Calmann-Lévy, éditeurs (p. 192-545).


LONDRES


Londres.
Hôtel Claridge.

Changement de décor ! Oh ! il y en a eu dans ma vie !… et de laids, et de jolis, et de tristes et de gais ! Ce matin, c’était une demeure familiale et amie ; ce soir, c’est l’hôtel banal et froid. Comment je m’y adapte, comment je m’y retrouve, c’est un mystère pour moi-même. Je crois cependant que cela représente un petit tour de force de la nature.

Défaire et refaire sa malle, c’est tout bonnement s’étendre et se rétrécir ! Quand on sort ses vêtements, les objets qui vous continuent, qu’on les étale autour de soi, on s’étend ; quand on les réintègre dans leur boîte, on se rétrécit. Le comique de ces deux mouvements m’a frappée aujourd’hui pour la première fois et il m’a donné un bel accès de gaieté. En arrangeant plumes et papiers sur ma table à écrire, j’ai dit tout haut : « Je m’étends ! je m’étends. » Cela me semblait irrésistiblement drôle. Cette fois, je me suis étendue bien à l’aise, dans une belle chambre bleue à deux fenêtres et dans un grand cabinet de toilette. De temps à autre, la Providence m’accorde un peu de ce luxe, de ce confort que j’ai toujours aimé… oh ! pas souvent. Évidemment, elle a ses raisons pour ne pas me gâter trop.

Un séjour à l’hôtel Claridge n’était d’abord pas entré dans mon programme de voyage. Et puis, au mois d’avril, comme je prenais le thé chez Ritz, le chef de réception est venu m’annoncer qu’il en avait obtenu la direction et m’engager à y descendre lorsque j’irais à Londres. Je le lui ai promis et m’y voici très bien installée par ses soins. Pourquoi, oh ! pourquoi ai-je été amenée dans ce solennel et aristocratique hôtel Claridge ?… nous verrons bien…

Oui, cela a été pénible ce départ de Saint-Olaf, très pénible… et dire qu’un mois auparavant, j’en avais franchi la grille en étrangère ! Jack et Bob étaient sous le porche. Jusqu’au dernier moment, ils m’ont dit mille choses affectueuses avec leurs bons yeux et leurs queues. Quand ils ont vu la voiture, s’ébranler et m’emmener, leurs physionomies se sont couvertes. Le chat, qui sommeillait les pattes repliées, s’est contenté d’ouvrir les yeux. D’après les ordres laissés par mes hôtes, la femme de chambre m’a accompagnée jusqu’à Londres et le jardinier m’a remis une magnifique gerbe de roses.

En arrivant à l’hôtel, j’ai trouvé un télégramme d’Edith me souhaitant la bienvenue, les cartes de trois personnes de ma connaissance, l’une entre autres de madame Nerwind, l’amie de Ruby Talbot.


En Angleterre et en Amérique, l’usage veut que les résidents fassent visite à ceux qui arrivent.

Toutes ces choses, fleurs, télégramme, cartes, réchauffent l’atmosphère et me font sentir que je ne suis pas tout à fait perdue dans ce Londres immense, elles me font sentir surtout la sollicitude vivante du pouvoir que je sers et qui les a dirigées vers moi. Je souris de nouveau. Me voici répétant avec une conviction scientifique, les paroles que la foi intuitive met dans la bouche du prêtre… paroles qui m’avaient toujours agacée et que j’avais crues vaines religieusement. Si, comme on l’affirme, tous les chemins mènent à Rome, tous les chemins, bien plus sûrement mènent à Dieu.

Londres.

Londres ! Je l’avais toujours vu avec des amis en babillant, distraite par ceci ou par cela. Il m’avait laissé l’impression de quelque chose de colossal ; je l’avais quitté mécontente avec le regret de ne pas le connaître mieux. Cette fois-ci, j’ai voulu le voir à mon aise et seule. Quelle joie d’errer à l’aventure dans cette métropole de cinq millions l’habitants ! Une foule de souvenirs emmagasinés à chacune de mes visites précédentes se réveillent et me guident. Il me semble que je suis affectée à la manière du récepteur des ondes hertziennes. Si j’étais l’objet du même procédé, cela ne m’étonnerait pas.

Parmi les agglomérations humaines, Londres et Paris sont assurément les plus intéressantes, celles vers lesquelles convergent le plus de pensées, le plus de curiosité. Elles représentent deux des grandes races du globe, deux sexes, deux tempéraments et elles se font curieusement valoir l’une et l’autre. Je m’en aperçois en les comparant.

Londres est anglo-saxon, masculin, protestant. Paris est latin, féminin, catholique. Il y a bien là de quoi leur faire des âmes diverses… et elles sont diverses leurs âmes !

La surface de Londres, plutôt plate, est dominée pour ainsi dire par la Cité, la prison de Newgate et la cathédrale de Saint-Paul, par le commerce, la loi, la religion. Paris, lui, — comme je regrette de ne pouvoir dire « elle », — a une couronne de monts dont les sommets portent une basilique, un moulin aux ailes folles, un panthéon, les champs de ses morts, les canons de sa défense. Est-ce assez symbolique de féminité cela ?

On trouve Londres beau ou laid, selon sa mentalité. Il exerce sur moi une véritable fascination. Je sens son immensité, sa puissance, sa multitude. Son ciel bas, son soleil sans rayons, son brouillard jaune, lui donnent un aspect de grand nord qui me charme particulièrement. Les brumes dont on se plaint adoucissent ses lignes, atténuent artistement ses laideurs et en font une admirable grisaille. Elles ont, en outre, des effets saisissants, souvent elles voilent tout un pan de l’horizon ; une brise légère les entr’ouvre et on voit surgir une cathédrale gothique, un pont monumental, de hautes cheminées d’usines ; puis lorsqu’un vent violent les roule brusquement, c’est le panorama d’une ville qui se déroule devant soi. Et dans cette fantasmagorie la nature ne se répète jamais, jamais !

Londres me donne de plus en plus l’impression de la fourmilière. Du reste, point n’est besoin de monter bien haut physiquement et moralement pour que les hommes prennent l’aspect et les proportions d’insectes. Peu importe... se rendre compte de sa petitesse est une preuve de grandeur... de grandeur future surtout. Londres est une fourmilière, ouï... mais gigantesque et merveilleuse. Je vois des lignes interminables de logetles percées de fenêtres à guillotine, quelques maisons grandioses, puis ici et là des constructions plus élevées, de six, sept, neuf étages, surchargées d’ornements, particulièrement hideuses et empiétant trop sur le ciel bas. Je vois de larges artères, des rues latérales étroites et grises, un immense carrefour, Tralfalgar Square, séparant deux centres d’activité diverse, des places où se croisent et s’entre-croisent des véhicules de toutes sortes, des espaces verts, des parcs avec des fleurs, de beaux arbres, des échantillons de prairie avec des vaches et des moutons même. Je ois la Tamise qu’enjambent des ponts monumentaux, la Tamise, devenue ici un fleuve d’affaires, aux eaux sombres, portant de lourdes cargaisons et luttant contre la marée. Je vois plusieurs gros bouillonnements de vie : les docks où se trouve le maximum d’efforts physiques... la Cité, le Strand, Piccadilly, Bond Street, Hyde Park... Et dominant de pensée et de be-aulé ce tout colossal, je vois Westminster Abbey, le Parlement, des édifices gothiques, des cathédrales, des temples, des palais royaux, Saint-James, Buckingham. De ces lignes, mon regard va à la physionomie de Londres. Elle me paraît sévère et terne, mais bien virile. Quant à son atmosphère morale, elle est singulièrement lourde et sèche. Je sens que beaucoup d’éléments supérieurs lui font défaut. La pensée, la jeunesse sont dans les villes universitaires, l’art y est en quantité minime, invisible presque, les églises sont, fermées six jours de la semaine. En somme, ce qui s’extériorise surtout, ce sont les préoccupations d’argent, l’ambition, l’orgueil, le snobisme, des énergies puissantes, la volonté, le caractère, des passions brutales, les douleurs d’une lutte à outrance. Londres est une cité marchande âpre au gain, vénale, où l’on fabrique et où l’on adore le veau d’or. Dans cette Cité marchande pourtant on sent une âme gothique, spiritualiste, biblique, qui l’ennoblit, l'aristocratise davantage peut-être que le pavillon royal et impérial dont elle couvre son trafic et ses opérations. C’est à cette âme, si je ne me trompe, qu’elle doit sa véritable grandeur.

Voilà l’impression que j’ai reçue au cours de mes promenades matinales. Est-elle juste ? En tout cas, je l’ai transcrite fidèlement.

Paris, millionnaire aussi, mais trois fois seulement, n’a pas l’impressionnante immensité de la métropole anglaise. Et c’est bien la ruche ! Une ruche sous un ciel élevé, avec une belle lumière, des brumes bleuâtres, des nuages doux, des couchers de soleil auxquels la nature apporte un art infini. Ses rues sont bien percées, bordées de maisons à étages. Des avenues plantées d’arbres rayonnant en étoiles, aboutissent à des carrefours magnifiques. Son fleuve a un mouvement 198 L'ILE INCONNUE joyeux et léger. Paris a des parcs aussi, des jardins, des îles de verdure, deux, bois comme fond, tout un peuple de statues. Dans ses églises chaudes et vivantes, on prie sans cesse et cela fait de la spiritualité. Comme toutes les vieilles capitales, il possède de beaux joyaux de pierre : Notre-Dame, la Sainte-Chapelle, le Louvre. S’il n’a plus de rois, il a des palais encore, des palais qui sont devenus des musées où les chefs-d’œuvre immortels, les grands accumulateurs de beauté et d’art, ont remplacé l’homme mortel. Son architecture n’est ni lourde ni gothique, grecque plutôt. Tout cela donne un ensemble clair et gai qui soulève l’esprit au lieu de l’oppresser. La physionomie de Paris est joyeuse, mobile, infiniment variée. Dans son air ambiant, il y a des courants d’idées générales. La jeunesse de son Université, de ses Écoles, y jette ses rêves ; il y a encore de l’amour, de l’idéalité, de la sensualité, une foule de choses visibles et inisibles qui attirent irrésistiblement les uns et repoussent les autres. On sent Londres, on l’aime avec sa mentalité, on sent Paris et on l’aime avec son tempérament et avec son âme. Dans les métropoles des Terriens, il y a un noyau brillant où se trouvent des palais, des demeures luxueuses, des richesses de toutes sortes, où les individus sont vêtus d’étoffes fines et douces, parés de choses précieuses. L’éclat diminue graduellement, les maisons sont moins astes, moins confortables, puis très pauvres, insuffisantes même. Les Aoies se rétrécissent, la beauté se fait rare, le visage humain devient triste, douloureux, indifférent, les corps s’affaissent, les pas s’alourdissent, les vêtements n’ont plus ni forme ni couleur, et tout se confond dans une ombre mortelle. Elles sont ainsi maintenant nos métropoles ; mais sous l’action de l’être des êtres, la zone lumineuse ira s’élargissant de plus en plus et un jour, elle arrivera chaude et vivifiante jusqu’aux extrémités. J’en ai la conviction. Le progrès le veut ainsi.

Londres.

Une semaine à peine que je suis à Londres et, grâce à cette hospitalité que je ne cesserai de vanter, me voici entrée dans le mouvement de sa vie mondaine, j’ai été ramassée et portée par son flot pour ainsi dire.

Le matin, je me promène à pied ou en voiture. L’après-midi, visites, le Parc, quelque five o’clock et pour terminer un bridge. Je dîne à l’hôtel où le spectacle est toujours varié et intéressant. Je reste plus ou moins longtemps au salon, selon le monde qui s’y trouve, puis, je rentre chez moi où je noircis quelques feuilles de papier. Quand je m’allonge dans mon excellent lit, bien éclairé pour la lecture, j’ai la conscience de n’avoir pas tout à fait perdu ma journée. Franchement, je n’aurais aucune objection à ce qu& ce train-train continuât toujours.

L’hôtel Claridge est admirablement situé, en plein Mayfair, dans une véritable île de silence et de tranquillité, mais à deux pas de Régent Street, de Piccadilly et de Hyde Park.

Le quartier aristocratique du West End n’a rien d’imposant ou de monumental, ses façades donnent sur la rue. Elles sont de gris divers, crème, jaune clair, brun rouge. — les couleurs de Londres, — ces couleurs produisent, du reste, un ton chaud qui s’harmonise bien avec le ciel et l’atmosphère. Des squares, des demi-lunes (crescents), une forme que nos voisins affectent, rompent la régularité des lignes. Les maisons sont plutôt étroites, à certains endroits elles ressemblent à des boîtes percées d’ouvertures. L’architecture trahit un goût peu cultivé, enfantin presque. Elle s’est bornée à reproduire tant bien que mal, mal plutôt, des fantaisies de propriépriétaires, des réminiscences d’Italie et de Grèce. Ces constructions baroques, ornées de portiques, de terrasses, de balcons, collées les unes aux autres, donnent l’impression d’échantillons divers. Les fleurs qui les décorent atténuent un peu la laideur de l’effet général. Ici et là, cependant, on rencontre des habitations charmantes entourées de jardins, ombragées d’arbres, des habitations de grands seigneurs, qu’en Italie on appellerait des palais. Et les équipages viennent à toute heure se ranger devant les perrons, des femmes élégantes en descendent et y montent. C’est joli et cela crée une animation agréable. Notre faubourg Saint-Germain est autrement triste, mais il a plus grand air. L’hôtel français entre cour et jardin m’a toujours paru être une demeure de riche idéale. Les deux grands centres mondains sont Belgravia et Mayfair. Belgravia ! Shakespeare a dit :

« What’s in a name ? » « Qu’y a-t-il dans un nom ? »

Beaucoup, selon moi. C’est le vêtement de la chose et souvent le nom vaut mieux que la chose elle-même. Est-ce que la magie de ce nom de Belgravia ne se fait pas sentir jusqu’au delà de l’Océan ? Est-ce qu’il n’agit pas comme un aimant sur les millions et les millionnaires d’Amérique ? Hier, comme je traversais ce saint des saints de la société anglaise, je me suis souvenue du conseil fameux : « Stick to' Belgravia. » « Cramponnez-vous à Belgravia », c’est-à-dire à l’aristocratie. Et on s’y cramponne ! Les mains âpres et souvent peu nettes des snobs et des parvenus qui se livrent à cet exercice sur sa personne, l’eussent démolie depuis longtemps si elle n’avait des racines aussi profondes et aussi bien recouvertes de terre... Ses racines n’ont pas été dénudées par une révolution comme celles de l’aristocratie française, voilà pourquoi elle est debout encore.

Belgravia et Mayfair représentent deux mentalités, deux sociétés, deux époques. Belgravia est conservateur jusque dans ses moelles, Mayfair est aussi éclectique que possible en politique, en philosophie et en morale. Belgravia est comme il faut, Mayfair est élégant et chic. Belgravia est le passé, le passé vivant, Mayfair est la transition. Quand on ne peut pas être Belgravia on est Mayfair.

Paris a dans le faubourg Saint-Germain, sur la rive gauche de la Seine, une sorte de Belgravia, comme il a aussi une sorte de Mayfair dans la région mondaine de la rive droite.

Les quartiers de Belgra^"ia : Belgrave Square, Eaton Square, Grosvenor Crescent, etc., ont un aspect singulièrement froid. On sent qu’il y a là un décorum traditionnel, des opinions toutes canalisées, des sentiments bien disciplinés. Les « caps » doivent y être pointues, étroites et raides ! Quand on flâne dans ces rues, il vous tombe sur les épaules quelque chose de lourd et de glacial.

Dans les beaux quartiers de Mayfair, Park Lane, Berkeley Square, Grosvenor Square, etc., les maisons ont une physionomie plus ouverte, plus souriante, leurs stores blancs ou rayés claquent joyeusement au vent, leur décoration de fleurs est plus artistique. Quelques-unes, celles de Park Lane entre autres, ont un air galant et coquet. Les meubles, j’en suis sûre, sont français, Louis XV et "Louis XM, elles sont pleines de délicieux bibelots. On y rencontre plus de « tea gowns » que de « caps ». Et si je ne me trompe, le fleuretage et le bridge y sévissent furieusement. Les romanciers y placent volontiers leurs héroïnes mondaines. Je le comprends. C’est bien là l’atmosphère qui leur convient.

En dehors de ces deux centres de fashion, on trouve dans le West End des quartiers spacieux, tout à fait province, qui donnent une impression de confort et de tranquillité.

Pall Mail a un air de correction et d’élégance masculines. Derrière les fenêtres de ses grands clubs, on voit toujours quelques figures enfouies dans de vastes fauteuils, immobilisées par la lecture du journal quotidien et ces figures vous communiquent, je ne sais pourquoi, une sensation de mélancolie et d’ennui. Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/219 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/220 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/221 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/222 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/223 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/224 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/225 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/226 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/227 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/228 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/229 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/230 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/231 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/232 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/233 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/234 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/235 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/236 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/237 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/238 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/239 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/240 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/241 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/242 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/243 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/244 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/245 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/246 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/247 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/248 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/249 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/250 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/251 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/252 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/253 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/254 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/255 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/256 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/257 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/258 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/259 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/260 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/261 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/262 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/263 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/264 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/265 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/266 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/267 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/268 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/269 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/270 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/271 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/272 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/273 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/274 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/275 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/276 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/277 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/278 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/279 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/280 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/281 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/282 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/283 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/284 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/285 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/286 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/287 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/288 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/289 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/290 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/291 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/292 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/293 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/294 Son logement, situé au rez-de-chaussée, se compose d’un salon, d’une chambre à coucher et d’une salle de bains. Elle a en outre, une pièce à sa disposition pour une parente ou une amie. En Angleterre, l’hospitalité est tellement dans les mœurs, que l’on facilite à tous les moyens de l’exercer. Voilà un trait à retenir et qui fait grand honneur à nos voisins. La directrice va et vient dans les salles, donne elle-même les soins aux malades, arrangeant ici un bandage déplacé, encourageant l’un, égayant l’autre. Elle surveille non seulement le service de ses trois nurses, mais chaque jour elle fait la classe aux postulantes pour les préparer au brevet. Elle s’occupe, en outre, de l’administration, de la tenue des livres, du ménage dans ses plus petits détails. Elle est responsable de tout devant le conseil d’administration. Pour l’énorme travail que cette charge lui impose, elle reçoit cinq mille francs, m’a-t-on dit. Un homme en exigerait vingt mille. Le médecin est un jeune Chilien qui a fait ses études à Manchester et se propose de retourner dans son pays pour y fonder un hôpital du même genre. Il a dans l’aile gauche de l’Infirmerie un appartement pareil à celui de miss Newton. Le docteur et la directrice prennent leurs repas ensemble. Tous deux sont musiciens. Lui, joue admirablement du violon ; elle, l’accompagne au piano et ils passent de bonnes soirées délassantes. Cela paraît naturel à tout le monde. Dans notre pays, une semblable camaraderie serait impossible.

Lorsqu’une Anglaise consacre sa vie à une œuvre quelconque, elle ne se croit pas tenue à renoncer au monde et au sport. Elle cherche, au contraire, à se renouveler, à acquérir des forces pour les dépenser au service de ceux qui en ont besoin. On oblige, du reste, toutes les gardes-malades à faire une promenade quotidienne soit à pied, soit à bicyclette. Quand elles ont rempli leurs poumons d’oxygène, elles reviennent plus fraîches et plus vaillantes auprès de leurs patients. Oui songe à cela chez nous ? Miss Newton est une golfeuse enragée. Elle est reçue dans les meilleures familles, invitée aux garden-parties. Dans un coin du jardin, elle a une grande tente pour travailler et un hamac pour se reposer en plein air. À cinq heures moins un quart, les malades rentrent tous et le parc redevient un lieu idéal. Hier, c’était son jour de réception. Le temps était superbe et le thé fut servi dehors. Bientôt des jeunes gens et des jeunes filles arrivèrent à bicyclette, puis des dames suivirent. Les tasses et les gâteaux commencèrent à circuler et la conversation s’anima. Toutes les personnes présentes avaient été à Paris. On m’en parla avec sympathie, avec la reconnaissance d’un brillant souvenir. L’Infirmerie se trouvait cachée par les arbres, je ne la voyais pas, mais je la savais là et elle me gênait. Je pensais à ces pauvres têtes humaines défigurées par des bandages, à ces yeux qui ne reflétaient plus ni la lumière, ni les choses. J’avais la sensation de cette souffrance qui était si près et elle me troublait. Tout à coup, je vis une infirmière qui arrivait vers nous au pas de course.

Miss Newton posa instantanément la théière qu’elle tenait.

— Un accident ! dit-elle.

Le docteur, assis sur la pelouse, se leva d’un bond.

C’était un accident, en effet ; un ouvrier blessé à l’œil droit venait d’arriver. Notre hôtesse s’excusa aussitôt. Je demandai la permission de l’accompagner. Nous nous hâtâmes vers l’Infirmerie où le docteur A… nous avait devancées. En arrivant, nous trouvâmes un pauvre homme, le visage contracté par la souffrance. Une paillette brûlante lui était entrée dans l’œil.

— Nous allons vous enlever ça, dit le docteur avec un accent de bonté, il y a probablement plus de douleur que de mal.

Miss Newton posa affectueusement la main sur l’épaule de l’ouvrier :

— Cela ne sera pas long, mon ami, fit-elle à son tour, le docteur est extrêmement adroit. Et puis, vous devez avoir du courage… on le voit.

Et lui prenant le bras qu’elle passa sous le sien, elle l’emmena en m’envoyant un joli sourire.

Comme c’était habile et féminin cette manière de supposer la bravoure pour l’exciter ou la faire naître !

Au bout de vingt minutes très angoissées, je vis reparaître miss Newton avec son blessé.

— Le docteur répond de notre œil ! me cria-t-elle d’une voix joyeuse.

Ce « notre » me parut adorable.

Je félicitai chaleureusement l’ouvrier. Il parut touché de mon intérêt.

La directrice désigna le lit qu’il devait occuper, lui commanda un bain tiède, un potage léger et le remit aux mains d’une nurse. Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/298 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/299 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/300 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/301 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/302 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/303 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/304 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/305 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/306 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/307 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/308 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/309 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/310 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/311 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/312 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/313 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/314 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/315 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/316 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/317 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/318 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/319 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/320 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/321 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/322 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/323 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/324 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/325 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/326 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/327 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/328 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/329 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/330 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/331 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/332 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/333 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/334 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/335 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/336 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/337 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/338 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/339 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/340 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/341 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/342 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/343 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/344 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/345 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/346 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/347 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/348 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/349 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/350 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/351 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/352 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/353 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/354 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/355 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/356 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/357 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/358 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/359 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/360 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/361 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/362 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/363 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/364 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/365 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/366 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/367 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/368 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/369 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/370 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/371 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/372 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/373 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/374 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/375 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/376 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/377 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/378 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/379 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/380 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/381 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/382 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/383 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/384 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/385 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/386 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/387 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/388 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/389 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/390 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/391 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/392 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/393 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/394 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/395 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/396 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/397 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/398 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/399 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/400 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/401 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/402 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/403 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/404 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/405 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/406 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/407 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/408 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/409 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/410 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/411 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/412 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/413 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/414 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/415 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/416 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/417 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/418 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/419 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/420 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/421 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/422 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/423 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/424 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/425 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/426 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/427 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/428 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/429 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/430 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/431 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/432 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/433 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/434 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/435 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/436 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/437 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/438 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/439 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/440 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/441 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/442 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/443 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/444

— De la part de monsieur Punch, dit-elle en me tendant une tasse.

— Merci à monsieur Punch ! répondis-je. Bien que je sois une de ses fidèles lectrices, je ne m’attendais guère à être invitée par lui.

— C’est votre récompense, fit M…

— Pas de fausse modestie ! Il n’y a aucun mérite à lire Punch quand on sent l’humour ; il est délicieux !

— Je suis étonné qu’une étrangère le goûte, d’autant plus que la femme, en général, n’a pas la veine humoristique.

— Eh bien, sans me vanter, je crois que je possède cette faculté et j’en remercie les dieux. Elle a été dans ma vie une précieuse source de gaieté, elle n’est pas encore tarie. Les caricatures, les dessins humoristiques font ma joie. J’en ai une collection considérable derrière mon front. Quand l’un ou l’autre ressort, il m’arrive de rire tout haut et toute seule dans ma chambre. Tenez, dans votre avant-dernier numéro, il y en avait un que je n’oublierai pas : un homme du peuple, montrant à son camarade deux collégiens d’Eton avec des chapeaux haut de forme, lui dit d’un air gouailleur : « Regarde, Arry… que le diable m’emporte, s’ils n’ont pas mis le tuyau de poêle avant que la maison soit bâtie ! » Cette remarque, provoquée par la disproportion de ce chapeau d’homme sur une tête d’enfant, me semble de l’humour parfait.

— C’est cela même. Le bon sens est le père de l’humour.

— Voilà pourquoi il est si rare chez la femme, ajouta M. Leslie. Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/446 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/447 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/448 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/449 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/450 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/451 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/452 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/453 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/454 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/455 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/456 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/457 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/458 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/459 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/460 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/461 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/462 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/463 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/464 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/465 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/466 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/467 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/468 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/469 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/470 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/471 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/472 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/473 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/474 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/475 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/476 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/477 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/478 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/479 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/480 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/481 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/482 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/483 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/484 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/485 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/486 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/487 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/488 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/489 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/490 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/491 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/492 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/493 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/494 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/495 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/496 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/497 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/498 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/499 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/500 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/501 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/502 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/503 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/504 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/505 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/506 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/507 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/508 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/509 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/510 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/511 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/512 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/513 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/514 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/515 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/516 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/517 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/518 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/519 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/520 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/521 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/522 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/523 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/524 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/525 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/526 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/527 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/528 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/529 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/530 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/531 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/532 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/533 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/534 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/535 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/536 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/537 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/538 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/539 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/540 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/541 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/542 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/543 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/544 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/545 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/546 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/547 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/548 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/549 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/550 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/551 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/552 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/553 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/554 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/555 Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/556 LONDRES. 541

bien, toutes trois, me faire le plaisir d’y venir prendre le thé vers cinq heures..

— Nous acceptons, fis-je promptement. Le thé dans un club masculin manquait à ma collection. Merci.

— Croyez-vous que madame Nerwind voudrait être des nôtres ?

— Elle ne le pourrait pas, j’en suis certaine, répondit miss Talbot ; elle s’est déjà débarrassée de moi pour l’après-midi.

Le ton joyeux, délibéré, avec lequel M. Beaumont avait fait son invitation, me causa un secret plaisir. Il me sembla que c’était celui d’un homme qui a pris une décision, qui s’est trouvé, comme disent les Américaines, qui a vu clair en lui.

Nous nous préparâmes pour quatre heures quarante-cinq. Edith mit sa toilette la plus seyante, s’accommoda avec un soin particulier. Elle surprit dans la glace le sourire qui me vint aux lèvres et, rougissant un peu, elle se retourna vers moi :

— Les Anglais sont des créatures vaines, comme vous le dites, ils aiment qu’on leur fasse honneur.

— Parfaitement vrai, confirma Ruby. Tâchons d’être aussi bien que possible pour ce charmant Philippe Beaumont, ajouta-t-elle en donnant un nouveau coup de doigt à ses cheveux et à son chapeau.

Nous arrivâmes à l’heure dite au Wellington. Notre hôte nous conduisit dans une salle boisée à mi-hauteur, peinte en blanc, avec des rideaux rouges, un tapis de même couleur, et ornée de grandes verdures. Pas de tableaux, pas de bibelots, des meubles

31 542 L'ILE INCONNUE.

sérieux, un cadre sévère. Trois touffes de belles roses marquaient notre table. On apporta le thé avec son accompagnement habituel de gâteaux, de fraises, de crème, de tartines beurrées.

Après une seconde d’hésitation, Philippe Beaumont demanda à Edith de vouloir bien le servir. Il y avait dans sa voix une émotion qui ne m’échappa pas.

— Certainement, répondit-elle, avec un petit rire nerveux. Servir le thé fait partie de ma mission ici-bas.

Miss Baring se mit en devoir de remplir ladite mission. Je remarquai le tremblement de ses doigts. Quand elle tendit à Philippe Beaumont la tasse qu’elle lui avait préparée, elle dut forcément le regarder. Il la prit très lentement. Si je ne me trompe pas, à ce moment même la paix se fît entre eux.

Il y avait peu de monde dans la jolie salle du Wellington, mais les hôtes et leurs invitées appartenaient à la meilleure classe et l’ensemble était très élégant.

— Comme c’est solennel chez vous, monsieur Beaumont, dit miss Talbot.

— C’est un club d’hommes qui reçoit des femmes.

— Et qui a même une entrée séparée pour elles, fis-je en souriant. La gracieuseté a l’air d’être faite avec réserve plutôt.

— La réserve n’a rien de désobligeant, croyez-le. — J’en suis persuadée.

— N’avez-vous pas trouvé nos usages mondains bien différents des vôtres ?

— Oui. Tenez, je m’étonne toujours de voir les LONDRES. 543

hommes entrer dans un salon sans leur chapeau. Pour nous, le maître de la maison a seul ce droit.

— Qu’est-ce qui vous parait plus convenable ? me demanda miss Talbot.

— Eh bien, les hommes du monde savent se faire une contenance de leur chapeau, ils tiennent même gracieusement ce disgracieux objet ; quant aux autres, ils en sont toujours embarrassés et le posent sur les meubles ou par terre. A dire vrai, j’aimerais mieux qu’ils le laissassent dans l’antichambre. Une autre chose m’a beaucoup frappée. Chez vous, la conversation devient rarement générale. Et, dans toutes les réunions, les gens se groupent sans façon, selon leurs affinités ou leur intimité. On cause par petites tables, pour ainsi dire. Le fleuretage doit y trouver son compte.

— N’en doutez pas, répondit M. Beaumont, notre timidité est un peu la cause de cela. Un Anglais exposera ses idées devant deux ou trois personnes, et devant une dizaine il restera muet comme une carpe.

— Ce « comment vous portez-vous ? » par lequel vous vous abordez et auquel vous répondez par un autre « comment vous portez-vous ? », me semble comique et me déconcerte toujours. Figurez-vous un malheureux étranger qui croirait que vous lui demandez des nouvelles de sa santé et qui prendrait la peine de vous en donner ?

— Cela m’est arrivé en province, en Angleterre même, dit Ruby. Nous disons « bonjour » à nos inférieurs, il a fallu trouver autre chose pour nos égaux, mais je conviens que celte salutation est stupide.

Je me mis à parler de notre départ, de la joie que nous attendions tous de ce « week end » à Loftshall.

— Et je suis de la partie, dit joyeusement miss Talbot. Madame Nerwind, elle, est retenue à Londres. Elle a un neveu et une nièce qui lui arrivent de Ceylan. Nous autres Anglais, nous avons toujours quelque membre de la famille en route.

Sur ce, je racontai l’arrivée de Jack Baring et sa rencontre avec Gladys Reynold.

— Édith est sérieusement menacée d’une belle-sœur américaine, ajouta Ruby, elle qui les déteste !

Cette dernière phrase amena une vive rougeur sur le visage de mon amie et une soudaine irradiation sur celui de mon voisin.

Notre thé, dans l’atmosphère du Wellington, fut intime et charmant. Tout le temps, j’ai senti le grand invisible à l’œuvre entre les amoureux. Il me semblait que j’avais près de moi deux appareils de télégraphie sans fil. Et n’était-ce point cela ?… lui, le générateur… elle, le récepteur ! Je regrettais de troubler, par des paroles oiseuses, le travail sacré. Comme si miss Talbot en eût été affectée, je la vis à plusieurs reprises arrêter ses yeux sur Édith et sur Philippe Beaumont et je dus détourner son attention.

— Je ne vous verrai pas ce soir à l’hôtel Claridge, me dit notre hôte lorsque nous prîmes congé de lui, ma sœur et moi nous dînons en ville ; mais si vous le permettez, j’irai vous saluer demain à Paddington.

— Vous nous ferez plaisir, répondis-je en lui serrant la main.

Nous reconduisîmes miss Talbot Portman Square. Nous fîmes nos adieux à son amie et nous lui exprimâmes nos regrets de ce qu’elle ne pouvait être des nôtres. Édith l’invita à Loftshall pour le mois d’octobre.

Comme la voiture se mettait à rouler vers l’hôtel Claridge, je me retournai. La large rue était blanche de chaleur et de poussière, toute dorée par les rayons du soleil couchant. Sur le seuil de sa porte, entre deux fenêtre fleuries, je vis la figure bien anglaise de madame Nerwind, de la femme qui m’a aidée avec tant de bonne grâce. Je lui envoyai un dernier salut d’amitié. C’est ainsi, j’en suis sûre, qu’elle restera dans mon souvenir.