L’Abîme (Rollinat)/L’Hiver du mal

L’Abîme. PoésiesG. Charpentier et Cie, éditeurs. (p. 230-231).


L’HIVER DU MAL


Le Mal a ses hivers ainsi que la nature,
Ses longs hivers de jeûne et de croupissement,
Où les vices, moisis par leur désœuvrement,
Habitent le dégoût comme une sépulture.

Privés d’illusion, non moins que de pâture,
Inféconds du péché, mauvais stérilement,
Ils sont là, condamnés à ce hideux tourment
De ruminer en eux leur propre pourriture.


Tels, au fond de nos cœurs, ils ont
L’aspect rouillé des feuilles mortes
Qui gisent au creux d’un buisson.

Ou bien on dirait des cloportes
Roulés en boule dans la nuit
Aussi noire que leur ennui.

Encor quelques étés, quelques printemps infâmes,
Et le Mal écrasé d’un hiver éternel
N’aura plus qu’à ronger son misérable fiel
Dans l’impénitence des âmes.