L’Affaire Blaireau/Chapitre 33


XXXIII


Dans lequel l’effondrement de Blaireau s’annonce comme total.


Pas un sou !

Le plus terrible c’est qu’il ne fallait pas voir dans cette déclaration une agréable facétie, comme le crurent d’abord le baron et Blaireau.

C’était la vérité, l’atroce vérité.

Parju avait laissé entrer tout ce monde sans payer.

L’explication qu’il fournissait de sa conduite était des plus simples, d’ailleurs :

— M. le baron m’avait bien recommandé de ne pas faire payer les gens qui apportaient leur concours à la fête. À chaque personne qui arrivait, je demandais : « Apportez-vous votre concours ? » On me disait : « Quel concours ? » Je répondais : « Parce que, voilà, si vous n’apportez pas votre concours, il faut payer cinq francs, si vous apportez votre concours, vous pouvez entrer sans payer. » Tout le monde me répondait : J’apporte mon concours.

— Alors, il ne s’est trouvé personne pour payer ?

— Personne, monsieur le baron, personne !

— Ah ! s’écria Dubenoît en riant, je m’explique maintenant l’empressement de la population.

— Imbécile ! Saligaud de Parju !

Rouge à éclater, les poings serrés, Blaireau roule des yeux fous :

— Andouille ! triple andouille ! crapule ! Ça n’était déjà pas assez de m’avoir fait condamner injustement, voilà que tu me ruines, maintenant ! voilà que tu me jettes sur la paille ! Ah ! si je ne me retenais pas !

En disant ces mots, Blaireau ne se contenant plus, se jette sur Parju, qu’il gratifie de nombreux coups de poing, tant sur la poitrine que sur la physionomie.

La foule s’amasse.

— Gendarmes ! s’écrie Dubenoît triomphant, empoignez-moi cet homme-là !… Ah ! mon garçon, vous ne nierez plus, maintenant, que vous avez frappé le garde-champêtre, un fonctionnaire assermenté !

Les gens qui n’avaient pas assisté à la scène s’informent :

— Quoi ? qu’y a-t-il ?

— Blaireau vient de frapper le garde champêtre.

— Encore ? C’est décidément une manie ! fit cyniquement Jules Fléchard.

Les deux Anglais que nous avons déjà vus dans de précédents chapitres (ces Anglais, on les rencontre partout décidément !) faisaient à ce moment précis, leur entrée dans la fête.

Ils demandèrent à quelqu’un :

— Pardon, monsieur ? Povez vo dire à nô où il était le hinnocent ?

— Le voici, messieurs, là, entre les deux gendarmes.

— Aoh ! Cela est positivement curieux ! La France est un drôle de nation, décidément.