Traduction par Mme Hyacinthe de Ferrières.
Pigorau (1, 2, 3.p. 46-73).


CHAPITRE III.


Le lendemain le tems était beau. Catherine s’attendait à essuyer une nouvelle attaque ; mais fortifiée par ce que lui avait dit M. Allen, elle ne craignait pas de succomber : elle désirait seulement de n’avoir pas à soutenir de nouveaux débats dans lesquels la victoire même serait désagréable. Elle eut la joie de ne voir arriver aucun de ses antagonistes. Les Tilney vinrent la chercher à l’heure convenue : aucune difficulté, aucun souvenir, aucun ordre inattendu, aucun importun ne vinrent mettre obstacle à l’accomplissement de leur projet. Notre héroïne se trouva donc prête à remplir l’engagement qu’elle avait contracté, bien que ce fût avec le héros lui-même. Ils se dirigèrent tous trois du côté de Beechen-Cliff. Ils admirèrent la beauté du paysage, la richesse de la culture, la majesté imposante de la montagne.

Quand je me promène sur le bord de la rivière, je ne vois jamais ce lieu sans penser au midi de la France, dit Catherine.

— Vous avez été en France ! reprit Henri avec surprise.

— Oh ! non : je ne la connais que par ce que j’en ai lu. J’ai toujours présent à l’imagination le voyage que, dans les Mystères d’Udolphe, Émilie fit en France avec son père… Je suis sûre que vous ne lisez jamais de romans ?

— Pourquoi n’en lirais-je pas ?

— Parce que ce ne sont pas des livres assez savans pour vous. Les hommes en lisent de meilleurs que les romans.

— Ce serait pour un savant comme pour une jeune dame faire preuve de peu d’esprit que de ne pas se plaire à la lecture d’un bon roman. J’ai lu tous les ouvrages de Miss Radcliff ; il en est plusieurs qui m’ont causé un grand plaisir. Pour Udolphe, quand je tenais le livre, je ne pouvais le quitter ; je me souviens de l’avoir lu tout entier en deux jours. Depuis le commencement jusqu’à la fin, je sentais mes cheveux se dresser sur ma tête.

— Oui, ajouta Miss Tilney, je me rappelle fort bien que vous me le lisiez haut, qu’on m’appela, que je fus obligée de répondre à un billet, ce qui me retint au plus dix minutes ; qu’au lieu de m’attendre, vous allâtes avec le volume dans l’hermitage du jardin ; que vous ne voulûtes pas revenir, et qu’il me fallut attendre pour avoir le livre jusqu’à ce que vous l’eussiez fini.

— Grand merci, Éléonore, voilà un bon témoignage en ma faveur ; il vous prouve, Miss Morland, l’injustice de vos doutes et il vous fait voir que ce n’est pas sans empressement, sans avidité même, que je m’occupe de la lecture des romans. Vous le voyez, je refuse d’attendre ma sœur pendant dix minutes seulement ; je manque à la promesse que je lui avais faite de lui lire haut ; je la laisse en suspens dans l’endroit le plus intéressant ; je me sauve avec le volume, et observez qu’il est à elle, à elle seule, en vérité je suis fier, en rappelant cela, de penser que vous en prendrez une bonne opinion de moi.

— Certes, je suis bien aise de vous entendre ; maintenant je n’aurai plus honte de dire que j’ai lu Udolphe ; jusqu’alors j’avais cru que tous les hommes méprisaient les romans.

— Ils les méprisent, mais ils les lisent, ainsi que le font les femmes. Moi-même j’en ai lu une quantité. Je suis sûr que vous ne connaissez pas plus de Julie, de Louise, de Sophie, que je n’en connais. Je ne finirais pas si je vous nommais tous ceux que j’ai lus, j’aurais à vous dire bien des fois : avez-vous lu celui-ci, avez-vous lu celui-là ; dans cette revue je vous laisserais bien loin derrière moi, comme votre bonne amie Émilie laisse le pauvre Valancourt, quand elle suit sa tante en Italie. Pensez combien d’années j’ai de plus que vous. Vous n’étiez encore qu’une petite fille, copiant des exemples pour vos leçons, lorsque je suis allé à Oxford pour y faire mes études.

— Cela m’est indifférent : dites-moi seulement, si vous ne trouvez pas qu’Udolphe soit le livre le plus agréable, le plus délicieux qui existe ?

— Le plus délicieux ! oh oui, car il faut qu’il existe du délicieux partout. Sûrement le jour d’aujourd’hui est un jour délicieux ; la promenade que nous faisons est une promenade délicieuse ; le bois qui est en face de nous est un bois délicieux.

— Cessez, cessez Henri, dit Miss Tilney, vous croyez parler à votre sœur. Miss Morland ne l’écoutez pas ; quant à moi, je suis de votre avis, car la lecture d’Udolphe a fait mes délices. Ce n’est sans doute pas à celle des romans que vous vous bornez ?

— Je vous avoue que je n’en aime pas beaucoup d’autres.

— En vérité ?

— Je lis pourtant assez volontiers les poëtes, les pièces de théâtre et quelques voyages ; mais l’histoire est trop grave, trop fatigante à lire pour que je m’y intéresse. Y prendriez-vous quelque plaisir ?

— Oui, ma chère, j’aime beaucoup l’histoire.

— Je voudrais bien l’aimer aussi, je la lis parce qu’il le faut ; mais je n’y trouve rien autre chose que des malheurs et des crimes qui m’affligent, des querelles ennuyeuses entre les Papes et les Rois, à chaque page la guerre ou la peste, des hommes qui font tant de mal, des femmes si méchantes ; et puis il me paraît qu’il pourrait se faire qu’une grande partie de ces histoires si anciennes, aient été inventées par les auteurs, qui composent eux-mêmes les discours qu’ils font prononcer aux héros, et qui prennent dans leur tête les projets et les pensées qu’ils prêtent aux personnages puissans. D’après cela je préfère les inventions des romanciers à celles des historiens.

— Comment vous ne trouvez rien d’agréable dans la narration des historiens ? Pour moi, tout en avouant qu’ils peuvent avoir ajouté quelque chose, soit pour l’ornement, soit pour suivre les probabilités, j’aime l’histoire, parce que je crois que les principaux événemens sont vrais, qu’il est intéressant pour nous de les connaître, et qu’ils nous fournissent souvent le sujet de bonnes réflexions. Quand les discours que les auteurs font tenir à leurs héros sont bien faits, je les lis avec autant de plaisir que s’ils avaient été prononcés par ces héros même ; je crois que ceux que MM. Hume et Robertson ont composés, sont aussi bons que ceux qu’auraient fait Agricola ou Alfred-le-Grand.

— Vous aimez beaucoup l’histoire ; c’est aussi le goût de M. Allen et de mon père ; mais j’ai deux frères qui ne peuvent la souffrir. Je suis étonnée de ce que ces historiens se donnent tant de peines pour composer un si grand nombre de gros volumes, que peu de personnes lisent et qui sont le tourment des petits garçons et des petites filles.

— L’opinion que vous venez d’émettre, dit Henri, aurait un peu étonné nos célèbres historiens : j’avoue que dans un pays où l’éducation est regardée comme une chose importante, il faut tourmenter les petits garçons et les petites filles, pour leur faire apprendre l’histoire ; j’avoue que la bonté de la méthode, la perfection surtout de leur style sont faits pour tourmenter des personnes d’un âge plus raisonnable. Vous voyez, Miss Morland, que, comme vous, j’ai employé le mot tourmenter au lieu du mot instruire. Je suppose qu’ils sont maintenant synonymes.

— C’est pour vous moquer que vous dites que je confonds les mots tourmenter et instruire ; mais si, comme je le suis tous les jours à la maison, vous aviez été quelquefois témoin de ce que souffrent mes pauvres petits frères, quand on commence à leur apprendre à lire ; de l’air presqu’hébété qu’ils ont, quand on les retient à l’étude toute une matinée ; de l’ennui de ma mère pendant la leçon et de la fatigue qu’elle ressent, quand cette leçon est finie, vous me permettriez, je crois, de regarder quelquefois les mots tourmenter et instruire comme synonymes.

— Cela est possible : mais ce n’est pas la faute des auteurs si les enfans n’apprennent à lire qu’avec peine. Cependant dites-moi, vous qui ne me semblez pas aimer les occupations sérieuses, ne trouvez-vous pas que l’on gagne à être tourmenté pendant deux ou trois ans, pour se mettre en état de jouir toute sa vie du plaisir de la lecture. Convenez que si l’on n’apprenait pas à lire, Miss Radcliff eût écrit inutilement, ou plutôt qu’elle n’eût pas écrit du tout. Catherine en convint et l’éloge qu’elle fit de son auteur favori mit fin à ce sujet.

La conversation se porta sur un autre article ; mais elle ne pouvait y prendre part. M. Tilney et sa sœur parlèrent des beautés de la campagne en personnes qui savent admirer la nature et qui possèdent la connaissance et l’amour des arts. La pauvre Catherine qui n’avait presqu’aucune idée du dessin et dont rien n’avait formé le goût, les écoutait avec attention, mais sans profit, parce qu’elle ignorait la signification de la plupart des termes dont ils se servaient. Le peu qu’elle saisissait lui semblait en contradiction avec quelques-unes des notions qu’elle avait eues autrefois du dessin. En effet jusqu’alors elle avait cru qu’on ne pouvait prendre un beau point de vue, que du sommet d’une montagne ; qu’un beau ciel devait toujours être sans nuage. Étonnée de son ignorance, elle en ressentit une espèce de honte.

C’était bien mal-à-propos, car la science ne convient pas aux jeunes personnes qui désirent être aimées. On blesse ordinairement la vanité des autres, quand on se montre à eux avec des talens distingués, avec des connaissances étendues ; c’est ce que doit éviter une personne sensée. Une femme surtout qui a quelques talens, doit mettre tous ses soins à ne les laisser paraître que le moins possible. Tous les avantages d’une agréable déraison, pour une jeune et jolie personne, ont été détaillés par l’élégante plume de la sœur d’un de nos meilleurs auteurs, et je ne puis rien ajouter à ce qu’elle a écrit sur ce sujet : je dirai seulement à la louange des hommes, que pour ceux qui sont légers et irréfléchis, le peu d’esprit d’une femme ne diminue pas le prix de ses charmes, et que ceux qui sont plus éclairés et plus soigneux de leur bonheur, ne désirent pas non plus trouver dans les personnes de notre sexe de grandes connaissances.

Catherine ignorait toutes ces choses : elle ne savait pas qu’une jeune personne avec un extérieur agréable et un bon cœur, ne peut manquer de fixer le choix d’un jeune homme distingué, à moins que quelques circonstances particulières ne viennent déranger cet ordre naturel des choses. Elle avoua donc, elle déplora son ignorance, et dit qu’elle donnerait tout pour acquérir le talent du dessin.

M. Tilney lui expliqua quelques-unes des règles de la perspective et du paysage ; il mit une si grande clarté dans ses explications, et Catherine les écouta si attentivement, qu’elle ne tarda pas à découvrir dans tous les objets, les beautés qu’elle lui avait vu admirer. De son côté, son professeur était charmé de trouver en elle autant de dispositions et de bon goût naturel. Il lui fit connaître comment on distinguait ce qui se trouvait sur le premier plan, en seconde ligne, dans le lointain ; il lui fit observer l’effet de la perspective, des ombres, des clairs, et Catherine profita tellement de cette leçon, que quand ils arrivèrent à Beechen-Cliff, elle aurait voulu voir disparaître la ville de Bath, qui lui paraissait gâter le beau paysage qu’elle avait devant les yeux.

Henri satisfait des progrès de son écolière, mais craignant de fatiguer l’attention qu’elle lui accordait, chercha à varier le texte de ses leçons. La vue d’un chêne qui se desséchait et qui était placé près du rocher sur lequel ils s’étaient arrêtés, lui fournit une transition facile ; il parla des arbres en général ; puis de ceux qui sont particuliers au sol de l’Angleterre ; il n’oublia pas ceux dont on se sert pour les clôtures, et amena ainsi la conversation successivement sur les terres, sur les grands domaines, sur le gouvernement et insensiblement sur la politique.

Un silence assez long qui avait succédé à quelques réflexions sur des événemens publics peu agréables, fut interrompu par Catherine, qui, voulant se mettre à la hauteur du sujet, dit du ton le plus imposant qu’il lui fut possible ; j’ai entendu dire qu’il allait paraître des choses très-surprenantes ; qu’on l’avait appris par une lettre de Londres.

Miss Tilney, à qui elle semblait s’adresser particulièrement, s’arrêta et lui dit : Cela serait-il vrai ? Et que doit-il donc arriver ?

— Je ne sais pas bien ce que c’est, ni quels sont les acteurs de cet événement, j’ai seulement entendu dire qu’il sera terrible et beaucoup plus affreux que tout ce qu’on a vu.

— Ciel ! et de qui avez-vous appris cela ?

— Une de mes amies en a lu le détail dans cette lettre de Londres ; elle dit qu’il y aura des horreurs, des massacres, et beaucoup d’atrocités de ce genre.

— Vous parlez de cela avec une étonnante tranquillité, ma chère, j’espère que le récit de votre amie a un peu exagéré les choses. Puisque les mauvais desseins que l’on forme sont connus avant leur exécution, le gouvernement aura pris les mesures nécessaires pour empêcher qu’ils ne se réalisent.

— Le gouvernement, dit Henri, en s’efforçant d’arrêter une envie de rire, n’a pas à s’occuper de cela. Il y aura dit-on de grands malheurs : le gouvernement ne doit pas s’en mêler.

Miss Tilney et Catherine restèrent immobiles en regardant Henri. Ce fut alors qu’il ne put retenir un grand éclat de rire. Combien je pourrais vous effrayer, dit-il, en vous racontant tout ce que je sais sur cela ! Mais je n’en ferai rien ; je veux être généreux, et vous prouver combien nous sommes bons, autant par la noblesse de mes procédés que par le sang-froid de mon courage. Je désapprouve les hommes qui dédaignent de descendre quelquefois jusqu’à rectifier l’opinion des femmes. Peut-être les pensées de celles-ci ne sont-elles ni solides, ni profondes, ni fortes, ni subtiles ; peut-être les femmes manquent-elles quelquefois d’observation, de réflexion, de jugement, de chaleur, de génie.

— Miss Morland, s’écria Miss Tilney, ne l’écoutez pas, je vous en supplie ; ayez la bonté de me dire ce que vous savez de cette terrible nouvelle.

— Sans doute que ma chère sœur veut parler de la nouvelle que lui représente son imagination, qui me semble un peu en désordre en ce moment. Dans tout ce qu’a dit Miss Morland, il n’est en effet question de rien autre chose que de la publication d’un nouvel ouvrage en trois volumes in-12, de 276 pages chacun ayant en tête du premier volume un frontispice composé de deux pierres tumulaires et d’une lanterne.

— Y êtes-vous ? Maintenant vous voyez Miss Morland combien ma sœur s’est méprise sur le sens de vos expressions. Vous parliez simplement des événemens malheureux qu’on allait lire à Londres. Au lieu de penser, ainsi qu’une personne un peu réfléchie l’aurait pu faire, que ces événemens se trouveraient dans un ouvrage nouveau que l’on se disposait à mettre au jour, elle a de suite rêvé un rassemblement de trois cents hommes à St.-Georges-Fields, la banque attaquée, la tour menacée, les rues de Londres inondées de sang, un détachement du 12.e Régiment de Dragons, (l’espérance de la nation), appelé de Northampton pour dissiper les insurgés, le vaillant Capitaine Frédéric Tilney, à la tête de ses troupes, au moment de charger, renversé de cheval par une tuile qu’on lui aura lancée d’un toit, etc., etc. Excusez cette faiblesse de femme, augmentée par les craintes d’une sœur. Elle est souvent exagérée, quoiqu’elle ne manque cependant pas d’esprit.

Catherine était toute stupéfaite.

— À présent, Henri, dit Miss Tilney, que nous vous avons laissé énoncer votre opinion sur nous, je voudrais savoir ce que tous vos discours ont pu faire penser de vous à Miss Morland ; elle doit penser sûrement que vous êtes fort malhonnête envers votre sœur, sans indulgence pour elle, et que votre opinion est très-défavorable à toutes les femmes. Miss Morland n’est pas encore accoutumée à la singularité de vos manières.

— Je m’efforcerai à l’avenir d’être plus heureux, et d’en avoir de plus convenables à ses goûts.

— Bien pour l’avenir, mais cela n’efface pas vos torts actuels.

— Que faut-il donc que je fasse pour les réparer ?

— Vous le savez très-bien : il faut prouver que vous n’avez pas un caractère tel que celui que vous venez de montrer ; il faut avouer que vous ne pensez pas une seule chose de tout ce que vous venez de dire sur l’irréflexion des femmes.

— Miss Morland, j’ai une très-haute idée de la solidité du caractère de toutes les femmes et particulièrement de celles en la société desquelles j’ai l’honneur de me trouver.

— Ce n’est pas avec ironie qu’il faut dire cela.

— Miss Morland, personne ne peut avoir du caractère des femmes une plus haute idée que celle que j’en ai ; je crois que la nature les a traitées si généreusement, qu’elles n’ont jamais besoin de faire usage seulement de la moitié de ses dons.

— Nous n’aurons rien de mieux aujourd’hui de lui, ma chère Miss Morland, il n’est pas dans son moment de raison. Malgré toutes les plaisanteries qu’il vient de faire à nos dépens, je vous assure qu’il est incapable de jamais se permettre de dire sérieusement quelque chose de mal sur aucune femme, de même qu’il ne me dira jamais rien qui puisse troubler notre amitié.

Il n’était pas difficile de persuader à Catherine que M. Tilney se conduisait toujours bien ; à la vérité quelques-uns de ses procédés l’étonnaient ; mais elle n’osait les blâmer, et quand elle ne comprenait pas le sens de ce qu’il disait, elle n’en était pas moins disposée à l’admirer.

Cette promenade fut des plus agréables pour Catherine ; elle aurait bien voulu qu’elle se prolongeât davantage. Un nouveau plaisir l’attendait à la fin. Miss Tilney la reconduisit chez elle et demanda à Mistriss Allen avec la politesse la plus respectueuse, de faire à son père l’honneur de venir dîner chez lui le surlendemain. Mistriss Allen accepta sans faire la moindre difficulté, ce qui transporta Catherine d’une joie qu’elle eût toutes les peines imaginables à contenir.

Le plaisir que Catherine avait goûté toute la matinée dans la société de M. et Miss Tilney fut tel qu’ils occupèrent seuls son esprit, et que l’idée d’Isabelle et de James ne se présenta pas une seule fois à elle durant la promenade ; mais quand les Tilney l’eurent quittée, le souvenir de sa première amie lui revint ; elle en demanda des nouvelles à Mistriss Allen, qui ne put lui en donner, n’ayant pas encore vu Isabelle.

Quelques emplettes forcèrent Catherine à sortir de nouveau ; elle rencontra en Bond-Street la seconde des Miss Thorpe qui retournait chez sa mère. Celle-ci lui apprit que le projet d’aller à Clifton avait été exécuté. Ils ont monté en voiture, dit Miss Anna, à huit heures, et je vous assure que cette partie de plaisir n’était pas très-séduisante, que vous et moi, nous devons être fort contentes de l’avoir évitée ; car Clifton doit être extrêmement triste maintenant, il n’y a absolument personne. Isabelle était avec votre frère, et John conduisait Maria. Catherine répondit qu’elle apprenait avec le plus grand plaisir qu’on se fût ainsi arrangé. Maria était fort contente d’être de la partie, elle croyait que ce serait une chose charmante ; je ne la blâme pas ; mais, pour moi, j’étais bien déterminée à refuser si on me l’avait proposé. Catherine qui doutait un peu de la franchise de cette assurance, lui répondit : j’aurais voulu que vous y allassiez, vous vous seriez certainement amusée.

— Je vous remercie. Je vous proteste que cela m’est indiffèrent, c’est ce que je disais à mes deux amies, au moment que je vous ai aperçue. Catherine ne fut pas plus convaincue par cette nouvelle assurance qu’elle ne l’avait été par la première, mais elle vit avec plaisir que la société de ces deux amies pouvait être une consolation pour Anna et elle se retira satisfaite d’avoir appris que son refus n’avait pas dérangé le projet, et qu’ainsi ni eux ni son frère ne conserveraient aucun ressentiment contr’elle.