L’Amour qui ne meurt pas/Ayant le Crépuscule

Éditions de la Revue des poètes (p. 54-56).

AVANT LE CRÉPUSCULE

Comme le pèlerin qui s’en va par les routes,
J’ai chanté mes chansons sous le vaste ciel bleu,
Ou sous la brume grise éparpillant ses gouttes,
Mais les plus douces restaient toutes
Captives dans mon cœur en feu.

Beaux soirs où l’hiver n’est plus qu’une harmonie,
Mystérieux concert des étoiles !… Comment
Traduire la splendeur de la paix infinie,
Redire cette symphonie
Qui remplit tout le firmament ?


La vague chante et meurt, l’oiseau fugitif clame
Sa détresse au couchant prêt à se consumer ;
Sylphe aux accents subtils, le vent d’avril se pâme…
Ce qui brûle au fond de mon âme,
Quand parviendrai-je à l’exprimer ?

La mer garde sa perle et le ravin ses gemmes :
Faut-il désespérer de trouver désormais
Une voix qui réponde aux sentiments suprêmes ?
Le plus touchant de mes poèmes,
Nul ne le lira donc jamais !

Dans l’Océan se perd le fleuve aux longs méandres,
Les nuages dans l’air doivent se disperser ;
Mes lèvres ne seront demain qu’un peu de cendres,
Et les paroles les plus tendres,
Je n’ai pas su les prononcer.

Qu’ai-je donc répondu quand l’amour, divin maître,
À la douleur comme à l’espoir m’initiait ?
L’hymne dont j’ai vibré, qui pourra le connaître ?
Mon regard a parlé peut-être,
Quand ma bouche balbutiait.

Alors que dans la nuit les cours en deuil se fendent
Sous l’effort des regrets, des vains désirs fervents,
Et que des bras désespérés vers eux se tendent,
Peut-être que les morts entendent
Les mots ignorés des vivants.


Vainqueurs des ouragans, des brumes qui les noient,
Peut-être certains cris transpercent-ils les cieux,
Et penchés sur les mains jointes, les fronts qui ploient,
Peut-être que les anges voient
Ce qui se dérobe à nos yeux.

Et si vous accueillez son hommage suprême,
Qu’importe à votre enfant qu’on l’ignore en ce lieu ?
Dois-je me plaindre ou vous bénir, Seigneur que j’aime,
Puisque le meilleur de moi-même
Sera pour vous seul, ô mon Dieu !