L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo/Existence certaine de l’homme

Traduction par Guillaume Apollinaire d’après la traduction d’Alcide Bonneau de Raccolta universale delle opere di Giorgio Baffo, éd. 1789.
L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, Texte établi par Guillaume ApollinaireBibliothèque des curieux, collection Les Maîtres de l’amour (p. 183-184).

EXISTENCE CERTAINE DE L’HOMME

Il me passe quelquefois par l’esprit,
Comme cela jadis est arrivé à Pyrrhon,
Que tous les objets sont des ombres, une illusion,
Et que moi-même je ne suis rien en ce monde.

Mais depuis, avec Descartes, franchement
Je fais, moi aussi, mon argumentation,
Et je dis : « Je pense, donc je suis, »
» Et avec moi vit tout le reste des êtres ».

Ce philosophe, en effet, a très bien dit,
Et inutile de lui faire autre commentaire,
Qui ne pense pas n’a pas de soi conscience.

Je vais plus loin et amplifie l’argument :

Non seulement je suis, mais je suis bien,
Quand je suis dans le derrière ou dans la Moniche.

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Descartes, cet excellent philosophe,
Qui allait si bien au fond des choses,
A trouvé ce très remarquable argument
Contre ceux qui croyaient ne rien être.

Pourquoi, quand il me passe par l’esprit
Que je ne jouis jamais, que je ne ressens pas de mal,
Ne pourrais-je avoir le même sentiment
Que lui, vis-à-vis de ceux qui pensent de même ?

Il a dit : « Je pense donc je suis,
» Qui ne pense pas n’a pas de soi conscience, »
» Et qui dit le contraire est un coïon. »

Je vais plus loin et j’estime bien dire,
En tirant du raisonnement double conclusion :
Je suis dans la Moniche, donc je suis bien.