les derniers écrits de sa captivité[10]. Elles y sont remplacées par une théorie du Christ, conçu comme une sorte de personne divine, théorie fort analogue à celle du Logos, qui, plus tard, trouvera sa forme définitive dans les écrits attribués à Jean.

Le même changement se remarque dans le style. La langue des épîtres de la captivité a plus d’ampleur ; mais elle a perdu un peu de sa force. La pensée est menée avec moins de vigueur. Le dictionnaire diffère notablement du premier vocabulaire de Paul. Les termes favoris de l’école johannique, « lumière », « ténèbres », « vie », « amour », etc., deviennent dominants[11]. La philosophie syncrétique du gnosticisme se fait déjà sentir. La question de la justification par Jésus n’est plus aussi vive ; la guerre de la foi et des œuvres semble apaisée au sein de l’unité de la vie chrétienne, composée de science et de grâce[12]. Christ, devenu l’être central de l’univers, concilie en sa personne divinisée l’antinomie des deux christianismes. Certes, ce n’est pas sans motifs qu’on a suspecté l’authenticité de tels écrits ; ils ont pour eux cependant de si fortes preuves[13], que nous aimons mieux attribuer les différences de style et de pensée dont nous venons de parler à un progrès naturel dans la manière de Paul. Les écrits antérieurs et certainement authentiques de Paul contiennent le germe de ce langage nouveau. « Christ » et « Dieu » s’y échangent presque comme des synonymes ; Christ y exerce des fonctions divines ; on l’invoque comme Dieu ; il est l’intermédiaire obligé auprès de Dieu. L’ardeur avec laquelle on s’attachait à Jésus faisait qu’on lui rapportait toutes les théories qui avaient de la vogue dans quelque partie du monde juif. Supposons qu’un homme répondant aux aspirations assez diverses de la démocratie s’élève de nos jours. Ses partisans diraient aux uns : « Vous êtes pour l’organisation du travail ; c’est lui qui est l’organisation du travail ; » aux autres : « Vous êtes pour la morale indépendante ; c’est lui qui est la morale indépendante ; » à d’autres : « Vous êtes pour la coopération ; c’est lui qui est la coopération ; » à d’autres : « Vous êtes pour la solidarité ; c’est lui qui est la solidarité. »

La nouvelle théorie de Paul peut se résumer à peu près ainsi qu’il suit[14] :

Ce monde est le règne des ténèbres, c’est-à-dire de Satan et de sa hiérarchie infernale, laquelle remplit l’atmosphère. Le règne des saints, au contraire, sera le règne de la lumière. Or les saints sont ce qu’ils sont, non par leur propre mérite (avant Christ, tous étaient ennemis de Dieu), mais par l’application que Dieu leur fait des mérites de Jésus-Christ, le fils de son amour. C’est le sang de ce fils, versé sur la croix, qui efface les péchés, réconcilie avec Dieu toute créature et fait régner la paix au ciel et sur la terre. Le Fils est l’image du Dieu invisible, le premier-né des créatures ; tout a été créé en lui, par lui et pour lui, choses célestes et terrestres, visibles et invisibles, trônes, puissances, dominations[15]. Il était avant toute chose, et tout existe en lui. L’Église et lui forment un seul corps, dont il est la tête. Comme en toute chose il a toujours tenu le premier rang, il le tiendra aussi dans la résurrection. Sa résurrection est le commencement de l’universelle résurrection. La plénitude de la divinité habite corporellement en lui. — Jésus est ainsi le dieu de l’homme, une sorte de premier ministre de la création, placé entre Dieu et l’homme[16]. Tout ce que le monothéisme dit des rapports de l’homme avec Dieu peut, selon la théorie actuelle de Paul, être dit des rapports de l’homme avec Jésus[17]. La vénération pour Jésus, qui chez Jacques ne dépasse pas le culte de dulie ou d’hyperdulie[18], atteint chez Paul la proportion d’un véritable culte de latrie, comme aucun Juif n’en avait jusque-là voué au fils d’une femme.

Ce mystère, que Dieu préparait depuis l’éternité, la maturité des temps étant venue, il l’a révélé à ses saints des derniers jours. Le moment est arrivé où chacun doit compléter pour sa part l’œuvre de Christ ; or on complète l’œuvre de Christ par la souffrance ; la souffrance est donc un bien dont il faut se réjouir, se glorifier. Le chrétien, en participant de Jésus, est rempli comme lui de la plénitude[19] de la divinité. Jésus, en ressuscitant, a tout vivifié avec lui. Le mur de séparation que la Loi créait entre le peuple de Dieu et les gentils, Jésus l’a fait tomber ; avec les deux portions de l’humanité réconciliées, il a fait une nouvelle humanité ; toutes les vieilles haines, il les a tuées sur la croix. Le texte de la Loi était comme le billet d’une dette dont l’humanité ne pouvait s’acquitter ; Jésus a détruit la valeur du billet, en le clouant à sa croix. Le monde créé par Jésus est donc un monde entièrement nouveau ; Jésus est la pierre angulaire du temple que Dieu se bâtit. Le chrétien est mort à la terre, enseveli avec Jésus au tombeau ; sa vie est cachée en Dieu avec Christ. En attendant que Christ apparaisse et l’associe à sa gloire, il mortifie son corps, éteignant tous ses désirs naturels, prenant en tout le contre-pied de la nature, dépouillant le « vieil homme », revêtant « le nouveau », renouvelé selon l’image de son Créateur. À ce point de vue, il n’y a plus de Grec ni de Juif, de circoncis ni d’incirconcis, de barbare ni de Scythe, d’esclave ni d’homme libre ; Christ est tout ; Christ est en tous. Les saints sont ceux à qui Dieu, par don gratuit, a fait l’application des mérites de Christ, et qu’il a ainsi prédestinés à l’adoption divine, avant même que le monde existât. L’Église est une, comme Dieu lui-même est un ; son œuvre est l’édification du corps de Christ ; le but final de toutes choses est la réalisation de l’homme parfait, l’union complète de Christ avec tous ses membres, un état où Christ sera vraiment la tête d’une humanité régénérée selon son propre modèle, d’une humanité recevant de lui le mouvement et la vie par une série de membres liés entre eux et subordonnés les uns aux autres. Les puissances ténébreuses de l’air combattent pour empêcher cet avènement. Une lutte terrible aura lieu entre elles et les saints. Ce sera un mauvais jour ; mais, armés des dons du Christ, les saints triompheront.

De telles doctrines n’étaient pas entièrement originales. C’étaient en partie celles de l’école juive d’Égypte, et notamment celles de Philon. Ce Christ devenu une hypostase divine est le logos de la philosophie juive alexandrine, le mémera des paraphrases chaldaïques, prototype de toute chose, par qui tout a été créé[20]. Ces puissances de l’air[21], auxquelles l’empire du monde a été donné[22], ces hiérarchies bizarres, célestes et infernales[23], sont celles de la cabbale juive et du gnosticisme. Ce pléroma mystérieux, but final de l’œuvre de Christ, ressemble fort au pléroma divin que la gnose place au sommet de l’échelle universelle. La théosophie gnostique et cabbaliste, qu’on peut regarder comme la mythologie du monothéisme, et que nous avons cru voir poindre chez Simon de Gitton, se présente dès le ier siècle avec ses caractères principaux. Rejeter systématiquement au IIe siècle tous les documents où l’on trouve des traces d’un pareil esprit est fort téméraire. Cet esprit était en germe dans Philon et dans le christianisme primitif. La conception théosophique du Christ devait sortir nécessairement de la conception messianique du Fils de l’homme, quand il serait bien constaté, après une longue attente, que le Fils de l’homme ne venait pas. Dans les épîtres les plus incontestablement authentiques de Paul, il y a certains traits qui restent peu en deçà des exagérations que présentent les épîtres écrites en prison[24]. L’Épître aux Hébreux, antérieure à l’an 70, montre la même tendance à placer Jésus dans le monde des abstractions métaphysiques. Tout cela deviendra sensible au plus haut degré quand nous parlerons des écrits johanniques. Chez Paul, qui n’avait point connu Jésus, cette métamorphose de l’idée du Christ était en quelque sorte inévitable. Tandis que l’école qui possédait la tradition vivante du maître créait le Jésus des Évangiles synoptiques, l’homme exalté qui n’avait vu le fondateur du christianisme que dans ses rêves le transformait de plus en plus en un être surhumain, en une sorte d’archée métaphysique qu’on dirait n’avoir jamais vécu.

Cette transformation, du reste, ne s’opérait pas seulement dans les idées de Paul. Les Églises issues de lui marchaient dans le même sens. Celles d’Asie Mineure, surtout, étaient poussées par une sorte de travail secret aux idées les plus exagérées sur la divinité de Jésus. Cela se conçoit. Pour la fraction du christianisme qui était sortie des entretiens familiers du lac de Tibériade, Jésus devait toujours rester l’aimable fils de Dieu qu’on avait vu passer parmi les hommes avec cette attitude charmante et ce fin sourire ; mais, quand on prêchait Jésus aux gens de quelque canton perdu de la Phrygie, quand le prédicateur déclarait ne l’avoir jamais vu et affectait presque de ne rien savoir de sa vie terrestre[25], que pouvaient penser ces bons et naïfs auditeurs de celui qu’on leur prêchait ? Comment pouvaient-ils se le figurer ? — Comme un sage ? comme un maître plein de charme ? Ce n’est nullement ainsi que Paul présentait le rôle de Jésus. Paul ignorait ou feignait d’ignorer le Jésus historique. — Comme le Messie, comme le Fils de l’homme devant apparaître dans les nues au grand jour du Seigneur ? Ces idées étaient étranges pour les gentils et supposaient la connaissance des livres juifs. — Évidemment, l’image qui devait le plus souvent s’offrir à ces bons provinciaux était celle d’une incarnation, d’un Dieu revêtant une forme humaine et se promenant sur la terre[26]. Cette idée était très-familière à l’Asie Mineure ; Apollonius de Tyane allait bientôt l’exploiter à son profit. Pour concilier une telle manière de voir avec le monothéisme, un seul parti restait : concevoir Jésus comme une hypostase divine incarnée, comme une sorte de dédoublement du Dieu unique, ayant pris la forme humaine pour l’accomplissement d’un plan divin. Il faut se rappeler que nous ne sommes plus en Syrie. Le christianisme a passé de la terre sémitique aux mains de races ivres d’imagination et de mythologie. Le prophète Mahomet, dont la légende est si purement humaine chez les Arabes, est devenu de même, chez les schiites de la Perse et de l’Inde, un être complètement surnaturel, une sorte de Vischnou et de Bouddha.

Quelques relations que l’apôtre eut avec ses Églises d’Asie Mineure, justement vers ce temps, lui fournirent l’occasion d’exposer la nouvelle forme qu’il s’était habitué à donner à ses idées. Le pieux Épaphrodite ou Épaphras, docteur et fondateur de l’Église de Colosses, et chef des Églises des bords du Lycus, arriva près de lui avec une mission desdites Églises[27]. Paul n’avait jamais été dans cette vallée ; mais on y admettait son autorité[28]. On l’y reconnaissait même pour l’apôtre du pays, et chacun s’envisageait comme lui devant la foi[29]. Apprenant sa captivité, les Églises de Colosses, de Laodicée sur le Lycus, d’Hiérapolis députèrent Épaphras pour partager sa chaîne[30], le consoler, l’assurer de l’amitié des fidèles et probablement lui offrir les secours d’argent dont il pouvait avoir besoin[31]. Ce que rapportait Épaphras du zèle des nouveaux convertis remplit Paul de satisfaction[32] ; la foi, la charité, l’hospitalité étaient admirables[33] ; mais le christianisme prenait dans ces Églises de la Phrygie une direction singulière. Loin du contact des grands apôtres, soustraites à toute influence juive, composées presque uniquement de païens[34], ces Églises inclinaient à une sorte de mélange du christianisme, de la philosophie grecque et des cultes locaux[35]. Dans cette paisible petite ville de Colosses, au bruit des cascades, au milieu des gouffres d’écume, en face d’Hiérapolis et de son éblouissante montagne[36], grandissait chaque jour la croyance à la pleine divinité de Jésus-Christ. Rappelons que la Phrygie était un des pays qui avaient le plus d’originalité religieuse. Ses mystères renfermaient ou avaient la prétention de renfermer un symbolisme élevé. Plusieurs des rites qu’on y pratiquait n’étaient pas sans analogie avec ceux du culte nouveau[37]. Pour des chrétiens sans tradition antérieure, n’ayant pas traversé le même apprentissage de monothéisme que les juifs, la tentation devait être forte d’associer le dogme chrétien à de vieux symboles, qui se présentaient ici comme un legs de la plus respectable antiquité. Ces chrétiens avaient été de dévots païens, avant d’adopter les idées venues de Syrie ; peut-être en les adoptant n’avaient-ils pas cru rompre formellement avec leur passé. Et d’ailleurs, quel est l’homme vraiment religieux qui répudie complètement l’enseignement traditionnel à l’ombre duquel il sentit d’abord l’idéal, qui ne cherche pas des conciliations, souvent impossibles, entre sa vieille foi et celle à laquelle il est arrivé par le progrès de sa pensée ?

Au IIe siècle, ce besoin de syncrétisme prendra une importance extrême et amènera le plein développement des sectes gnostiques. Nous verrons, à la fin du ier siècle, des tendances analogues remplir l’Église d’Éphèse de troubles et d’agitation. Cérinthe et l’auteur du quatrième Évangile partaient au fond d’un principe identique, de l’idée que la conscience de Jésus fut un être céleste distinct de son apparence terrestre[38]. Dès l’an 60, Colosses était déjà atteint du même mal. Une théosophie mêlée de croyances indigènes[39], de judaïsme ébionite[40], de philosophie[41], et de données empruntées à la prédication nouvelle, y trouvait déjà d’habiles interprètes[42]. Un culte d’éons incréés, une théorie très-développée d’anges et de démons[43], le gnosticisme, enfin, avec ses pratiques arbitraires, ses abstractions réalisées, commençait à se produire, et, par ses trompeuses douceurs, minait la foi chrétienne en ses parties les plus vives et les plus essentielles. Il s’y mêlait des renoncements contre nature, un faux goût de l’humiliation, une prétendue austérité refusant son droit à la chair[44], en un mot toutes les aberrations du sens moral qui devaient produire les hérésies phrygiennes du IIe siècle (montanistes, pépuziens, cataphryges), lesquelles se rattachaient elles-mêmes au vieux levain mystique des galles, des corybantes, et dont les derniers survivants sont les derviches de nos jours. La différence des chrétiens d’origine païenne et des chrétiens d’origine juive se marquait ainsi de jour en jour. La mythologie et la métaphysique chrétiennes naissaient dans les Églises de Paul. Sortis de races polythéistes, les païens convertis trouvaient toute simple l’idée d’un Dieu fait homme, tandis que l’incarnation de la divinité était pour les juifs quelque chose de blasphématoire et de révoltant.

Paul, voulant garder près de lui Épaphras, dont il songeait à utiliser l’activité[45], résolut de répondre à la députation des Colossiens en leur envoyant Tychique d’Éphèse, qu’il chargea en même temps de commissions pour les Églises d’Asie[46]. Tychique devait faire une tournée dans la vallée du Méandre[47], visiter les communautés, leur donner des nouvelles de Paul, leur transmettre de vive voix sur la situation de l’apôtre à l’égard des autorités romaines des détails qu’il ne croyait pas prudent de confier au papier[48], enfin remettre à chacune des Églises des lettres séparées que Paul leur adressait[49]. Il était recommandé à celles de ces Églises qui étaient voisines les unes des autres de se communiquer réciproquement leurs lettres, et de les lire tour à tour en assemblée[50]. Tychique put, en outre, être porteur d’une espèce d’encyclique, calquée sur l’épître aux Colossiens, et préservée pour les Églises auxquelles Paul n’avait rien de particulier à dire. L’apôtre paraît avoir laissé à ses disciples ou secrétaires le soin de rédiger cette circulaire[51], sur le plan qu’il leur donna, ou d’après le type qu’il leur montra[52].

L’épître adressée dans cette circonstance aux Colossiens nous a été conservée[53]. Paul la dicta à Timothée[54], la signa et ajouta de son écriture : Souvenez-vous de mes chaînes[55]. Quant à l’épître circulaire que Tychique remit sur son chemin aux Églises qui n’avaient pas de lettre nominative, il semble que nous l’avons dans l’épître dite aux Éphésiens[56]. Certainement, cette épître n’eut pas les Éphésiens pour destinataires, puisque l’apôtre s’y adresse exclusivement à des païens convertis[57], à une Église qu’il n’avait jamais vue[58], et à laquelle il n’a pas d’avis spécial à donner. Les anciens manuscrits de l’épître dite aux Éphésiens portaient en blanc dans la suscription la désignation de l’Église destinataire[59] ; le manuscrit du Vatican et le Codex sinaïticus offrent une particularité analogue[60]. On a supposé que cette prétendue lettre aux Éphésiens est en réalité la lettre aux Laodicéens, qui fut écrite en même temps que celle aux Colossiens[61]. Nous avons dit ailleurs[62] les raisons qui nous empêchent d’admettre cette opinion, et qui nous portent à voir plutôt dans la pièce dont il s’agit une lettre doctrinale que saint Paul aurait fait reproduire à plusieurs exemplaires et répandre en Asie. Tychique, en passant à Éphèse, sa patrie, put montrer un de ces exemplaires aux anciens ; ceux-ci purent le garder comme morceau d’édification, et il est parfaitement admissible que ce soit cette copie qui ait servi, quand on fit la collection des lettres de Paul[63] ; de là viendrait le titre que l’épître en question porte aujourd’hui. Ce qu’il y a de certain, c’est que l’épître dite aux Éphésiens n’est guère qu’une imitation paraphrasée de l’épître aux Colossiens, avec quelques additions tirées d’autres épîtres de Paul et peut-être d’épîtres perdues.

Cette épître dite aux Éphésiens forme, avec l’épître aux Colossiens, le meilleur exposé des théories de Paul vers la fin de sa carrière. Les épîtres aux Colossiens et aux Éphésiens ont, pour le dernier période de la vie de l’apôtre, le même prix qu’a l’épître aux Romains pour l’âge de son grand apostolat. Les idées du fondateur de la théologie chrétienne y sont arrivées au plus haut degré d’épuration. On sent ce dernier travail de spiritualisation que les grandes âmes près de s’éteindre font subir à leur pensée, et au delà duquel il n’y a plus que la mort.

Certes, Paul était dans le vrai en combattant cette dangereuse maladie du gnosticisme, qui allait bientôt menacer sérieusement la raison humaine, cette chimérique religion des anges[64], à laquelle il oppose son Christ supérieur à tout ce qui n’est pas Dieu[65]. On lui sait gré encore du dernier assaut qu’il livre à la circoncision, aux vaines pratiques, aux préjugés juifs[66]. La morale qu’il tire de sa conception transcendante du Christ est admirable à beaucoup d’égards. Mais que d’excès, grand Dieu ! Que cet audacieux dédain de toute raison, ce brillant éloge de la folie, cette fougue de paradoxe préparent de revers à la parfaite sagesse, qui fuit toute extrémité ! Ce « vieil homme », que Paul secoue si rudement, réagira ; il démontrera qu’il ne méritait pas tant d’anathèmes. Tout ce passé frappé d’une injuste sentence redeviendra un principe de « renaissance » pour le monde, amené par le christianisme au dernier degré de l’épuisement. Paul sera en ce sens un des plus dangereux ennemis de la civilisation. Les recrudescences de l’esprit de Paul seront autant de défaites pour l’esprit humain. Paul mourra quand l’esprit humain triomphera. Ce qui sera le triomphe de Jésus sera la mort de Paul.

L’apôtre terminait son épître aux Colossiens en envoyant à ces derniers les compliments et les vœux de leur saint et dévoué catéchiste Épaphras. Il les priait en même temps de faire un échange de lettres avec l’Église de Laodicée[67]. À Tychique, qui devait porter la correspondance, il adjoignit comme messager un certain Onésime, qu’il appelle « un fidèle et cher frère[68] ». Rien de plus touchant que l’histoire de cet Onésime. Il avait été l’esclave de Philémon, un des principaux de l’Église de Colosses ; il s’enfuit de chez son maître, en le volant, et alla se cacher à Rome. Là, il entra en relations avec Paul, peut-être par l’intermédiaire d’Épaphras, son compatriote. Paul le convertit, le décida à retourner vers son maître, et le fit partir pour l’Asie en compagnie de Tychique. Afin de calmer les appréhensions qui pouvaient rester au pauvre Onésime, Paul dicta à Timothée pour Philémon un billet, vrai petit chef-d’œuvre de l’art épistolaire, qu’il remit entre les mains du délinquant :

Paul, prisonnier, de Jésus-Christ, et frère Timothée, à Philémon, notre bien-aimé et notre collaborateur, et à sœur Appia, et à Archippe, notre compagnon d’armes, et à l’Église qui est dans ta maison.

Grâce et paix descendent sur vous tous des mains de Dieu notre père et du Seigneur Jésus-Christ.

Je rends sans cesse grâces à mon Dieu, quand ton souvenir se présente à moi dans mes prières. J’entends parler, en effet, de ta foi au Seigneur Jésus, de ta charité pour tous les saints. Puisse ta foi se communiquer efficacement et te révéler toujours ce qui pour nous est le bien, en vue de Christ ! Ta charité, en effet, m’a causé beaucoup de joie et de consolation ; car les entrailles des saints ont été réjouies par toi, frère. Voilà pourquoi, bien que j’eusse beaucoup de droits en Christ de te prescrire ce que tu dois faire, j’aime mieux te le demander au nom de la charité, et en mon nom,… au nom de Paul vieux et maintenant prisonnier de Christ Jésus.

Je viens donc te prier pour mon fils, que j’ai engendré dans les fers, pour Onésime, qui autrefois ne t’a guère été utile[69], mais qui maintenant peut l’être beaucoup à toi et à moi. Je te l’ai renvoyé, lui, c’est-à-dire mes entrailles. Je voulais d’abord le garder près de moi, pour qu’il me servît à ta place dans les chaînes de l’Évangile ; mais je n’ai rien voulu faire sans ton avis, de peur que cette bonne action n’eût l’air de t’avoir été imposée, et ne vînt pas de ton plein gré. Peut-être, en effet, Onésime n’a-t-il été quelque temps séparé de toi qu’afin que tu le retrouves à jamais[70], non plus comme esclave, mais comme frère bien-aimé au lieu d’esclave. Il est cela pour moi ; à combien plus forte raison doit-il l’être pour toi, et selon la chair et selon Christ ! Si donc tu es en communion avec moi, reçois-le comme moi-même. Et s’il t’a fait quelque tort, s’il te doit quelque chose, passe-le à mon compte.

Paul prit alors la plume, et, pour donner à sa lettre la valeur d’une vraie créance, ajouta ces mots :

Moi, Paul, j’ai écrit ceci de ma main. Je payerai sans reproche et sans te rappeler ce que, de ton côté, tu me dois. Oui, frère, puissé-je être content de toi dans le Seigneur ! Réjouis mes entrailles en Christ.

Puis il se remit à dicter :

Confiant en ton obéissance, je t’ai écrit, sachant que tu feras plus que je ne te dis. Prépare-toi aussi à me recevoir ; car j’espère que, grâce à vos prières, je vous serai rendu. Épaphras, mon compagnon de chaîne en Christ Jésus, Marc, Aristarque, Démas, Luc, mes collaborateurs, te saluent. Que la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit avec votre esprit !

On voit que Paul se faisait de singulières illusions. Il se croyait à la veille d’une délivrance, il formait de nouveaux plans de voyages, et se voyait au centre de l’Asie Mineure[71], au milieu des Églises qui le révéraient comme leur apôtre sans l’avoir jamais entendu. Jean-Marc, aussi, se préparait à visiter l’Asie, sans doute au nom de Pierre. Déjà les Églises de la Phrygie avaient été informées de la prochaine arrivée de ce frère. Dans la lettre aux Colossiens, Paul inséra une nouvelle recommandation à son sujet[72]. Le tour de cette recommandation est assez froid. Paul craignait que les dissentiments qu’il avait eus avec Jean-Marc et plus encore les liaisons de Marc avec le parti de Jérusalem ne missent ses amis d’Asie dans l’embarras, que ceux-ci n’hésitassent à recevoir un homme dont ils avaient appris jusqu’alors à se défier. Paul alla au-devant de ces malentendus et ordonna à ses Églises de communier avec Marc, dans le cas où il passerait par leur pays. Marc était cousin de Barnabé, dont le nom, cher aux Galates, ne devait pas être inconnu aux gens de la Phrygie[73]. On ignore la suite de ces incidents. Un effroyable tremblement de terre venait justement d’ébranler toute la vallée du Lycus. L’opulente Laodicée se rebâtit avec ses propres ressources[74] ; mais Colosses ne sut se relever ; elle disparut presque du nombre des Églises[75] ; l’Apocalypse, en 69, ne la mentionne pas. Laodicée et Hiérapolis héritèrent de toute son importance dans l’histoire du christianisme.

Paul se consolait par son activité apostolique des tristesses qui l’assaillaient de toutes parts. Il se disait qu’il souffrait pour ses chères Églises ; il s’envisageait comme la victime qui ouvrait aux gentils les portes de la famille d’Israël[76]. Vers les derniers mois de sa prison, il connut pourtant le découragement et l’abandon[77]. Déjà, écrivant aux Philippiens, il disait, en opposant la conduite de son cher et fidèle Timothée à celle de quelques autres : « Chacun cherche son intérêt, non l’intérêt de Christ Jésus[78]. » Timothée seul paraît n’avoir jamais excité aucune plainte chez ce maître sévère, aigri, difficile à contenter. Il n’est pas admissible que Aristarque, Épaphras, Jésus dit Justus, l’aient délaissé[79] ; mais plusieurs d’entre eux purent se trouver absents à la fois ; Titus était en mission[80] ; d’autres qui lui devaient tout, notamment des gens d’Asie, entre lesquels on cite Phygelle et Hermogène, cessèrent de le fréquenter[81]. Lui, autrefois si entouré, il se vit dans l’isolement. Les chrétiens de la circoncision l’évitaient[82]. Luc, à certains moments, fut seul avec lui[83]. Son caractère, qui avait toujours été un peu morose, s’exaspérait ; on ne pouvait presque plus vivre en sa compagnie. Paul eut de la sorte un cruel sentiment de l’ingratitude des hommes. Chaque mot qu’on lui prête vers ce temps est plein de mécontentement et d’aigreur[84]. L’Église de Rome, étroitement affiliée à celle de Jérusalem, était pour la plus grande partie judéo-chrétienne. Le judaïsme orthodoxe, très-fort à Rome, devait lui faire une rude guerre. Le vieil apôtre, le cœur brisé, appelait la mort[85].

S’il s’agissait d’une autre nature et d’une autre race, nous essayerions de nous figurer Paul, en ces derniers jours, arrivant à reconnaître qu’il a usé sa vie pour un rêve, répudiant tous les prophètes sacrés pour un écrit qu’il n’avait guère lu jusque-là, l’Ecclésiaste (livre charmant, le seul livre aimable qui ait été composé par un juif), et proclamant que l’homme heureux est celui qui, après avoir coulé sa vie en joie jusqu’à ses vieux jours avec la femme de sa jeunesse, meurt sans avoir perdu de fils[86]. Un trait qui caractérise les grands hommes européens est, à certaines heures, de donner raison à Épicure, d’être pris de dégoût tout en travaillant avec ardeur, et, après avoir réussi, de douter si la cause qu’ils ont servie valait tant de sacrifices. Beaucoup osent se dire, au fort de l’action, que le jour où l’on commence à être sage est celui où, délivré de tout souci, on contemple la nature et l’on jouit. Bien peu du moins échappent aux tardifs regrets. Il n’y a guère de personne dévouée, de prêtre, de religieuse qui, à cinquante ans, ne pleure son vœu, et néanmoins ne persévère. Nous ne comprenons pas le galant homme sans un peu de scepticisme ; nous aimons que l’homme vertueux dise de temps à autre. « Vertu, tu n’es qu’un mot ; » car celui qui est trop sûr que la vertu sera récompensée n’a pas beaucoup de mérite ; ses bonnes actions ne paraissent plus qu’un placement avantageux. Jésus ne fut pas étranger à ce sentiment exquis ; plus d’une fois il semble que son rôle divin lui pesa. Sûrement, il n’en fut point ainsi pour saint Paul ; il n’eut pas son agonie de Gethsémani, et c’est une des raisons qui nous le rendent moins aimable. Tandis que Jésus posséda au plus haut degré ce que nous regardons comme la qualité essentielle d’une personne distinguée, je veux dire le don de sourire de son œuvre, d’y être supérieur, de ne pas s’en laisser obséder, Paul ne fut pas à l’abri du défaut qui nous choque dans les sectaires ; il crut lourdement. Nous voudrions que par moments, comme nous, il se fût assis fatigué au bord du chemin, et qu’il eût aperçu la vanité des opinions arrêtées. Marc-Aurèle, le représentant le plus glorieux de notre race, ne le cède à personne en vertu, et cependant il ne sut pas ce que c’est que le fanatisme. Cela ne s’est jamais vu en Orient ; notre race seule est capable de réaliser la vertu sans la foi, d’unir le doute à l’espérance. Livrées à l’entraînement terrible de leur tempérament, exemptes des vices délicats de la civilisation grecque et romaine, ces fortes âmes juives étaient comme de puissants ressorts, qui ne se détendaient jamais. Jusqu’au bout sans doute, Paul vit devant lui la couronne impérissable qui lui était préparée, et, comme un coureur, redoubla d’efforts à mesure qu’il approchait du but[87]. Il avait d’ailleurs des instants de consolation. Onésiphore d’Éphèse, étant venu à Rome, le chercha et, sans rougir de sa chaîne, le servit et rafraîchit son cœur[88]. Démas, au contraire, se dégoûta des doctrines absolues de l’apôtre et le quitta[89]. Paul paraît l’avoir toujours traité avec une certaine froideur[90].

Paul comparut-il devant Néron ou, pour mieux dire, devant le conseil auquel ressortissait son appel[91] ? Cela est presque certain[92]. Des renseignements, d’une valeur douteuse, il est vrai, nous parlent d’une « première défense », où personne ne l’assista, et d’où, fort de la grâce qui le soutenait, il sortit à son avantage, si bien qu’il se comparait à un homme qui a été sauvé d’entre les dents d’un lion[93]. Il est très-probable que son affaire se termina, au bout de deux ans de prison à Rome[94] (commencement de l’an 63), par un acquittement[95]. On ne voit pas quel intérêt aurait eu l’autorité romaine à le condamner pour une querelle de secte, qui la touchait peu. De solides indices, d’ailleurs, prouvent que Paul, avant de mourir, exécuta encore une série de voyages apostoliques et de prédications, mais non dans les pays de Grèce et d’Asie qu’il avait déjà évangélisés[96].

Il y a cinq ans, peu de mois avant son arrestation, Paul, écrivant de Corinthe aux fidèles de Rome, leur annonçait l’intention d’aller en Espagne. Il ne voulait pas, disait-il, exercer chez eux son ministère ; c’est seulement en passant qu’il comptait les voir et jouir d’eux quelque temps ; puis ils lui feraient la conduite et faciliteraient son voyage vers les pays situés au delà[97]. Le séjour de l’apôtre à Rome était ainsi subordonné à un apostolat lointain, lequel paraissait être son but principal. — Durant sa prison de Rome, Paul semble parfois avoir changé d’intention relativement à ses courses occidentales. Il exprime aux Philippiens et au Colossien Philémon l’espérance de venir les voir[98] ; mais sûrement il n’exécuta pas ce dessein[99]. — Sorti de prison, que fit-il ? Il est naturel de supposer qu’il suivit son premier plan, et se mit en route dès qu’il put. De sérieuses raisons portent à croire qu’il réalisa son projet de voyage en Espagne[100]. Ce voyage avait dans son esprit une haute signification dogmatique ; il y tenait beaucoup[101]. Il s’agissait de pouvoir dire que la bonne nouvelle avait touché l’extrémité de l’Occident, de prouver que l’Évangile était accompli, puisqu’il avait été entendu au bout du monde[102]. Cette façon d’exagérer un peu l’étendue de ses voyages était familière à Paul[103]. L’idée générale des fidèles était qu’avant l’apparition du Christ, le royaume de Dieu devait avoir été prêché partout[104]. D’après la manière de parler des apôtres, il suffisait qu’il eût été prêché dans une ville pour qu’il eût été prêché dans un pays, et il suffisait qu’il eût été prêché à dix personnes pour que toute la ville l’eût entendu.

Si Paul fit ce voyage, il le fit sans doute par mer. Il n’est pas absolument impossible que quelque port du midi de la Gaule ait reçu l’empreinte du pied de l’apôtre. En tout cas, il ne resta de cette course problématique vers l’Occident aucun fruit appréciable.

  1. Cf. pour ce nom chez les juifs, Corp. inscr. gr., no 9922 ; Bereschith rabba, sect. vi.
  2. Cette circonstance se conclut des versets Col., iv, 11 et 14, comparés entre eux.
  3. Col., i, 1 ; iv, 7, 10, 11, 14 ; Philémon, 1, 24 ; Eph., vi, 21 ; II Tim. (apocryphe), iv, 9-12.
  4. Voir Saint Paul, p. 20, 32.
  5. Col., iv, 10 ; Philémon, 24 ; II Tim., iv, 11 ; I Petri, v, 13.
  6. Col., iv, 11.
  7. Philémon, 9.
  8. Col., ii, 12 ; iii, 1. Voir cependant II Tim., ii, 18.
  9. Phil., i, 6 ; ii, 16 ; iii, 20 et suiv. ; iv, 5.
  10. Col., iii, 4.
  11. Col., i, 12, 13 ; iii, 4 ; Ephes., v, 8, 11, 13. Comp. Phil., ii, 16.
  12. Col., i, 10 ; iii, 9-10 ; Eph., ii, 8-10. Notez ἐξ ἔργων, et non plus ἐξ ἔργων νόμου (Gal., ii, 16), qui n’aurait guère eu de sens pour les hellénistes purs.
  13. Voir Saint Paul, introd., p. vii et suiv.
  14. Épître aux Colossiens et Épître aux Éphésiens, tout entières.
  15. Classes d’anges. Comp. Rom., viii, 38 ; I Cor., xv, 24 ; I Petri, iii, 22 ; Test. des douze patr., Lévi, 3 et suiv.
  16. C’est ainsi que Philon appelle le Verbe ἡμῶν τῶν ἀτελῶν θεός. Legis alleg., III, 73.
  17. Je fais abstraction du verset Col., ii, 2. La complète incertitude de la vraie leçon de la fin de ce verset empêche qu’on puisse raisonner dessus.
  18. Jac., i, 1.
  19. Πλήρωμα. Col., ii, 10 ; Ephes., iii, 19 ; comp. Jean, i, 16.
  20. Philon, De profugis, 2, 19, 20, 26 ; Vita Mosis, II, 12 ; De mundi opif., 4-8 ; De confus. ling., 14, 19, 28 ; De migr. Abr., 1-2 ; De somniis, I, 13, 37, 41 ; II, 37 ; De monarchia, II, 5 ; Quod Deus immut., 6, 36 ; De agric. Noe, 12 ; De plant. Noe, 2, 4 ; Legis alleg., I, 18 ; III, 31, 59-61 ; De cherubim, 11, 35 ; De mundo, 2, 3 ; Quis rer. div. hæres, 26, 38, 42, 44, 48 ; De poster. Caini, 35 ; fragm. dans Eus., Præp. evang., VII, 13 ; dans Jean Damascène (Mangey, II, p. 655).
  21. Phiton, De somniis, I, 22 ; Testam. des douze patr., Lévi, 3 ; Benjamin, 3 ; Mischna, Aboth, v, 6 ; Talmud de Babylone, Beracoth, 6 a ; Tanhuma, fin de la section Mischpatim ; Ialkout sur Job, § 913. Comp. Plutarque, Quæst. rom., 14.
  22. Cf. Jamblique, De myst. Ægypt., II, 3, p. 41-43, Gale ; Testament de Salomon, dans Fabricius, Cod. pseud. V T., I, 1047.
  23. Cf. I Petri, iii, 22 ; Ignatii (ut fertur) ad Trallianos Epist., 4, 5.
  24. Par exemple, II Cor., iv, 4, Satan est appelé « le dieu de ce monde », Comp. Jean, xii, 31.
  25. II Cor., v, 16.
  26. Voir l’épisode de Paul à Lystres. Saint Paul, p. 44-46.
  27. Col., i, 7-8 ; ii, 1 ; iv, 12-13, 15-16.
  28. Col., ii, 1, 5 ; Ephes., iii, 2 ; iv, 21.
  29. Phil., 19.
  30. Philem., 23.
  31. Col., i, 7. Je lis ὑπὲρ ὑμῶν, avec Griesbach, Tischendorf, le texte reçu et le Sinaïticus.
  32. Col., i, 4, 9 ; Ephes., i, 15.
  33. Col., i, 4.
  34. Ephes., ii, 19 et suiv. ; iii, 1 et suiv. ; iv, 17, 22 ; en se rappelant que l’épître dite aux Éphésiens fut, à ce qu’il semble, destinée aux Églises de la vallée du Lycus. V. Saint Paul, p. xiv et suiv., et ci-après, p. 91-93.
  35. Col., ii, 4, 8.
  36. Voir Saint Paul, p. 358-360.
  37. Garrucci, Tre sepolcri (Naples, 1852), et Les mystères du syncrétisme phrygien, dans les Mél. d’arch. des PP. Cahier et Martin, vol. IV (1856). p. 1 et suiv.
  38. Irénée, Adv. Hær., I, xxvi, 1.
  39. Concile de Laodicée de l’an 364, canons 35 et 36 ; Théodoret, sur Col., ii, 17 et 18.
  40. Col., ii, 11-12, 16-23.
  41. Col., ii, 8.
  42. Col., ii, 4, 8.
  43. Col., i, 16 ; ii, 10, 15, 18 ; Eph., i, 21 ; vi, 12. Comp. I Tim., i, 4 ; vi, 20 ; Epiph., hær. xxi, 2 ; Tertullien, Præscr., 33 ; Irénée, I, xxxi, 2.
  44. Col., ii, 18, 22, 23.
  45. Col., iv, 12-13 ; Philem., 23.
  46. Col., iv, 7-8 ; Ephes., vi, 21-22 ; cf. II Tim., iv, 12. Voir Saint Paul, p. 539.
  47. La route la plus commode pour aller de Rome en cette partie de la Phrygie était d’aborder à Éphèse ou à Milet et de remonter les vallées du Méandre et du Lycus.
  48. Ces sortes de précautions se remarquent dans plusieurs épîtres, dans les Actes et dans l’Apocalypse. Cf. I Joh., 12 ; II Joh., 13.
  49. Col., iv, 13, 16. Les deux villes de Laodicée et de Hiérapolis sont si voisines, qu’on peut supposer que la même épître servit à toutes les deux. Paul les associe, iv, 13. Si, au verset iv, 16, il ne nomme que Laodicée, c’est que Laodicée est un peu plus près de Colosses que Hiérapolis.
  50. Col., iv, 16.
  51. Il est remarquable que la suscription de l’épître dite aux Éphésiens ne porte pas le nom de Timothée. Le style de cette épître diffère non-seulement du style ordinaire de Paul, mais même du style particulier de l’épître aux Colossiens.
  52. Voyez Saint Paul, p. xx et suiv. L’épître aux Romains paraît avoir eu le même caractère de circulaire.
  53. Pour les doutes sur l’authenticité de cette épitre, voir Saint Paul, p. vii et suiv.
  54. Col., i, 1.
  55. Col., iv, 18.
  56. Voir Saint Paul, p. xii et suiv.
  57. ii, 11 et suiv., 19 et suiv. ; iii, 1 et suiv. ; iv, 17, 22.
  58. i, 15 ; iii, 2 ; iv, 21.
  59. Saint Basile, Contra Eunomium, II, 19 ; saint Jérôme, sur Eph., i, 1. Remarquez aussi le vague des formules finales, vi, 23, 24.
  60. Dans ces deux manuscrits, ἐν Ἐφέσῳ a été ajouté par une main plus moderne. Le manuscrit de Vienne (67) présente les mots ἐν Ἐφέσῳ biffés.
  61. Col., iv, 16. C’était l’opinion de Marcion. Tertullien, Adv. Marc., V, 11 ; Épiphane, hær. xlii, 9. 11. Cf. Canon de Muratori, lignes 62 et suiv.
  62. Saint Paul, p. xx-xxi, note.
  63. Pour l’épître aux Romains, ce fut aussi l’exemplaire de l’Église la plus célèbre qui fit loi.
  64. Col., ii, 18.
  65. Col., i, 16 ; ii, 10, 15 ; Ephes., i, 21 ; vi, 12.
  66. Col., ii, 11-12, 16-23 ; Eph., ii et iii.
  67. Col., iv, 12 et suiv. Voir ci-dessus, p. 90-91.
  68. Col., iv, 9 et Philem. entier. Onésime était un nom d’esclave. Suétone, Galba, 13.
  69. Allusion au nom d’Onésime qui veut dire « utile ».
  70. Il y a peut-être ici une allusion au Lévitique, xxv, 46, passage qui servait de base à beaucoup de disputes rabbiniques.
  71. Il est vrai que ceci répond médiocrement à Act., xix, 21 ; Rom., xv, 23-24. Comp. Phil., i, 25 ; ii, 24. Peut-être Paul, pour tenir en éveil ses disciples et ses Églises, leur parlait-il de prochains voyages, même quand il ne faisait qu’en entrevoir la possibilité.
  72. Col., iv, 10. Cf. I Petri, v, 13.
  73. Colosses est à une quarantaine de lieues d’Antioche de Pisidie, qui faisait partie de la province de Galatie.
  74. Tacite, Ann., XIV, 27 ; cf. Apoc., iii, 17 et suiv. V. Saint Paul, p. 357-358.
  75. Colosses n’a pas de monnaies impériales [Waddington].
  76. Col., i, 24 ; Eph., iii, 1.
  77. Col., iv, 11 ; II Tim., i, 15 ; ii, 17-18 ; iii, 1 et suiv., 13 ; iv, 3 et suiv., 6-16. Ce dernier écrit n’est pas de Paul ; mais il peut contenir des renseignements vrais.
  78. Phil., ii, 20-21.
  79. Les épîtres aux Colossiens et à Philémon, en effet, les présentent comme fidèles.
  80. II Tim., iv, 10.
  81. II Tim., i, 15.
  82. Col., iv, 11, selon le sens le plus probable. Cf. Tit., i, 10.
  83. II Tim., iv, 11.
  84. II Tim., tout entière.
  85. II Tim., iv, 6-8, très-beau passage, que plusieurs tiennent pour réellement sorti de la plume de Paul, mais qui paraît en contradiction avec les projets de voyage que Paul ne cessait de former. Il ne semble pas que, dans sa prison, Paul ait jamais eu un pressentiment si net de sa fin prochaine.
  86. Θάρσει· τέθνηκας γὰρ ἀπενθήτοις ἐπὶ τέκνοις,
    Ζώουσαν προλιπὼν ἣν ἐπόθεις ἄλοχον.
    Inscr. de Beyrouth (Mission de Phénicie, p. 347).
  87. II Tim., iv, 6 et suiv. Nous usons de cette épître comme d’une sorte de roman historique, fait avec un sentiment très-juste de la situation de Paul en ses derniers temps.
  88. II Tim., i, 16-18.
  89. II Tim., iv, 9.
  90. Col., iv, 14.
  91. Dion Cassius, LIII, 22.
  92. L’auteur des Actes, en effet, savait ce qu’il en fut. Il n’eût pas mis dans la bouche de Paul, Act., xxiii, 11, et xxvii, 24, une prophétie qu’il eût su ne pas s’être réalisée. Μαρτυρῆσαι, dans le premier de ces passages, désigne un témoignage public et solennel, à cause du parallélisme avec le premier membre du verset. Μαρτυρήσας ἐπὶ τῶν ἡγουμένων (Clem. Rom., Ad Cor. I, ch. 5 ; comp. Luc, xxi, 12) paraît se rapporter à la comparution devant le conseil de Néron. Cf. I Petri, ii, 13 et suiv.
  93. II Tim., iv, 16-17, en observant que, quand Paul est censé écrire cette épître, il est toujours prisonnier (i, 8, etc.).
  94. Act., xxviii, 30.
  95. Act., xxviii, 31, serait bien singulier, si la prison de Paul se termina par une exécution. On peut dire, d’un autre côté, que, si Paul eût été acquitté, l’auteur des Actes, toujours désireux de montrer les Romains favorables au christianisme et de prouver que celui-ci a des antécédents qui établissent sa légalité, n’eût pas manqué de le dire, et eût continué son récit. Nous montrerons bientôt que Clément Romain, la deuxième Épître à Timothée et le Canon de Muratori supposent dans la vie de Paul des voyages postérieurs à sa captivité. Cf. Eusèbe, H. E., II, 22 ; saint Jérôme, De viris ill., 5 ; Euthalius, dans Zaccagni, Coll. monum. vel. Eccl. gr., p. 531 et suiv., témoignages faibles, sans doute, puisqu’ils ne reposent sur aucune tradition directe, et qu’on y sent un système ayant pour base l’authenticité des Épîtres à Timothée et de l’Épître à Tite.
  96. Act., xx, 25, exclut tout retour de Paul dans les pays qu’il avait visités. L’auteur des Actes connaissait bien la suite de la vie de Paul, et ne lui eût pas prêté un langage erroné.
  97. Rom., xv, 24, 28.
  98. Phil., i, 25-27 ; ii, 24 ; Philém., 22.
  99. Act., xx, 25.
  100. 1o Le Canon dit de Muratori, pièce de la seconde moitié du IIe siècle et écrite à Rome, en parle comme d’une chose bien connue (lignes 37-38 ; voir la lecture de Laurent, Neutest. Stud., p. 108-110, 200). — 2o La première épître de Clément Romain (ch. 5) dit que Paul a prêché ἐπὶ τὸ τέρμα τῆς δύσεως, expression peu naturelle pour désigner Rome, dans un écrit composé à Rome. Il est vrai que, dans l’épître apocryphe de Clément à Jacques, qui est en tête des Homélies, et qui, elle aussi, a été écrite à Rome, des expressions plus fortes encore sont employées à propos de Pierre, qui pourtant, de l’aveu de l’auteur, n’avait été que jusqu’à Rome (ch. 1). Ajoutons que saint Paul, Rom., xvi, 26, affirme que le mystère de Christ a été révélé εἰς πάντα τὰ ἔθνη, quoique lui-même avoue dans la même épître qu’il n’a prêché que jusqu’en Illyrie (xv, 19), expression qui doit même être restreinte d’après II Cor., x, 14, 16, où il dit qu’il n’a pas prêché au delà d’eux. — 3o Le partisan de Paul qui a composé la deuxième épître à Timothée croyait qu’après sa sortie de prison, Paul compléta sa mission apostolique en visitant les pays qui lui manquaient pour avoir évangélisé « toutes les nations » (iv, 17). Ces nouveaux voyages ne se firent pas du côté de l’Orient (Act., xx, 25). — Cf. saint Épiphane, hær. xxvii, 6 ; saint Athanase, Epist. ad Dracontium, 0pp., t. I, 1re partie, p. 265 (Paris, 1698) ; saint Jean Chrysostome, 0pp., t. VII, p. 725 ; XI, p. 724 ; Théodoret, in Phil., i, 25, et in II Tim., iv, 17 ; Hippolyte de Thèbes, De duodecim apost. (dans Gallandi, Bibl. patrum, vol. XIV, p. 117). Tous ces passages prouvent peu de chose, car ils reposent non sur une tradition directe, mais sur une interprétation de Rom., xv, 28. Eusèbe ne veut rien savoir d’un tel épisode. En général, la tradition du voyage de Paul en Espagne a été frappée, dans l’opinion ecclésiastique du iiie et du IVe siècle, d’une sorte de défaveur, parce qu’on a préféré a priori la version d’après laquelle saint Paul mourait martyr avec saint Pierre à Rome, et que le voyage d’Espagne semblait contredire cette version.
  101. Comp. saint Ignace, Ad Rom., 2.
  102. Apoc., xiv, 6. Comp. Méliton, De veritate, p. xl, lignes 18-19 (Spicil. Sol., t. II).
  103. V. Saint Paul, p. 492-495.
  104. Καὶ κηρυχθήσεται τοῦτο τὸ εὐαγγέλιον τῆς βασιλείας ἐν ὅλῃ τῇ οἰκουμένῃ εἰς μαρτύριον πᾶσιν τοῖς ἔθνεσιν· καὶ τότε ἥξει τὸ τέλος. Matth., xxiv, 14.