XIV


Le valet de pied qui vint ouvrir toisa d’un œil curieux la matinale visiteuse, et ce fut avec une sorte de familiarité qu’il lui répondit tout d’abord : « Le juge est chez lui, cela va sans dire… Quant à vous recevoir, c’est une autre affaire… Simmons, ajouta-t-il en s’adressant à une femme de chambre qui traversait le vestibule, pensez-vous que le juge soit levé ?

— Le juge ?… il est à sa toilette, depuis une demi-heure… On va servir le déjeuner, madame descend.

— Vous voyez, madame… N’aimeriez-vous pas mieux revenir un peu plus tard ? demanda le valet à Ellenor, plus émue et plus intimidée que jamais.

— Non… Je préfère attendre, dit-elle avec douceur… Je n’ai pas mes cartes sur moi ; mais je suis certaine d’être reçue si vous portez mon nom au juge Corbet. Miss Wilkins, ceci suffira…

— À votre aise. Veuillez donc vous asseoir là !… Il faut que je mette le déjeuner sur table… »

Il désignait à Ellenor une des banquettes du vestibule, car ce nom de miss Wilkins, accompagné d’une toilette modeste, la lui faisait prendre pour la fille de quelque fournisseur. Puis, hélant un page[1], il le chargea d’aller dire au juge que miss Wilkins demandait à lui parler. Le page grimpa, toujours courant, jusqu’à la porte du cabinet où le juge achevait sa toilette. « Miss Jenkins, cria-t-il, demande à voir monsieur.

— Comment dites-vous ?

— Miss Jenkins… Elle assure que son nom vous est connu.

— Pas le moins du monde : faites attendre. »

Ellenor attendit donc, et pendant qu’elle attendait, une robe de soie, balayant à grand bruit l’escalier, annonça lady Corbet qui descendait avec une majestueuse lenteur, portant sur le bras un bel enfant, et suivie à six marches de distance par une bonne, non moins digne, non moins grave qu’elle. Il parut déplaisant à cette altière personne que l’on se permît de venir ainsi disputer à son mari les rares moments de loisir qu’il pouvait accorder aux douceurs de la vie domestique, et son humeur d’enfant gâtée, sa hauteur impérieuse ne lui inspirèrent aucune parole obligeante, — pas même le plus simple mouvement de politesse, — envers cette douce créature, épuisée de fatigues et d’angoisses, qui attendait patiemment quelques minutes d’audience. Elle passa au contraire, la toisant de haut en bas, tandis qu’Ellenor sous le regard superbe de ces grands yeux noirs baissait humblement le sien. Le cortége domestique disparut ensuite dans la vaste salle à manger où les apprêts du déjeuner se faisaient encore entendre.

Le juge ne pouvait maintenant tarder beaucoup. Ellenor, par un mouvement instinctif, baissa son voile. Elle entendit, elle reconnut de reste, l’allure vive et saccadée de l’homme qu’elle était venue chercher.

À peine son rapide et subtil regard s’était-il porté sur la personne assise dans son antichambre, qu’en dépit du voile, en dépit du costume de voyage, il la reconnut sur-le-champ. « Donnez-vous la peine d’entrer ici, » lui dit-il aussitôt, en ouvrant pour elle la porte de son cabinet de travail, laquelle donnait aussi sur le vestibule.

Puis, en homme qui sait tirer parti de tout, il se plaça le dos à la fenêtre, ce qui lui laissait voir en pleine lumière le visage de cette visiteuse inattendue. Ellenor releva son voile. Elle ne l’avait baissé, dans le fait, que pour épargner au juge la contrariété d’avoir à s’excuser, dans le vestibule même, de l’y avoir ainsi laissée.

« Ellenor… miss Wilkins, est-ce réellement vous ?… » Et, moins préparé qu’elle à pareille entrevue, il semblait le moins embarrassé des deux au moment où, s’avançant vers Ellenor, il lui tendait cordialement la main. Était-il au fond si à son aise ? On pourrait en douter, malgré l’assurance de son maintien, et la courtoisie avec laquelle il expliquait, en la rejetant sur ses domestiques, l’erreur dont miss Wilkins avait à se plaindre. « Vous allez, continua-t-il, nous faire l’honneur de déjeuner avec nous… Lady Corbet sera heureuse de vous voir… » À ce moment, l’idée de cette présentation qui mettrait son ex-fiancée en face de sa femme actuelle, lui parut d’une gaucherie impardonnable ; on aurait pu s’en apercevoir à la précipitation de son débit. Mais Ellenor le tira bientôt de peine.

« Je vous remercie, lui dit-elle avec cette douceur d’organe qui prêtait un charme à ses moindres paroles… Vous excuserez mon refus… Si ce n’eût été pour affaires pressantes, je ne me serais point permis de venir vous déranger à une heure pareille… Je viens vous parler du pauvre Dixon.

— Eh bien, je m’en doutais, » dit le juge qui lui offrit un fauteuil et s’assit lui-même.

Il voulait à toute force se restreindre à parler affaires ; mais malgré sa force de caractère, employée en vain, le son de cette voix évoquait devant lui les réminiscences du passé. Il se demandait s’il était aussi changé qu’elle lui avait semblé l’être, lors de ce premier regard qui malgré tout l’avait reconnue. Depuis lors, sans trop s’en apercevoir, il évitait volontiers que leurs yeux vinssent à se rencontrer.

« Je m’en doutais, reprit-il ; quelqu’un, cependant, à Hellingford, m’avait conté que vous étiez sur le continent, à Rome si je ne me trompe… Après tout, il ne faut pas vous affecter outre mesure. La peine capitale ne saurait manquer d’être commuée en transportation… ou quelque chose d’équivalent. J’en parlais justement hier soir au ministre de l’intérieur. Le temps écoulé depuis le crime, et la bonne conduite subséquente du condamné, ne rendent pas admissible que l’arrêt reçoive son entière exécution. »

Tandis qu’il parlait ainsi, de bien autres pensées occupaient pour ainsi dire l’arrière-plan de son intelligence, — quelque curiosité, un peu de regret, une nuance de repentir, et certaines conjectures ambiguës sur le tour que prendrait la présentation devenue inévitable de lady Corbet et d’Ellenor. Néanmoins il s’exprimait toujours avec la même lucidité, sans rien laisser deviner de cette distraction intérieure.

Ellenor répondit :

« Je suis venue vous attester(ce qu’il m’eût été permis de faire à l’égard de tout autre magistrat, avec la pleine certitude du secret), je suis, dis-je, venue vous attester qu’Abraham Dixon n’a jamais porté une main homicide sur la personne de M. Dunster. »

Le juge arrêta sur elle un regard scrutateur.

« Alors, dit-il, vous savez qui est l’assassin ?

— Je le sais, » répliqua-t-elle fort bas mais d’un ton ferme, en le regardant droit au visage, de ses yeux tristes et, pour ainsi dire, solennels.

La vérité apparut au juge, comme un jet de lumière soudaine. Il cacha sa tête dans ses mains et, pendant une minute ou deux, resta perdu dans ses réflexions. Puis sans lever les yeux, avec un organe dont l’émotion atténuait le timbre sonore.

« C’est donc là, murmura-t-il, cette honte dont vous me parliez naguère ?

— Oui, » dit-elle.

Un profond silence s’établit entre eux : il permit d’entendre, à travers les portes volantes qui les séparaient de la salle à manger, une voix perçante, impérieuse, qui enjoignait aux domestiques de remporter le déjeuner de monsieur.

« Qu’on le tienne chaud, ajouta la voix, s’élevant de plus en plus avec une intention marquée. On ne comprend guère l’importunité de certaines gens… Ignore-t-on que le juge reçoit les plaideurs à heure fixe ? Faut-il qu’on vienne le relancer ainsi jusque dans son intérieur ? »

M. Corbet se leva vivement et passa dans la salle à manger. Évidemment il avait quelque peine à réprimer l’irritation de son altière moitié. À son retour, Ellenor lui dit :

« Il me semble que j’ai eu tort de venir à cette heure.

— Allons donc, vous n’y songez pas, » répliqua le juge avec un reste d’impatience contenue. Puis il reprit le siège qu’il venait de quitter.

« Je crois, continua-t-il, que j’ai deviné. Laissez-moi donc abréger, autant que possible, votre supplice… Le meurtrier, c’est votre père. Dixon a connu le crime et n’a point voulu en trahir l’auteur.

— À part ce mot de crime qui ne saurait s’appliquer à un acte irréfléchi, à l’élan d’une irritation longtemps comprimée, vos conjectures sont justes.

— Quelles circonstances vous autorisent à définir ainsi l’attentat commis sur ce Dunster ?

— Je suis survenue alors qu’il venait d’expirer… J’ai reçu les aveux du coupable, au moment même où, en face du cadavre, livré au désespoir le plus poignant, il ne songeait certes à me rien cacher.

— Dixon a tout au moins été son complice… Que signifie cette lancette de vétérinaire déterrée sur le théâtre du… de l’événement ? acheva-t-il, pour ne pas répéter un mot qui blessait le cœur d’Ellenor.

— Elle signifie que Dixon, appelé par mon père, a cru pouvoir ranimer, par une saignée, le malheureux étendu à leurs pieds. »

Le juge n’ajouta pas une question. Il s’était jeté sur une plume, et traçait, avec une rapidité fiévreuse, deux notes rédigées d’après les données qu’Ellenor venait de lui fournir. Puis, plus posément, mais en moins d’un quart d’heure, il les résuma dans un document revêtu de toutes les formes légales. Ellenor ne pouvait s’empêcher d’admirer cette promptitude, cette sûreté d’appréciation, ce dédain magistral de toute minutie, cette aisance parfaite dans l’exercice des fonctions les plus hautes et en face de la responsabilité la plus lourde. À peine lui adressa-t-il, au courant de son travail, deux ou trois questions sans importance apparente.

« Signez maintenant, lui dit-il, en posant la plume à portée de sa main.

— Ceci, j’espère, n’est pas destiné à la publicité ? lui demanda-t-elle avec une certaine hésitation.

— Nullement. Je m’arrangerai pour que le ministre de l’intérieur en ait seul connaissance.

— Merci. Au point où les choses en étaient venues, il ne me restait aucun moyen d’éviter cette révélation.

— Je n’ai pas rencontré beaucoup d’hommes pareils à ce Dixon, ajouta le juge, comme se parlant à lui-même, tandis qu’il apposait son cachet sur l’enveloppe destinée au ministre.

— Non, dit Ellenor… Je n’en ai jamais connu d’aussi fidèles. »

Elle n’avait pas achevé sa phrase, qu’une même idée s’offrit à tous deux : l’idée d’un homme moins fidèle, à qui ces mots pouvaient être appliqués comme un reproche indirect.

« Ellenor, reprit le juge après une pause de quelques instants, nous sommes toujours amis ?

Amis toujours, et pour toujours, » répondit-elle en soulignant d’un triste sourire le mot : amis.

Il resta au juge, de cette réponse, une pénible impression. Pourquoi ? C’est ce qu’il n’aurait pu dire. Afin de la dissimuler, il reprit courageusement la parole.

« Vous vous rendez maintenant ?…

— À Chester.

— Mais vous venez sans doute quelquefois à Londres… Veuillez nous en avertir, et lady Corbet se fera un plaisir de vous aller chercher… Si même vous daigniez me le permettre, je vous conduirais de suite auprès d’elle.

— Encore une fois merci… Je retourne directement à Hellingford… Aussitôt, du moins, que vous aurez pu me faire délivrer le pardon accordé à Dixon. »

Le magistrat ne put retenir un léger sourire, provoqué par cette ignorance absolue des formalités officielles.

« C’est au sheriff, dit-il, au sheriff chargé de l’exécution, que l’ordonnance de grâce doit être adressée… Il la recevra, soyez-en sûre, aussitôt que possible… Comptez d’ailleurs que c’est chose faite.

— Je ne saurais vous remercier assez… Vous vous êtes montré la bonté même, et je suis heureuse de vous avoir revu, dit Ellenor se levant… Ceci de plus, ajouta-t-elle rougissant, hésitant quelque peu… Veuillez jeter les yeux sur ce papier… Il a été trouvé sous l’oreiller de mon père, immédiatement après sa mort… Il a trait à des choses… bien passées, mais il vous fera peut-être penser plus favorablement de ce pauvre père… »

Le juge avait pris le fragment de lettre, et il le lut rapidement.

— Malheureux homme, dit-il enfin, le replaçant sur la table… Il a dû bien souffrir à la suite de cette nuit fatale… Et vous donc, Ellenor ! »

Oui, certes, elle avait souffert, et — bien qu’il feignît de l’oublier, — celui qui la plaignait ainsi n’était pas la moindre cause de ses souffrances. Elle ne répondit que par un léger hochement de tête. Puis elle le regarda, — maintenant ils étaient debout, presque face à face, — et, le regardant, elle lui dit :

— Si je ne me trompe, je serai désormais moins à plaindre. Jamais je n’ai douté que cette désastreuse affaire ne finît par éclater… Maintenant, laissez-moi vous remercier encore, et recevez mes adieux… Cette lettre, je puis l’emporter, n’est-ce pas ? continua-t-elle en jetant un regard avide sur ce débris de papier auquel le juge ne semblait attacher aucun prix.

— Certes, certes, » dit-il, et il prit la main qu’elle avait étendue vers la table. Il retenait cette main, et regardait ce visage qui lui était tout d’abord apparu si altéré par le temps. En ce moment, je ne sais par quel mirage, il la retrouvait à peu près tel qu’il l’avait connu jadis. Même regard, doux et timide ; même fossette indiquée plutôt qu’inscrite sur la joue veloutée, où un léger mouvement de fièvre appelait quelques nuances d’un rose longtemps étranger à ce pâle visage. Tout marié qu’il était à une beauté reconnue, le juge se demanda involontairement s’il ne préférait pas cette douleur calme, cette toilette sobre et presque pauvre, à l’imposant visage qu’il venait de laisser dans la pièce voisine, empourpré d’un orgueilleux dépit. Au moment où Ellenor allait sortir, il soupira presque de regret. Le poste éminent qu’il avait souhaité si ardemment, et pour lequel il avait tant combattu, il l’occupait enfin ; mais au prix de quel sacrifice !… Et son ambition pleinement satisfaite ne l’empêcha pas de souhaiter, pendant un instant, qu’il lui fût permis de ressusciter la victime immolée sur l’autel d’un insatiable avenir.

On replaça devant lui son déjeuner, tout fumant ; mais il n’y toucha point, et bien qu’il feignît de parcourir le numéro du Times, il ne lut pas un mot des articles, si nettement imprimés, qui lui passaient sous les yeux. Sa femme, pourtant, continuait à récriminer contre l’indiscrétion de la visiteuse inconnue. Inconnue, disons-nous, car le juge avait pris la précaution d’estropier le nom d’Ellenor, en vue des rapports ultérieurs qui pourraient s’établir entre les deux dames.

Miss Monro était déjà rendue à Hellingford quand notre voyageuse y revint. — Le chanoine Livingstone, en arrivant à Chester, s’était hâté de l’expédier, disait-elle ; — mais la bonne institutrice n’ajoutait pas qu’en l’expédiant, il avait absolument voulu l’accompagner, prévoyant qu’Ellenor, en pareille passe, n’aurait pas trop de tous ses amis. Celle-ci, jadis, se serait probablement formalisée d’une attention si compromettante ; mais les temps et les cœurs peuvent changer, on le sait de reste, et miss Monro en fut pour ses frais de dissimulation.

Il s’agissait d’obtenir pour le soir même une entrevue avec Dixon. M. Johnson ne voulut jamais se laisser persuader qu’il dût solliciter à si bref délai l’autorisation du sheriff. Miss Wilkins ne l’obtiendrait pas, dit-il et d’ailleurs il faut éviter à tout prix qu’elle donne au malheureux condamné des espérances peut-être illusoires… Attendons à demain, et que miss Wilkins, d’ici là, consente à prendre quelque repos. »

Miss Monro revint avec ce refus poli dont elle craignait l’effet sur la pauvre Ellenor, qu’elle avait laissée aux prises avec une extrême agitation. Elle la retrouva comme engourdie par un sommeil involontaire. À peine ouvrit-elle les yeux pour écouter ce que lui disait son amie, et tout au plus parut-elle la comprendre. Le voyage rapide et contrarié, les soucis incessants, les brusques péripéties avaient enfin triomphé d’elle. Aussi, le lendemain matin, quand arriva l’ordonnance qui autorisait la mise en liberté du pauvre Dixon, quand le sheriff se fit un devoir d’en aviser miss Wilkins en lui expédiant la permission nécessaire pour qu’elle annonçât elle-même la bonne nouvelle à son heureux protégé,… tout ceci demeura ignoré d’Ellenor, qui, pendant plusieurs jours, plusieurs semaines encore, se trouva incapable de toute action, voire de toute pensée.

Ce fut au commencement de juin, par une tiède soirée d’été, que miss Monro entendit une voix faible l’appeler auprès du lit sur lequel sa chère malade s’était quelque temps débattue entre la vie et la mort : « Où est Dixon ? lui demanda Ellenor.

— À Bromham ; chez le chanoine. »

Bromham était la paroisse du docteur Livingstone.

« Pourquoi cela ?

— On a pensé que le changement d’air et d’entourage lui serait bon.

— Il va bien ?

— De mieux en mieux… Vous le verrez aussitôt qu’il vous saura guérie. »

Ellenor, rassurée, n’en demanda pas davantage et se rendormit aussitôt de lassitude et de faiblesse.

Une fois à peu près rétablie, elle n’eut rien de plus pressé que de quitter Hellingford, pour rentrer dans cet Enclos de Chester, où elle avait goûté, dans le voisinage dé l’imposante cathédrale, un calme si complet et si doux ; ce fut là qu’elle revit Dixon : Livingstone le lui amena. Tous deux placèrent le vieillard dans un grand fauteuil de malade, tout exprès disposé par Ellenor, qui, presque agenouillée devant ce fidèle serviteur, lui demandait d’oublier, de pardonner toutes les souffrances qu’il avait endurées pour l’amour d’elle. Il la regardait avec une surprise attendrie et ne lui refusa pas un moment de poser sur son front, pour y appeler les bénédictions d’en haut, ces mains qu’avait en quelque sorte sanctifiées un martyre volontaire. Épuisé par cet effort, il retomba sur son siége, et tour à tour, regardant Ellenor, puis le digne chanoine : « Celui-ci, dit-il, celui-ci est un brave homme,… bien meilleur que l’autre, vous pouvez m’en croire.

— Pensez-vous donc que j’en doute ? » répondit simplement Ellenor.

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Si vous veniez à traverser le village de Bromham, et si vous jetiez un coup d’œil par-dessus la haie de lauriers qui sépare de la grand’route le jardin du recteur, vous verriez, — par quelque belle journée d’été, — un bon vieillard, blanchi par l’âge, assis sur un fauteuil d’osier à la marge d’une verte pelouse. Appuyé sur un bâton, il relève rarement la tête ; mais, sans qu’il se donne cette peine, ses yeux sont au niveau de deux petites têtes blondes, qu’il ne perd guère de vue dans leurs jeux, et qui viennent de temps à autre, avec une entière confiance, lui déférer l’arbitrage de leurs innocents démêlés. Ces deux beaux enfants ont appris à bégayer son nom en même temps que celui de leur père et de leur mère.

Il est rare que miss Monro ne soit pas là, près du vieux Dixon. Bien qu’elle ait gardé pour quartier d’hiver la petite maison de l’Enclos, elle vient, en général, passer l’après-midi dans la modeste villa du docteur Livingstone.




fin



  1. Le page fait encore partie de la domesticité anglaise. C’est un apprenti valet de chambre. On le reconnaît à sa veste à la hussarde, ornée de trois rangs de boutons. (N. du T.)