L’Abbaye de Fontenay et l’architecture cistercienne/3.7

LE RÉFECTOIRE

Dans les abbayes cisterciennes, le réfectoire était généralement situé à l’opposé de l’église et perpendiculairement à la galerie du cloître, avec laquelle il communiquait. Celui de Fontenay ne manquait pas à la règle.

Si cette importante construction a disparu en grande partie, il a été facile de la reconstituer à l’aide des fondations récemment découvertes et aussi par la face intérieure de l’une des travées fig. 45), qui subsiste et forme actuellement le mur occidental du bâtiment connu sous la désignation d’ « Enfermerie ».

Ce réfectoire, dont nous donnons le plan, fut édifié au xiiie siècle et a dû remplacer une construction de même destination, mais de moindres proportions, contemporaine de l’origine de l’abbaye, qui ne tarda pas à devenir insuffisante. Il fut démoli vers 1745.

Il était divisé, dans le sens longitudinal, par une rangée de cinq faisceaux de huit colonnettes, formant deux nefs, et recevant les retombées de douze voûtes sur croisées d’ogives[1] ; un important tronçon de ces piliers, ainsi que la base sur laquelle il reposait, est conservé parmi les débris de sculpture réunis dans l’église.

Ph. C. Eslart.
44. Réfectoire de l’abbaye de Fossanova, chaire du lecteur.

Quatre longues fenêtres en tiers-point et superposées s’ouvraient dans chaque travée, répandant dans le réfectoire une abondante lumière. Celles de l’étage supérieur étaient encadrées d’une archivolte formée par un tore et un cavet et reposant sur d’élégants chapiteaux à crochets feuillages, qui couronnaient de hautes et minces colonnettes engagées. Quatre fenêtres semblables s’ouvraient également dans le mur du pignon sud. Au-dessous des fenêtres hautes, un bandeau régnait sur toute la longueur des parois, supporté, entre les fenêtres basses, par des colonnettes surmontées de chapiteaux à feuillages lancéolés. Ces colonnettes, alternativement simples ou groupées par faisceaux de trois, à l’aplomb des retombées des arcs d’ogives des voûtes, s’arrêtent à deux mètres du sol et sont amorties par des culots coniques dont l’extrémité semble rentrer dans la muraille. Ce détail de construction, très fréquent en Bourgogne et, en particulier, à Saint-Bénigne de Dijon, au déambulatoire de Pontigny, etc., a été souvent exporté par les cisterciens dans d’autres régions : en Angleterre, à Fountains et à Kirkstall ; en Italie, à Casamari, Fossanova, San-Martino, etc[2].

La raison d’être de cette disposition, tout au moins dans le cas actuel, était de laisser libre la partie inférieure des murs, le long desquels étaient alignées les tables des religieux.

Ph. L. B.
45. Travée du réfectoire.
(xiiie siècle)
Pendant le repas, un frère faisait une lecture pieuse du haut d’une chaire, généralement construite en encorbellement en forme de tribune, à laquelle on accédait par un escalier pratiqué dans l’épaisseur de la muraille. Nous en avons des exemples dans le réfectoire de Sénanque et aussi dans ceux de l’abbaye bénédictine de Saint-Martin-des-Champs de Paris (Conservatoire des Arts et Métiers), de Bonport (Eure), de Fossanova (fig. 44), de Poblet, etc.

Les cuisines et l’office aux provisions étaient situés dans la pièce contiguë au cloître et qui accompagne le réfectoire au couchant.

Enfin, le cellier et les magasins devaient se trouver, comme toujours, à l’ouest des bâtiments réguliers, à proximité des cuisines et parallèlement au réfectoire. Des substructions, récemment mises au jour, ne laissent aucun doute sur leur emplacement. Le cellier de Noirlac, merveilleusement conservé et placé de même façon, peut nous donner une idée précise de ce que devait être celui de Fontenay (fig. 46).

Au-dessus du cellier s’étendait une vaste salle sur toute la longueur du bâtiment, affectée, comme toujours, au dortoir des convers.

Ph. L. B.
46. Cellier de Noirlac.
ABBAYE DE FONTENAY
Ph. L. Bégule.

entrée de l’enfermerie            TRAVÉE DU RÉFECTOIRE            la forge
  1. Cette disposition, fort élégante, se retrouve fréquemment et en particulier à la Bussière, à Saint-Martin-des-Champs, à Paris ; au mont Saint-Michel, à Beauport (Côtes-du-Nord), à Saint-François de Nicosie (Chypre), etc.
  2. Cf. Enlart, Origines françaises de l’architecture gothique en Italie, p. 271.