L’Absent (Edgeworth)/Préface

L’Absent (1812)
H. Nicolle, Galignani, Renard (tome 1p. i-iv).


PRÉFACE DU TRADUCTEUR.


En publiant la traduction de Vivian et d’Émilie de Coulanges, nous avons annoncé celle de l’Absent qui complète le dernier recueil de Tales of fashionable life, de miss Edgeworth. Voici cette traduction qui est imprimée depuis trois ou quatre mois, mais dont nous avons suspendu la publication, qui peut-être même est encore aujourd’hui prématurée. Nous dirons d’abord un mot du titre de l’ouvrage, car celui de la Famille irlandaise à Londres est ajouté, et ne se trouve pas dans l’original. Absentee est en anglais un mot assez nouveau, ce nous semble, et dont on se sert particulièrement pour désigner les propriétaires irlandais qui abandonnent le soin de leurs terres à des agens, et en dépensent le revenu, et bien souvent aussi le fonds, à Londres. Les guérir de cette espèce de manie est le but que miss Edgeworth s’est proposé. Nous ne savons si elle y a réussi, mais il est certain que l’ouvrage a eu beaucoup de succès en Angleterre, et qu’il a été jugé le meilleur des trois qui composent le recueil. L’Edimburg review, dont la critique est en général sévère, en reconnaissant à miss Edgeworth un grand talent littéraire, en louant beaucoup ses productions, ne fait néanmoins grâce à aucuns de leurs défauts ; mais il ne trouve, pour ainsi dire, rien à reprendre dans l’Absent qu’il place fort au-dessus de Vivian et d’Émilie de Coulanges. Peut-être ce jugement ne sera pas confirmé à Paris, sans que pour cela l’Edimburgh review ait eu tort de le rendre. Les lecteurs français pourraient avoir raison de leur côté, en décidant autrement que ce journal. Il est certain qu’il y a dans l’Absent un genre de mérite qui ne peut être bien apprécié qu’en Angleterre. C’est la peinture fidèle, frappante, et ingénieusement tracée des différentes classes de la société en Irlande ; peinture où tous les traits distinctifs de chacune sont bien marqués, en conservant toutefois ceux qui sont communs à toutes, et en variant les scènes par le contraste de quelques caractères anglais ou écossais. Plusieurs détails intéressans, qui tiennent aux localités, perdent beaucoup de leur prix, pour des lecteurs qui sont étrangers à ces localités. Nous avouerons donc que la traduction de ce roman nous a présenté infiniment plus de difficultés que celle des deux autres, et qu’en prenant plus de peine, nous avons moins réussi à ne pas affoiblir l’original. Nous n’avons cependant usé que très-rarement de la ressource dont beaucoup de traducteurs de cette sorte d’ouvrages font usage, celle, fort commode, de supprimer ce qu’ils ne peuvent traduire ; nous ne nous sommes permis ces suppressions que pour quelques passages qu’il était à peu près impossible de rendre en français, de manière à conserver ce qu’ils avaient de spirituel ou d’agréable en anglais. De ce genre sont quelques plaisanteries de Mrs. Dareville, à la fête que donne lady Clonbrony.

Une chose qu’il était impossible de conserver dans la traduction, c’est la prononciation de lady Clonbrony, tantôt affectée, quand elle s’observe, et tantôt franchement irlandaise, lorsqu’elle s’oublie. Nous avons essayé d’en donner une idée en quelques endroits.

On peut en dire autant du jargon de sir Terence O’ Fay ; et il était bien difficile de conserver à ce personnage la physionomie qu’il a dans l’ouvrage anglais. Nous ne nous flattons pas d’y avoir complètement réussi.

Comme il a été publié en Angleterre plusieurs ouvrages sous les noms de miss Edgeworth, Mrs. Edgeworth et Marie Edgeworth, M. Richard Lovell Edgeworth, père de l’auteur de ce roman, a mis en tête des Tales of fashionable life, une liste des ouvrages de sa fille et des siens, qui tous sont publiés par MM. Johnson et compagnie, St.-Paul’s Church-Yard, London, et il désavoue tous les autres. Nous joignons ici cette liste.

Vivian, Émilie de Coulanges et l’Absent, sont du même format, et imprimés avec les mêmes caractères. Ces trois ouvrages, publiés successivement, n’en forment donc qu’un, en sept volumes sous un titre commun, et peuvent néanmoins être achetés séparément.